Avec pas d’casque: des Effets spéciaux sans artifice

MUSIQUE. Avec pas d’casque roule sa bosse depuis 14 ans. D’un album à l’autre, peu de tergiversations sur ce à quoi devrait ressembler un prochain album, sur comment la formation entend créer sa musique. C’est plus organique que ça. «On le fait, c’est le plaisir.» Ce qui n’empêche pas Stéphane Lafleur de constater le chemin parcouru, depuis ce qui est né d’un accident de parcours. Sorti en 2016, Effets spéciaux a remporté le Félix de l’album folk de l’année au dernier gala de l’ADISQ. Stéphane Lafleur y voit l’album le plus abouti du groupe. «Inévitablement, la dernière chose que l’on crée, peu importe le médium, on a l’impression que c’est qui est le plus abouti, parce que c’est le plus proche de nous à ce moment-là», constate le chanteur et cinéaste. Cet opus – magnifique ode à la lenteur – suit Dommage que tu sois pris puis Astronomie, avec lequel la notoriété du groupe a véritablement été lancée. Pratiquement tout se crée en circuit fermé, notamment grâce à Nicolas Moussette (lapsteel, basse, claviers), «qui avait plus de connaissances dans l’aspect technique de la chose, explique Stéphane Lafleur. Ç’a permis de garder la réalisation et le côté technique à l’intérieur du band.» Sur le dernier album, le mixage est assuré par Sébastien Blais Montpetit. «Au début, je mixais. Ça sonnait comme ça sonnait, au meilleur de nos connaissances. Ç’a son charme, j’imagine. Ça faisait partie d’une esthétique qui allait avec l’expérience et les moyens du bord.» Contraintes L’expression «moyens du bord» sied bien aux débuts de la formation avec Trois chaudières de sang, en 2006, alors que le groupe était composé de Stéphane Lafleur et Joël Vaudreuil. «On se débrouillait avec ce qu’on avait: une carte de son, deux entrées, des micros un peu cheap, puis on faisait ça dans mon salon, résume le chanteur. Pour le premier album, on enregistrait souvent juste une prise: le drum était chez nous et la voisine n’était pas contente! Il y avait ces contraintes-là.» Stéphane Lafleur décrit les débuts du groupe comme un accident de parcours, alors que Joël a soudainement décidé qu’ils étaient prêts pour la scène. «Il a décidé qu’il nous bookait un show, qu’on avait assez de tounes!» relate-t-il, avouant avoir vécu le syndrome de l’imposteur. L’assurance acquise au fil des ans s’est aussi fait ressentir dans les paroles, l’humour comme protection se dissipant peu à peu pour livrer des chansons plus personnelles. La langue de Desjardins Celui qui a participé à un spectacle hommage à Richard Desjardins au Festival d’été de Québec reconnaît que le grand parolier a été déterminant dans sa décision d’écrire en français, à une période où il était «influencé et influençable» par la musique américaine. «Ç’aurait été facile de plonger de l’autre bord,» admet-il. «Cette langue me parlait. Il peut passer d’une chanson très langage populaire à une toune super classique. Ça montre sa maitrise de la langue, estime-t-il. Son joual n’est pas une pauvreté de langage, au contraire, mais une maîtrise des outils qu’il a dans son coffre.» L’emploi des images pour transmettre idées et émotions a aussi inspiré le chanteur. «Des gens viennent parfois me voir pour connaître la signification d’une chanson. Probablement que ma réponse va être plus plate que le petit film qu’ils se sont fait de leur côté.» Ce goût de l’image est d’ailleurs le lien qu’identifie Stéphane Lafleur entre son travail avec son band et son œuvre cinématographique. «Les gens qui me connaissent disent qu’ils me reconnaissant autant dans les chansons que le cinéma. Il y a un peu beaucoup de moi dans les deux cas.» Avec pas d’casque sera au Théâtre de la Ville le 1er décembre.