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Continuer de soulager sa peine par l’art et le partage du savoir

le jeudi 01 février 2018
Modifié à 5 h 45 min le 01 février 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

Dans une jolie maison aux airs de musée, remplie de photos d’antan, de petites poupées et de figurines, se trouve une boîte à souvenirs infatigable du nom de Marguerite Elias Quddus, une Française juive qui a dû se cacher des Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale. La dame de 81 ans a additionné les projets au cours de sa vie et les multiplie toujours pour apaiser une peine visiblement inguérissable, sans toutefois avoir eu recours à de l’aide psychologique professionnelle. «Si je suis encore en vie, c’est parce que maman a eu le courage de m’abandonner, assure-t-elle. Si j’ai réussi à me guérir seule, c’est que je suis replongée où j’étais cachée. Après la guerre, on aurait eu besoin de psychologues, mais on n’avait pas le droit d’en parler.» Elle cumule les publications Dans le cadre d’une initiative de publication de mémoires, Marguerite Elias Quddus a vu ses écrits être édités une première fois en 2007, puis réédités à quelques reprises depuis. Après avoir mis huit ans à dessiner les scènes troublantes de sa vie gravées à jamais dans sa mémoire, en plus d’en rédiger les actes plus poétiques les uns que les autres pour ce premier projet, l’artiste possède désormais une cinquantaine de poèmes prêts à être publiés et cherchant preneur. Des poèmes engagés sur son père qu’on lui a enlevé, sur l’étoile jaune qu’elle a dû porter, et d’autres qui n’ont simplement aucune signification avec les drames qu’elle a vécus. Elle peut aussi bien y parler de son voisin que d’animaux, le tout avec une touche d’humour. C’est d’ailleurs en récitant un poème émotif sur son père tué dans un coup d’internement à Drancy qu’elle a accueilli l’auteur de ces lignes chez elle, à Longueuil, où elle vit avec son mari depuis 1971. «Ce que je cachais depuis si longtemps, ça me fait du bien de le dire aujourd’hui. Et avec l’humour, on se sort de plusieurs situations», assure la femme boute-en-train, précisant que tous ces poèmes ne sont pas tristes. Un de ces écrits, intitulé Papa, a même remporté le deuxième prix de la catégorie poésie étrangère du concours d’écriture Paroles de poètes en 2014, en France. D’autres font partie d’un recueil de l’association des Amis de la poésie de Longueuil. Marguerite Elias Quddus donne également de nombreuses conférences dans les écoles, au Québec, à Ottawa et à Vancouver. Que ce soit au niveau primaire, secondaire ou universitaire, elle trouve le moyen de vulgariser pour partager avec tout un chacun. Il fut un temps où elle faisait aussi dessiner et chanter les enfants bénévolement. À noter que son livre est également distribué gratuitement dans les écoles. «Je n’ai pas de diplôme, moi», répète-t-elle souvent. Son diplôme, elle le retrouve dans ses écrits et dans son français impeccable, se plait-elle à dire. Désillusion de la religion L’octogénaire voit la religion comme la consommation du chocolat. «La religion, c’est comme le chocolat. Si j’en mange trop, j’ai mal à la tête!» Sa mission? Faire comprendre aux gens qu’il ne faut pas donner trop d’importance à la religion, quelle qu’elle soit. Pour sa part, elle en est désillusionnée. Sa crainte Lors d’une conférence, elle a déjà entendu de la part d’une jeune fille d’environ 12 ans qu’elle était contente d’être au Québec parce que des génocides de la puissance de celui survenu en Allemagne ne pourraient jamais arriver ici. Un de ses poèmes d’actualité, intitulé Dictateur, s’applique aussi drôlement bien à Adolf Hitler qu’à Donald Trump, selon ses remarques. «Je ne sais pas si les gens réalisent comment se sont passées les choses et comment Hitler est monté au pouvoir. Ça ressemble drôlement à Trump!» conclut-elle.