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Tricoter une parcelle de féminité

le vendredi 08 novembre 2019
Modifié à 14 h 45 min le 08 novembre 2019
Par Vicky Girard

vgirard@gravitemedia.com

Entre le cliquetis de leurs aiguilles et leurs conversations, une dizaine de tricoteuses racontent comment elles redonnent une parcelle de féminité à celles qui ont subi une chirurgie mammaire. Le groupe de 13 femmes se réunit une fois par semaine depuis un an à la résidence pour personnes âgées Chartwell, à Candiac, afin d’unir leur passe-temps à une bonne cause, les nichons tricotés. Elles ont tricoté près de 500 prothèses mammaires en laine de coton et compte continuer le plus longtemps possible. Judy Bridgwater-François, infirmière praticienne, a entendu parler du mouvement «Knitted knockers of Canada» alors qu’elle était à l’Île du Cap Breton en résidence durant ses études en oncologie. «J’étais déjà sensibilisée à la cause. Ils cherchaient quelqu’un ici pour superviser bénévolement un groupe de tricot, alors j’ai soumis l’idée au Chartwell et ç’a fonctionné. Beaucoup de femmes ont embarqué rapidement», raconte-t-elle. Mme François chapeaute ainsi les tricoteuses avec Suzan Henri, dont la mère réside au Chartwell. «Judy m’en a parlé et comme c’est le soir où je venais souvent souper avec ma mère, je me suis jointe au projet. Ça nous fait une belle activité ensemble», dit Mme Henri. Sa maman, Pierrette Rivest, est fière de voir sa fille participer. Elles partagent un intérêt pour le tricot. «Ce que j’aime le plus du projet? C’est la cause. Moi, je n’ai pas de problèmes [de santé], mais si j’en avais, je serais contente de pouvoir avoir cette solution abordable», laisse-t-elle savoir. Certaines participantes travaillent aussi à faire connaître les nichons tricotés à leur entourage. «La plupart ne savent même pas que ça existe!, affirme Céline Bouthiller, je connais une femme qui a été opérée et qui ne mettait rien du tout sous son chandail. Les prothèses en silicone qu’elle avait n’étaient pas aussi confortables que celles en laine.»
Photo gracieuseté.
Lisette Cromp, une autre tricoteuse, trouve gratifiant de savoir que son passe-temps a un but. «C’est super si ça peut permettre à des femmes de se sentir mieux», dit-elle. Les deux femmes qui ont de l’expérience en tricot disent également aimer le projet, car elles doivent relever un défi en tricotant avec trois aiguilles.
Bien que les tricoteuses s’étaient fixé l’objectif de 500 nichons tricotés en un an, Louisette Lepage, reconnue pour être la plus rapide du groupe, veut surtout s’amuser. «On fait ça dans le plaisir, je ne compte pas», affirme-t-elle. Mme Lepage raconte que le témoignage d’une femme ayant bénéficié des nichons tricotés l’a touchée et la pousse à continuer. «Elle avait entre 35 et 40 ans. Il lui manquait un sein et, grâce à son nichon, elle nous a dit qu’elle allait enfin pouvoir s’habiller comme elle voulait, se souvient la tricoteuse. Elle pleurait de joie. Elle avait une prothèse qu’elle ne voulait pas porter. On lui a donné un nichon pour son maillot de bain aussi. Voir cela, ça incite à continuer.» Elle ajoute avoir été surprise elle-même que les prothèses en laine de coton se lavent, soient confortables et légères.
Photo: Le Reflet – Denis Germain
Occasion de se réunir Mme Cromp et Mme Bouthillier s’entendent toutes les deux pour dire que le mardi soir est devenu un moment où elles sont heureuses de se réunir pour tricoter, mais aussi pour discuter entre elles de tout et de rien. Assise en face d’elles, Mme Rivest renchérit. «On a toujours du fun quand on se rencontre. Surtout que ce n’est pas difficile, on fait toujours la même chose», blague-t-elle. Les femmes s’aident entre elles, se montrent leurs réalisations, parfois plus sobres, parfois agrémentées de touches plus colorées. Elles lancent l’invitation à tous à se joindre à elles le mardi soir. À propos des nichons tricotés   Les nichons de laine sont des enveloppes en forme de demi-sphère tricotées et rembourrées selon la taille du soutien-gorge. Chacun prend environ deux heures à faire. Une balle de laine, selon le type de matériel, permet d’en fabriquer trois à quatre. Les tricoteuses suivent un patron pour les réaliser. Le matériel est fourni par les bénévoles elles-mêmes et par le comité de résidents en partie.Les femmes peuvent se procurer des prothèses mammaires en coton gratuitement auprès du centre de femmes COm’femme située à Brossard, en ligne, au comfemme.org/lesnichonstricotés ou par courriel au comfemme@knittedknockerscanada.com.