Coupures en éducation : une enseignante témoigne des choix déchirants imposés à son école

Les écoles du Québec doivent couper 570 M$ de leur budget. Le gouvernement parle de son côté de «mesures d’économie» et de «cibles d’optimisation des dépenses». Sur la photo, le premier ministre François Legault en visite à l’école primaire George-Étienne-Cartier de Longueuil le 8 avril 2024 pour observer l’éclipse totale de soleil. (Photo: Le Courrier du Sud – archives)
Le 25 juin, Marie-Josée Bégin, qui travaille dans une école du Centre de services scolaire Marie-Victorin, s’attendait à célébrer les succès d’une année scolaire particulièrement réussie. Mais l’ambiance a rapidement changé lorsque la direction a annoncé l’impact des compressions de 570 M$ imposées par le gouvernement Legault au réseau scolaire québécois.
Pour son école, cela signifie des coupures estimées à 350 000 $. Réunis en équipe, les membres du personnel doivent décider, la mort dans l’âme, où couper, en tentant de limiter les répercussions sur les élèves.
«Je le répète : aujourd’hui, on a dû choisir en équipe-école ce qu’on allait peut-être couper dans le budget à l’automne. Personne ne voulait le faire, personne ne voulait dire telle ou telle mesure… On avait le cœur gros, on était indigné… On devait choisir ce qui était moins crève-cœur, ce qui aurait le moins de répercussions sur les élèves. On s’est bien rendu compte qu’on n’avait pas le choix de couper aussi là où ça fait mal», d’écrire Mme Bégin sur sa page Facebook.
Parmi les mesures qui pourraient être abolies : les formations du personnel (25 000$), plusieurs programmes de soutien à l’estime de soi (dont ESTIME (8000$) et MOZOOM) (3750$), le programme École inspirante (22 000$), les sorties scolaires (35 000$), l’aide alimentaire (40 000$), le tutorat (30 000$), l’achat de matériel pédagogique et de livres, tant pour les classes que pour la bibliothèque. Même la fête de fin d’année (4000$) est menacée.
«Ce sont des choix impossibles. On coupe dans des services essentiels, dans des projets porteurs, dans ce qui faisait une vraie différence pour nos élèves.» Mme Bégin dit craindre pour le bien-être et la réussite des enfants, mais aussi pour le moral du personnel.
Elle en appelle aux parents pour qu’ils prennent conscience de ce que ces coupes signifient sur le terrain : «Si vous devez fournir plus de matériel cette année, sachez que c’est parce que l’école ne pourra peut-être même plus acheter des crayons ou des cahiers. Et si elle le fait, ce sera probablement avec l’argent des enseignants eux-mêmes.»
Récemment, le CSS Marie-Victorin affirmait devoir composer avec des compressions totalisant plus de 38 M$. La porte-parole Geneviève Cormier assurait «que tout sera mis en œuvre pour limiter les répercussions sur les services aux élèves».
Étrange coïncidence
Gabriel Maillé, représentant du Syndicat de Champlain — qui regroupe 13 500 membres issus du milieu de l’éducation, dont près de 10 500 enseignants et plus de 3000 employés de soutien répartis dans les centres de services scolaires des Patriotes, de Marie-Victorin et de la Vallée-des-Tisserands — souligne une contradiction majeure dans les récentes décisions gouvernementales.
«Les coupures exigées par Québec correspondent à peu près aux hausses salariales que ce même gouvernement nous a accordées», déplore-t-il. Selon lui, les efforts consentis lors des négociations sont annulés par les compressions budgétaires imposées, forçant les établissements scolaires à revoir leurs plans d’effectifs déjà soumis aux centres de services scolaires.
«Tout le travail de planification est à refaire, affirme M. Maillé. Les services aux élèves seront inévitablement touchés, et des pertes d’emploi sont à prévoir.»
Pendant ce temps, des voix s’élèvent pour dénoncer l’impact concret de ces coupes. L’enseignante Mme Bégin invite la population à signer et partager massivement la pétition contre les compressions en éducation, qui frôle déjà les 100 000 signatures.
Le Courrier du Sud a souhaité parler directement avec Mme Bégin qui a refusé de commenter plus en profondeur en ajoutant que sa publication disait tout.