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Dans l’antre du costumier

le jeudi 11 avril 2019
Modifié à 9 h 56 min le 24 décembre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Ils se comptent par centaine, que dire, par milliers! Costumes, accessoires, pantalons, jupes, perruques, jusqu’aux tutus accrochés au plafond occupent le costumier du local de danse de l’école André-Laurendeau. L’établissement scolaire de l’arr. de Saint-Hubert rassemble des gens de passion et l’enseignante de danse Lynda Veilleux est certainement du nombre. À lire aussi: « Je me disais, un jour, je vais enseigner ici » Elle ne le dira pas en ces mots, mais le costumier, c’est elle. À son arrivée en 1988, rien de tout cela n’existait. En plus de 30 ans, Lynda Veilleux aura conçu au moins la moitié des costumes, accessoires et vêtements. «J’ai toujours adoré être dans la création, la passion, les couleurs. Ici, je me sens ailleurs», confie-t-elle. La conception annuelle de 800 à 1000 costumes – puisqu’il faut 40 exemplaires de chaque modèle – ne figurait pas dans sa description de tâches. Cela se traduit en dizaine d’heures de bénévolat par semaine, et ce, dès le début de l’année scolaire. En plus du temps passé dans l’atelier, Mme Veilleux rapporte du travail à la maison, et la famille est parfois mise à contribution. «Ces costumes de singes, c’est ma mère qui les a faits», montre-t-elle. Sur les supports à vêtements automatisés défilent des papillons, des fées des glaces, des paysans, des sirènes, des robes de flamenco – l’un de ses coups de cœur –, des grenouilles, des tigres, des licornes… «Les attentes sont grandes chaque année, et je veux les atteindre. Je ne serais pas capable de ralentir la cadence», admet Lynda Veilleux. Dans les premières années, les élèves repartaient avec leurs costumes. «Un moment donné, j’ai dit: Ça ne marche plus, ça fait trois fois que je fais des poupées mécaniques!» Elle admet, un peu gênée, que la conception de costumes est l’une des parties préférées de son métier. «Et pour les jeunes aussi, c’est important. Lorsqu’ils essaient leur costume pour la première fois, ils sentent le personnage.» «Le 1er septembre je fais toujours la blague: Bon, on est en retard!» Rien à moitié Il faut aussi voir ses yeux briller lorsqu’elle parle des spectacles qui expose le talent des élèves danseurs, dont celui de fin d’année de la concentration danse, qui respecte un thème différent chaque année. Et au lendemain du spectacle de fin d’année qui réunit 300 élèves, les réflexions repartent de plus belle pour trouver le thème de l’année suivante. Lynda Veilleux rencontre d’anciens élèves et enseignants durant l’été pour (déjà) mettre au point la chorégraphie. «Ç’a toujours été des spectacles à grand déploiement. Je ne fais pas les choses à moitié, ce n’est pas moi!» Une médaille de l’Assemblée nationale reçue en 2008 a d’ailleurs souligné l’ampleur et la beauté de ses productions. Parmi les spectacles les plus marquants à ses yeux, elle relève l’un de la fin des années 1990, sous le thème «Amazone». André Dandurand, un élève-tronc qui se déplaçait sur une planche à roulette, voulait absolument participer au spectacle de fin d’année. «Le thème était basé sur lui. Un tribu amazone mutilait ses enfants – c’est assez sombre – et il devenait le sorcier de la tribu. Il sautait, tournait et dansait littéralement. Il comprenait quoi faire, ses bras devenait ses jambes», se remémore l’enseignante. En mode exploratoire La concentration compte huit groupes; l’option danse 5. Des activités parascolaires de danse en couple, de cirque, de troupe et l’animation de personnages sont aussi offerts. La technologie aura toutefois eu raison de certaines activités. «Sur l’heure du diner, ça ne pogne plus, relate Mme Veilleux. On est passé de 5 à 2 cours... Ils sont sur leur cellulaire.» En 30 ans, les intérêts des jeunes ont aussi forcément évolué. Le hip hop et le break dance, Mme Veilleux connait peu. Alors ce sont ses collègues qui s’en chargent. «Chacun peut donner son maximum!» Elle remarque aussi un changement dans les intérêts des élèves: plutôt que de choisir une discipline et de la garder durant tout leur parcours scolaire, ils préfèrent généralement essayer un peu de tout, explorer davantage. «On a changé notre façon d’enseigner. Ça demande une certaine mise à niveau», relève-t-elle. Environ une vingtaine d’élèves restent toutefois de la première à la cinquième année du secondaire. «Elles sont bonnes, travaillent fort, elles veulent réussir. Elles évoluent beaucoup, techniquement, mais aussi dans l’interprétation.» Dans les cours de danse, les élèves viennent chercher une bonne dose de discipline, d’assiduité et de confiance en soi. «Car ça implique un dépassement de soi, de s’exprimer comme ça». Le sentiment de troupe se crée aussi; un attachement palpable tant entre les élèves que chez Mme Veilleux. «Je les aime comme si c’était mes enfants. C’est dur de les laisser partir.» Elle appréhende également la retraite, dans un peu plus de trois ans... ce qui viendra beaucoup trop vite pour ce travail jamais redondant. «Je vais trouver ça difficile. C’est mon chez-moi.» Les représentations du spectacle de fin d’année auront lieu du 23 au 25 mai. À lire aussi: tous les articles sur les 50 ans de l'école André-Laurendeau