Culture
Dans le rétroviseur

Vive la fête nationale!

Il y a 6 heures
Modifié à 16 h 17 min le 20 juin 2025

Souvenir du 75e anniversaire – 1834-1909, carte postale, Montréal, Illustrated Post Card Co., 1909.

Dans le rétroviseur

Une collaboration spéciale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)

Par Michèle Lefebvre, bibliothécaire à BAnQ

Depuis près de 200 ans, le 24 juin, c’est la fête des Québécois! 

Déjà en Nouvelle-France, on souligne ce jour-là l’anniversaire de saint Jean-Baptiste avec des feux de joie, des chants religieux et des décharges de canons… Pour les sociétés rurales de l’époque, le solstice d’été, qui coïncide avec ce moment, symbolise le renouveau de la nature et la promesse des récoltes à venir. 

C’est Ludger Duvernay, propriétaire du journal La Minerve et patriote convaincu, qui transforme en 1834 cet anniversaire en une célébration des Canadiens français. Ses motivations sont avant tout politiques. Nos ancêtres, fermiers, médecins, avocats et petits commerçants, forment la grande majorité de la population et sont représentés à la Chambre d’assemblée par le Parti patriote. Cependant, l’essentiel du pouvoir repose entre les mains d’un petit groupe de « bureaucrates » anglais et écossais qui s’approprie les ressources du pays. 

La situation est tendue : les rébellions des patriotes éclateront trois ans plus tard. Dans l’immédiat, Duvernay souhaite doter les Canadiens français d’une fête qui leur permette de s’affirmer en tant que groupe fort et uni, à l’instar des Irlandais à la Saint-Patrick. Peut-être opte-t-il pour l’anniversaire de saint Jean-Baptiste en guise de pied de nez aux « bureaucrates », ces membres de la loge franc-maçonnique de Montréal qui soulignent avec solennité le solstice d’été. Il s’agit aussi d’un choix logique puisque les Anglais ont pris l’habitude de désigner les Canadiens français dans leur ensemble sous le sobriquet de « Jean-Baptiste ».

Le 24 juin 1834, une soixantaine de convives se réunissent dans le jardin montréalais de l’avocat Jean-François-Marie-Joseph MacDonell pour un banquet sous le signe de la revendication politique. On boit entre autres au « peuple, source primitive de toute autorité légitime » et aux 92 Résolutions, qui listent les exigences de la Chambre d'’assemblée face au gouvernement britannique. On chante ou on lit des textes, dont l’extrait suivant :


Au Canada  comme à sa belle
Chacun jure fidélité,
Et demande à saint Jean que l’une soit fidèle
Et que l’autre s’éveille au cri de LIBERTÉ

Un correspondant du journal L'ami du peuple, de l'ordre et des lois, opposé aux patriotes, prédit que cette nouvelle « fête nationale » ne sera jamais célébrée que par quelques « Gros Jean » et que les patriotes pourraient bien voir leur tête coupée comme celle de Jean-Baptiste à l’époque de Jésus…

Pourtant, la célébration prend de l’ampleur en 1835, 1836 et 1837. Cette dernière année, on boycotte les produits britanniques; les tables sont garnies de viandes et d’alcool québécois tandis que les convives sont vêtus d’étoffes du pays. Mais les rives du Richelieu et les alentours de Montréal seront bientôt plongés dans une lutte armée opposant patriotes et fidèles du gouvernement britannique. 

Brièvement interrompue par les évènements, la Saint-Jean-Baptiste renaît en 1842 à Québec avant de s’étendre partout dans la province. Voilà exactement 100 ans, en 1925, le gouvernement du Québec adopte une loi pour faire de cette fête un jour férié pour tous les Québécois. On n’a pas fini de célébrer!

1.  À l’époque, le mot Canada désigne le Québec et l’Ontario, qui partagent les mêmes revendications envers le gouvernement colonial britannique.

Prolongez le plaisir de la découverte! Poursuivez votre exploration et profitez d’une foule de ressources en ligne gratuites à banq.qc.ca.

« La fête nationale au jardin Viger à Montréal », gravure dans L'Opinion publique, 2 juillet 1874, p. 320.

Souvenir du 75e anniversaire – 1834-1909 – Ludger Duvernay, carte postale, Montréal, Illustrated Post Card Co., 1909.

La fête nationale au parc Jeanne-Mance à Montréal, 1977. Archives nationales à Montréal, fonds Ministère de la Culture et des Communications (E6, S7, SS1, D771951_17). Photo : Henri Rémillard.

Le défilé de la fête nationale à Montréal, 1995. Archives nationales à Montréal, fonds La Presse (P833, S5, D1990-0236_014). Photo : Luc-Simon Perrault.