Culture

Western, une folle épopée qui porte à réflexion

le mardi 25 février 2020
Modifié à 12 h 06 min le 24 février 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

En tournée depuis 2017, les conteurs François Lavallée et Achille Grimaud transportent leur course échevelée Western sur la scène du Théâtre de la Ville, le 1er mars. Pour amateurs de cowboys… ou pas. Lors d’une soirée bien arrosée, dans un bar où trône des cornes au-dessus de la porte d’entrée, deux amis réinventent le monde et décident sur un coup de tête de se défaire de leur dépendance à toutes technologies. Finis les cellulaires, on coupe les cartes de crédit. Et de fait, ils partent sans payer, à la course, jusqu’à basculer dans un autre monde: un western où ils reverront les personnages croisés au bar, et où ils se retrouveront malgré eux à cautionner ce qu’ils critiquaient. Cette prémisse de départ renferme bien sûr une réflexion sur notre rapport à la technologie, mais Western galope au-delà et questionne le «récit auquel on adhère comme société, comme individu». «Au-delà des conneries des deux gars – parce que, oui, c’est drôle! –, il y a une couche philosophique et politique. On se pose des questions qui ouvrent vers l’humanité», partage François Lavallée. Le conteur s’est toujours appliqué à faire de tels spectacles multicouches: la couche intime du souvenir et de la nostalgie – «pas pour dire que c’était mieux avant, mais pour retourner à la base, la genèse, les premières motivations» –, à laquelle se superposent la couche de l’imaginaire, puis celle du social. Et pour revenir à la technologie, les personnages, sous le couvert de la caricature, reflètent la position respective des deux conteurs. «J’ai un cellulaire, et c’est celui de toute la famille, illustre-t-il. Je suis toujours un pas ou deux en arrière. Alors mon personnage, c’est moi, caricaturé. Achille, lui, est plus à fond là-dedans. Mais on n’offre pas de réponse, de morale ou de leçon. On réfléchit à jusqu’où on va dans tout ça.» Alliance naturelle Avant de plonger dans l’univers de Western, le Breton Achille Grimaud et François Lavallée ont partagé la scène pendant cinq ans, en compagnie de Sergio Grondin, avec Le cabaret de l’impossible: trois conteurs «pas loin du poète, du comédien et de l’humoriste». De collègues de travail, ils sont devenus amis. Le monde du western spaghetti, avec sa dimension politique, c’était une idée d’Achille. La fusion des univers de deux créateurs est naturelle. «Nous avons tous les deux une écriture assez ciselée, assez cinématographique. Ma force est de créer des images poétiques; celle d’Achille, ce sont les dialogues, identifie M. Lavallée. En unissant nos styles, on a des répliques taillées comme un duel et beaucoup de place à la poésie.» Cette écriture cinématographique réfère à cette force de raconter, de créer des images. Le conteur évoque le cinéaste Sergio Leone qui était apparemment un «fichu de raconteur». «Sur le plateau, il racontait les scènes à son équipe avant de les tourner: vous aurez le soleil dans les yeux, vous allez arriver avec vos chevaux… On voyait la scène. Le but, comme conteur, c’est de faire entrer le public dans des histoires, de créer des images, d’y croire. On quitte le réel sans réfléchir, on accepte les codes. Car les émotions, elles sont vraies.» François Lavallée raconte que des spectateurs venus les féliciter lui et son collègue après une représentation ont aussi complimenté les conteurs sur leurs «beaux chapeaux». «Mais on n’en portait pas!» Quand opère la force d’évocation et d’imagination… En dialogue Le quatrième mur, les conteurs ne connaissent pas. À plus d’un sur scène, il y a bien sûr le dialogue qui s’établit avec le partenaire de jeu, mais celui avec le public est aussi à entretenir. «Il se crée un triangle, pour échanger.» Sur scène, les deux conteurs de Western n’errent pas comme des chevaux en cavale. Tout est écrit, «à la virgule près», pour une plus grande marge de manœuvre. «Ça me libère la tête et je peux vraiment entrer en relation avec les spectateurs, explique François Lavallée. Je suis dans le moment présent et ça, c’est à recréer à chaque fois. Le texte du corps, la relation avec le public se réinventent.» C’est le public québécois qui a découvert pour la première fois Western, né à la Chasse-Galerie, à Lavaltrie. Après des représentations dans des festivals, le spectacle a été accueilli au théâtre le Strapontin, en Bretagne. Après une tournée en France, les deux cowboys sillonnent maintenant les routes du Québec. Le spectacle s’inscrit dans le Circuit paroles vivantes, un programme de développement de marché du Regroupement du conte au Québec. «Longueuil participe super bien au circuit, se réjouit François Lavallée. Ils s’investissent depuis le début.»