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Dans le ventre de la ferme verticale Goodleaf

le mardi 13 août 2024
Modifié à 8 h 54 min le 13 août 2024
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Cela pourrait ressembler à un immense four à pizza. Au lieu d’une croûte fromagée, une très grande plaque de terre contenant des graines est introduite par deux employés qui la font glisser d’un convoyeur dans la lumière fuschia de la chambre de culture, là où poussent, dans de vastes étagères de plus de 10 mètres de haut, micropousses et jeunes verdures. Bienvenue dans la ferme verticale Goodleaf de Long

Hormis pour la maintenance, personne n’entre dans la chambre de culture : biosécurité oblige. Aucune forme de bactérie ou pathogène ne doit s’introduire dans cette immense pièce gérée par un système de contrôle du climat. 

Dès que la plaque de graines fait son entrée dans le système hydroponique, elle est conduite à sa place par des bras robotisés qui déplacent aussi les pousses qui se trouvent déjà à ce niveau.

Tout est automatisé. Et tout est calculé. Chaque plaque contient un nombre précis de graines ainsi que l’eau et la lumière spécifiques pour obtenir la recette optimale à chaque type de pousses.

Au-dessus de toutes les plaques sont installées des lumières DEL rouges et bleues, donnant cette couleur rose éclatant à toute la salle. «C’est pour une photosynthèse plus efficace. Les plantes n’utilisent presque pas la lumière verte», explique Nicolas Tirard, chef de culture.

Les micropousses baignées de lumières rouges et bleues, pour favoriser la photosynthèse. (Photo: Gracieuseté – Goodleaf)

En marge de cette salle, trois systèmes d’irrigation d’eau. Une solution de nutriments est envoyée à fréquence régulière à un même niveau de plantes en même temps. 

Le cycle des micropousses est de huit jours; celui des jeunes verdures, trois semaines.

Du début à la fin, tout est mis en œuvre afin que les équipements soient impeccables, et que tout réponde aux critères de qualité. (Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Deux tiers de l’eau utilisée provient de la condensation récupérée durant le processus. «Le système d’irrigation permet de récupérer l’eau le plus possible», soutient M. Tirard.

À la sortie, les plaques de micro-radis, micro-brocolis, «moutarde intense» ou micropousses de pois sucrés sont mises sur un convoyeur. Du début à la fin, tout est mis en œuvre afin que les équipements soient impeccables, et que tout réponde aux critères de qualité.

(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

L’emballage est l’une des rares étapes faites manuellement. Des employés, portant sarrau blanc, filet pour les cheveux et bottes de caoutchouc – comme tous ceux prenant part à la visite cette journée, d’ailleurs – s’affairent ainsi à remplir des barquettes de plastique, sur lesquelles sont apposées, à la machine, des étiquettes.

Les pousses sont ensuite conservées dans un grand espace réfrigéré. «La température est contrôlée partout. Elle va en décroissance, graduellement, pour éviter la condensation», explique la directrice de la ferme, Valérie Lavenaire.

Fraîcheur

Parmi les avantages de la ferme verticale, on retrouve le fait de bénéficier d’une culture à l’année – 40 récoltes annuelles de jeune verdure et 20 récoltes annuelles de micropousses –, à l’abri des aléas de la météo, sans pesticides, ni insectes. 

Mais, étant donné la fragilité des micropousses et verdures, l’enjeu réside surtout dans la gestion de la production et des commandes.  

Le cycle des micropousses est de huit jours; celui des jeunes verdures, trois semaines. (Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

«Au début, on en avait pas mal. On peut se tourner vers des banques alimentaires, mais elles ne veulent pas stocker de produits frais, évoque Mme Lavenaire. On cherche à avoir un niveau de commandes stables.»

Les micropousses et jeunes verdures sont distribuées seulement au Québec (et éventuellement dans les provinces de l’Atlantique), là aussi pour une question de fraîcheur.

«C’est un choix fait par la réalité du transport, soutient M. Tirard. Notre laitue est plus crunchy que celle de la Californie, parce qu’on est plus proche.»

Un choix qui s’aligne aussi au souhait des consommateurs, qui recherchent de plus en plus les produits locaux. 

Faire connaître

Actuellement, les mélanges de laitues demeurent les meilleurs vendeurs chez Goodleaf.

Chez les micropousses, on compte entre autres la micro-roquette les micro-brocolis et les micro-pousses de pois sucrés parmi les préférées. Dans les jeunes verdures, le mélange sucré et épicé, entre autres, a la cote.

«Sur 10 hectares, on produit l’équivalent de 500 hectares en culture classique.» (Photo: Gracieuseté Goodleaf)

«Le défi est d’inspirer les consommateurs sur les micropousses. Il y a un frein, mais une fois que les gens goûtent, ils aiment ça!» lance Mme Valérie Lavenaire.

«Il y a 40 fois plus de nutriments dans une micropousse que dans le légume à maturité, précise aussi Nicolas Tirard. Et si tu ajoutes 20% de micropousses de brocolis dans une salade, tu as plus de vitamines et minéraux que si tu doubles la quantité de laitue.»

Une ferme sur une terre

L’arrivée de Goodleaf sur le boul. Clairevue, sur une terre agricole, a fait réagir l’Union des producteurs agricole (UPA), qui décrivait la ferme verticale comme une production de type industrielle contribuant à la disparition de terres agricoles.

Aux yeux du chef de culture Nicolas Tirard, il est clair que Goodleaf a sa place sur une terre agricole. «On est une ferme, ce n’est pas une usine, souligne-t-il. Sur 10 hectares, on produit l’équivalent de 500 hectares en culture classique.»

Goodleaf a ouvert son installation de Longueuil en début d’année, en même temps que celle de Calgary. Toutes deux sont de même taille. Celle de l’arr. de Saint-Hubert toutefois compte un plus grand terrain. La ferme occupe 12 hectares, mais 38 ont été acquis.  

«Les deux fermes ont la capacité de doubler, et même plus ici. Et ça tombe bien, car il y a plus de monde», signifie M. Tirard.

Présentement 80 personnes sont employées à la ferme de Saint-Hubert; un nombre qui pourrait doubler avec ces plans de croissance.