Coup d’œil sur le Saint-Lambert d’autrefois

La voie Sir Wilfrid Laurier, en 1943. (Photo : Voie Sir Wilfrid Laurier à Saint-Lambert, 1943, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Publications et archives gouvernementales Fonds ministère de la Culture et des Communications. Photo : Herménégilde Lavoie.)
75e anniversaire du Courrier du Sud. En 1947, la Cité de Saint-Lambert est en tutelle depuis plus de 10 ans, question de réorganiser son importante dette. En 1944, le service de la dette occupe près de 65% des dépenses totales de la localité. La Première Guerre, la Crise puis la Seconde Guerre mondiale ont freiné un développement qui, comme ailleurs dans la région métropolitaine, allait bon train depuis 1910.
Yves Guillet, Société d’histoire Mouillepied
Collaboration spéciale
Toutefois, l’après-guerre apporte une période de prospérité qui stimule la construction de maisons. La population de la municipalité passe de 6 417 en 1941 à 8 615 en 1951, une augmentation de plus de 34%.
Le conseil municipal est alors dirigé par le maire Charles-A. Comeau, et est composé de deux conseillers francophones – dont la seconde femme au Québec, Gertrude Émard –, et de quatre conseillers anglophones, reflétant à peu près la composition de la population encore majoritairement d’origine britannique.
Sifflement de tramways
Bien qu’un nombre important de citoyens travaillent localement, la majorité œuvre à Montréal, ce qui fait déjà de Saint-Lambert une banlieue-dortoir. Le service de tramways géré par la Montreal & Southern Counties (MSCR) effectue la liaison depuis 1909 entre la municipalité de la Rive-Sud et le terminus au pied de la rue McGill. Ce service cessera en 1956, au profit d’un service d’autobus sous-développé, et d’un nombre grandissant d’automobiles.
D’ailleurs, en mai 1947, une résolution est adoptée au conseil municipal afin d’étendre à l’intersection de la voie de la MSCR avec le tout nouveau boulevard Sir-Wilfrid-Laurier, ouvert depuis trois ans, l’interdiction de sifflement des tramways, les Lambertois souhaitant un milieu de vie calme et silencieux.
Vie commerciale
Le secteur commercial est concentré sur l’avenue Victoria, entre le boulevard Desaulniers et le viaduc du CN, avec des zones satellites mineures sur la rue Green et sur l’avenue Saint-Denis.
Au total, on trouve une douzaine de commerces liés aux secteurs du vêtement et de la chaussure, près de dix restaurants ou cafés, à peu près autant d’épiceries, de pâtisseries, de boucheries, une dizaine à nouveau de quincailleries et commerces de matériaux de construction ou de meubles, quatre banques, deux cinémas, trois pharmacies, pour ne nommer que ces catégories. Les zones commerciales du boulevard Sir-Wilfrid-Laurier et du haut de l’avenue Victoria, appelée alors Devonshire Road, n’apparaîtront qu’à la fin des années 1950.
Grève et plumes
En 1944, on compte à Saint-Lambert 12 manufactures, employant près de 600 personnes, à un salaire annuel moyen de 1265$. On y fabrique pour plus de 3 millions de dollars de produits.
Au début de 1947, une grève secoue l’usine Asbestonos, qui opposera deux camps parmi les employés, les membres des "Travailleurs unis de St-Lambert" voulant rentrer au travail, alors que des membres du syndicat s’y opposent. L’autre usine la plus importante est sans contredit la Waterman, compagnie fabriquant des plumes.
Écoles et démocratie
En 1950, le taux d’imposition foncière est de 1,75$ par 100$ d’évaluation, et la taxe générale rapporte environ 200 000$ à la municipalité, avec un parc immobilier évalué à 11,1 M$. En 1947, la Municipalité, aux prises avec un parc foncier important, brade des terrains entre 15% à 50% de la valeur foncière. Elle vend aussi, cette année-là, deux importants terrains qui permettront l’érection, au début des années 1950, de l’école normale Eulalie-Durocher, sur Riverside au coin de Tiffin, et de la Chambly County High School sur la rue Green.
Une partie la population se mobilise avec la création, par 13 citoyens, de «La Ligue des propriétaires de la Cité de St-Lambert/Proprietors’ League of the City of St. Lambert ».
Pour une démocratie plus ouverte, la conseillère Gertrude Émard propose que les discussions du conseil se tiennent publiquement, mais sa proposition n’obtient pas d’appui parmi ses collègues masculins, comme c’était très souvent le cas. La conseillère, déléguée cette année-là au congrès de l’Union des municipalités du Québec à Hull, estime qu’une plainte devrait être formulée à l’organisme au sujet du mauvais accueil qu’elle y a reçu. Madame Émard veille d’ailleurs aux mœurs de la municipalité, puisque lors de son terme, elle dénonce par exemple la vente illégale d’alcool dans le bâtiment que la Ville loue au Club de golf, tandis qu’elle se dit préoccupée par les allégations voulant que le chef de police utilise sa voiture de patrouille à des fins personnelles.
En mars 1947, le maire Comeau fait au conseil municipal son rapport de l’année 1946. Il y mentionne que l’administration a émis les permis pour la construction de 80 maisons, et que 500 arbres ont été plantés, une action encouragée déjà à la fin du XIXe siècle, valant aujourd’hui à Saint-Lambert son importante canopée. La Ville entame des discussions avec la Légion canadienne en vue de la construction d’un pavillon dédié aux jeunes, en hommage à ceux qui sont morts au front.
En février 1947, une demande est faite au ministère fédéral des Travaux publics afin que le travail du brise-glace débute plus tôt pour minimiser les risques d’inondations printanières, problème récurrent le long des berges du fleuve.
Au printemps, la Société d’horticulture de Saint-Lambert organise un «Clean-up – Paint-up» dans le cadre de la «Clean-Up Week». À l’automne, un comité est formé afin de faire une étude des parcs, en exposant l’utilisation, l’état et les améliorations nécessaires. Les analyses d’eau faites à la «plage», piscines délimitées par des structures en bois dans le fleuve, sont satisfaisantes.
Est déposée au conseil municipal une lettre du premier ministre Maurice Duplessis, qui stipule qu’il promet de faire les efforts nécessaires à l’abolition du péage sur les ponts Victoria et Jacques-Cartier. Ce n’est qu’en 1962, sous le gouvernement suivant, que disparaîtra le péage. En décembre 1947, la Légion installe au cinéma Astor un arbre de Noël au pied duquel sont placés les cadeaux à distribuer aux soldats toujours hospitalisés, plus de deux ans après la fin de la Guerre.