Après un an en VR, le refus de rentrer dans le moule

Anthony Marmié et Isabelle Bezert, de retour à Longueuil après avoir «déconnecté» à bord du VR pendant près d'un an. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Michel Hersir)
À l’été 2024, Isabelle Bezert et Anthony Marmié lançaient leur projet «un peu fou» de partir un an en véhicule récréatif à travers l’Amérique du Nord avec leurs deux garçons et leur chien. Un an plus tard, ils sont de retour à Longueuil la tête pleine de souvenirs et doivent maintenant composer avec la réalité de tout voyageur : le retour à la routine. Ou presque.
À bord de la cigale – nom affectif donné à leur véhicule récréatif – les deux voyageurs admettent avoir encore un peu de mal à trouver leurs repères depuis leur retour en mai.
Mais surtout, on les sent remplis de fierté d’être allés au bout de cette aventure, de l’avoir réussi malgré les bris dans la cigale, avec un budget précis, le télétravail et l’école sur la route.
«On n’a jamais entendu la phrase : c'est quand qu'on rentre?» évoque Isabelle Bezert, signe que la famille a bien adopté le mode de vie nomade de la dernière année.
Du Québec au Mexique
Partant du Québec, la famille a traversé le Canada jusqu’au lac Louise, en Alberta, avant de descendre vers les États-Unis et franchir les états de l’ouest jusqu’en Basse-Californie du Sud, au Mexique. Ils sont ensuite allés jusqu’en Floride, où ils ont fait un arrêt à Disney World avant de rentrer à la maison.
«Dans les réunions en ligne, les collègues posaient la question : tu es où là? Parfois le paysage derrière, c’étaient les montagnes, puis trois jours après c'était le bord d'une plage! C’était sympa», admet Anthony Marmié.
Anthony Marmié et Isabelle Bezert sont particulìerement heureux d'avoir pu vivre cette expérience avec leurs deux fils, Lilian et Elliot. (Photo: gracieuseté)
Il reconnait tout de même que la famille a eu besoin de quelque temps pour s’adapter à son nouveau mode de vie : «surtout le premier mois, on a l'impression de partir en vacances et non sur un mode de vie d'un an. Il a fallu qu'on se remette un peu à jour et se dire : attention c'est fini les sorties ou les crèmes glacées à profusion et tout ça».
«On avait l’avantage d’être en décalage horaire, donc je pouvais moi me lever tous les jours à 6h, 7h, commencer à travailler, finir à midi et avoir mon après-midi complète. C’était pareil pour les enfants avec l’école. Après on bouge, on fait les activités ou on roule tout dépendamment des jours», ajoute le papa.
Coups de cœurQuels ont été les coups de cœur de la famille? Voici trois endroits qui les ont vraiment marqués. -L’Utah : «On a été émerveillé pendant les quatre semaines qu’on a passé en Utah. Selon nous, l'Utah au complet devrait être classé parc national! Parce que chaque virage, c'est un paysage différent.» -Les prairies canadiennes : «Tout le monde nous avait dit : c’est long, puis c’est plate. Alors que les champs jaunes de colza à perte de vue, c'est magnifique. Et il y a petites pépites. Le parc national des prairies, qui est quasiment tout le temps vide, perdu à 400 km dans les prairies. On a l'impression qu’on n'est pas au Canada, le monde n'imagine pas que ce type de paysage là existe au Canada!» -La faune marine de la Basse-Californie : «C’est la beauté de la nature à l’état brute. C’est une richesse mexicaine de par sa faune. Il y a des requins-baleines, des baleines bleues, des baleines grises, des raies, des langoustes, des otaries, des tortues. Enfin il y a une faune marine incroyable!» |
Camaraderie
Sur la route, la famille n’était pas seule avec sa cigale. Elle a fait toutes sortes de rencontres, dans un contexte propice à la socialisation.
Ils évoquent la famille rencontrée dans «un spot nulle part» qu’ils ont revue durant leur périple, les endroits où les enfants étaient une vingtaine à jouer ensemble ou les locaux très accueillants qui les ont aidés.
«C'est fou comme l'amitié sur la route est très forte, parce qu'on fait fi d'où tu viens, de qu'est-ce que tu fais dans la vie, des critères sociaux, et on passe à l'essentiel», évoque Isabelle Bezert.
Le voyage et la maison
Malgré tout, la famille était heureuse de revenir à la maison et estime avoir fait le bon choix en partant sur un mode de vie nomade pendant un an et pas plus. La traversée de la frontière avec la vue du panneau du Québec a été particulièrement émotive.
«Quand on part, on a plein d'idées farfelues ou du moins utopiques. On part un petit peu à la Bohème, sans aucun recul. Et finalement on s’est rendu compte que le Québec nous manquait», explique la maman.
Le Québec, mais aussi un divan, un espace intime, un endroit lorsque le temps est mauvais. Bref, un «camp de base ». «On va rester nomades toute notre vie. Après, c’est de se ramener, de se poser deux, trois ans, puis de repartir», souligne Anthony Marmié, qui parle déjà de projets comme de visiter l’Alaska sur trois mois ou l’Australie pendant un an.
Au-delà du lieu physique, le couple souhaite également adopter les leçons apprises durant le périple à leur vie quotidienne.
«Outre le voyage, tu réfléchis différemment. Par exemple sur l'emploi. Ok, travailler, oui, mais entre l’ambition et la famille, avant le réflexe aurait été le financier, mais aujourd'hui, le réflexe est : est-ce que je vais perdre en qualité de vie? On a décidé de rebrasser nos cartes et de vivre pour nous», philosophe Isabelle Bezert.
«Je refuse de rentrer dans le moule!» ajoute-t-elle.
Les cigales en voyage
La famille a documenté son voyage à travers sa chaîne YouTube, Les Cigales en voyage et admet avoir été surpris par l'intérêt aussi grand de la communauté de gens en VR. Plus de 1200 abonnés suivent aujourd'hui leur chaîne. (Photo : capture d'écran YouTube)
Allez-y!
Pour ceux qui hésiteraient à se lancer dans une telle aventure, la famille recommande d’oser le faire, mais d’être bien préparé et prendre son temps.
«Le piège de tout voyageur, c’est de rouler trop vite. Il faut prendre son temps et ne pas tout organiser, plutôt organiser des points centraux. Par exemple, on savait qu’on voulait aller à Banff. Donc, de Longueuil, on est parti vers Banff. Après son trajet est en fonction de ce qui nous arrive sur la route», suggère Isabelle Bezert.
«Il y a des jours où on dit : aujourd'hui on a prévu d'aller à tel endroit. Et puis on rencontre des gens sur la route et on dit : bah, laisse faire, on va vous attendre. Puis c'est vraiment cool ce côté», ajoute son conjoint.
Les deux assurent également l’importance de persévérer à travers les moments difficiles : «lorsqu’il y a une situation négative, c’est là où il ne faut pas se décourager. Les nerfs sont mis à rude épreuve, parce que c’est notre vie, c’est notre maison. Ça nous est arrivé, on a eu une panne le soir, on appelle CAA et on nous demande 700$. On a dit stop, on a rappelé le lendemain, on s’est expliqué comme il faut et c’était couvert par notre carte».
Le couple assure en outre qu’il n’est pas nécessaire «d’avoir 100 000$» pour réaliser le voyage. «On a dit qu’on allait vivre avec le très peu d’économie qu’on avait. Si on est posé, on y va calmement, qu’on n’est pas au resto matin, midi, soir, c’est très bien. On l’a fait.»