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William Gagnon, jusqu'à Yellowknife pour sauver la planète

le lundi 09 mars 2020
Modifié à 17 h 01 min le 06 mars 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

https://www.dailymotion.com/video/x7sjbl7 William Gagnon a quitté Longueuil il y a plus de deux ans et demi à destination de Yellowknife, avec pour mission de faire une réelle différence dans la lutte aux changements climatiques. Par l’action, il est convaincu qu’on peut renverser la tendance… et sauver la planète. C’est d’abord une quête de signification et de résultats bien tangibles qui ont mené William Gagnon aux Territoires du Nord-Ouest. Auparavant, il travaillait dans un bureau d’architectes de Montréal. Comme ingénieur en bâtiment spécialisé dans la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), il était convaincu que de contribuer à la construction de bâtiments durables constituait une mesure concrète afin de réduire le réchauffement climatique. «J’ai appris au fil de mes recherches que même si demain matin on ne construisait que des bâtiments LEED certifiés Platine — des bâtiments très écologiques! — on se dirigerait toujours vers 3°C de réchauffement climatique, si on suit les modèles climatiques du GIEC.» «Alors je cherchais quelque chose avec plus de meaning. J’ai appliqué partout.» C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à Yellowknife, au sein de l’organisme Ecology North. Il a entre autres dirigé le projet d’un Centre du nord pour la durabilité et le Défi des Villes Intelligentes d’Infrastructure Canada, qui a vu la Ville de Yellowknife finaliste. Des rénovations payantes William Gagnon œuvre aujourd’hui au Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest. Il se consacre à l’économie de rénovation des bâtiments du Nord. Avec des économistes et experts, il a évalué ce qu’entraînerait la transformation des constructions en bâtiments zéro carbone en termes de coûts et d’économies, de réduction de gaz à effet de serre ainsi que de création d’emplois. «On a découvert qu’il y a un retour sur investissement de 9% et des économies annuelles de 20 M$. Le territoire ici est énorme, mais il y a 40 000 personnes. Alors c’est énormément d’argent.» Des bâtiments plus verts passent entre autres par l’installation de panneaux solaires. Mais étant donné le peu d’ensoleillement l’hiver, d’autres solutions doivent entrer en jeu, notamment pour stocker cette énergie solaire. Sa recherche terrain l’a mené en Scandinavie, où ils utilisent l’énergie solaire pour produire de l’hydrogène. La création de carbone par pyrolyse, soit la création de chaleur et biocharbon à partir de compost et déchets organiques, comme il est fait en Suède et Finlande, pourrait être importée ici. M. Gagnon relève à quel point les Territoires du Nord-Ouest sont dépendants du diesel: les émissions de CO2 y atteignent les 28 tonnes par habitant, comparativement à une consommation autour de 9,6 tonnes par habitant au Québec. Les changements climatiques dans ta cour William Gagnon avait toujours cru que les impacts des changements climatiques ne seraient tangibles que dans le futur. Dans le nord du pays, il a constaté qu’ils étaient bien réels, au présent. «J’ai vu la différence entre Montréal et le Nord… Ici, tout le monde parle des changements climatiques, peu importe la job que tu as. Ça m’a frappé. Quand tu vois les impacts, tu te réveilles! Les gens sont super au courant, et très favorables [à la lutte aux changements climatiques].» Les fondations des maisons qui s’effondrent à cause de la fonte du pergélisol, la fragilisation des routes de glace; les impacts sont bien visibles. Depuis plusieurs années, un château de glace accueille des activités tout l’hiver. L’an dernier, il a dû fermer en mars plutôt qu’en avril, en raison des températures trop élevées; une première. «Ç’a créé un état de panique. D’habitude, en mars, il fait -20°C. Là, c’était au-dessus de zéro. C’est 15-18 degrés au-dessus de la normale de 1971-2000.» L’an passé, William Gagnon et un ami ont mis au point un Twitter bot qui compare la météo du jour avec celle de la moyenne de 1971-2000 pour cette même journée. Les écarts importants de quelques degrés ne sont pas rares. «Notre intention était d’envoyer un message et de mettre plus de données sur les changements climatiques. On est rendu à un point où à certains endroits, il n’y a plus de glace et donc, la terre absorbe plus vite la chaleur. Donc, ça se réchauffe plus vite.» Dans ce contexte, l’écoanxiété est un phénomène bien réel dans le Nord. William Gagnon vante le travail de l’urgentologue et présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement Courtney Howard, basée à Yellowknife. «Elle a compris que pour sauver des vies, il faut travailler sur les changements climatiques. Elle prescrit de l’action climatique.» Recycler ne suffit plus William Gagnon donne aussi plusieurs conférences afin d’éduquer et sensibiliser. Il en prépare une sur la décarbonisation et l’économie circulaire. Selon lui, le discours faisant du gaz naturel une «énergie de transition» n’est pas valable. «On doit accélérer la décarbonisation, nous devons carrément arrêter d’utiliser le diesel. Ça prend un prix fort du carbone sans moyen de s’échapper, comme les pétrolières qui peuvent actuellement faire planter des arbres [et continuer leurs affaires]. Il faut réduire le carbone dans l’atmosphère.» Dans un avenir pas si éloigné, il croit possible de voir voler des avions électriques… du moins dans le ciel de la Norvège. Il y a essayé cet été un petit avion électrique. Le pays a d’ailleurs instauré une loi selon laquelle d’ici 2040, les vols commerciaux intérieurs devront être assurés par des modèles électriques. «Et ça ne m’étonnerait pas que l’objectif soit devancé», envisage M. Gagnon. Ainsi, l’espoir parvient néanmoins à se tailler une place chez William Gagnon, qui a pris la voie de l’action pour réduire son écoanxiété. Oui, chaque geste individuel compte, mais… «Recycler, la mobilité, tout ça, ça fait des années qu’on le répète. Il faut le faire, mais si ce n’est pas couplé à une implication environnementale sociale ou politique, si on n’est pas activement impliqué à changer le climat, ce n’est qu’une dissonance cognitive pour se sentir bien.»