Décès de Nooran Rezayi : « C’est très dur à accepter »

De nombreux jeunes se sont recueillis pour Nooran. (Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Sur la rue Joseph-Daigneault, ce mercredi après-midi dans l’arr. de Saint-Hubert, il était facile de deviner l’heure de la fin des classes du secondaire, alors que des groupes de jeunes se sont progressivement réunis et recueillis autour du mémorial improvisé rendant hommage à Nooran Rezayi. Entre des discussions animées et même quelques rires, les accolades, larmes et moments de recueillement témoignaient du lourd deuil que traverse la communauté.
«Ça change vraiment la vision que tu as des policiers, qui sont sensés te protéger», exprime Adamaly, un ami de Nooran depuis l’école primaire.
Lorsqu’il a appris son décès, c’était le choc. «On n’y croyait pas», admet le jeune homme, assis sur la bordure de trottoir avec ses camarades.
Il raconte que dimanche, un ami avait entendu les voitures de police dans le quartier et l’avait avisé. Adamaly s’est rendu sur place, mais impossible d’avoir des explications ni de détails sur l’état de Nooran. La triste nouvelle est venue plus tard.
«Le premier jour, je n’arrivais pas à manger. Là, je reprends un peu le sourire. En classe, c’est encore difficile de me concentrer», relate-t-il.
(Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Manque de confiance
Avant l’agitation de fin de journée, trois cousins de la victime se sont avancés devant le mémorial constitués de fleurs, chandelles et toutous, autour d’une photo de l’adolescent de 15 ans. Ils y ont ajouté des bouquets, à cet endroit où Nooran a perdu la vie, sous au moins un tir d’un policier.
«C’est très compliqué, répond un cousin, à propos de la façon dont il a vécu les derniers jours. C’est très dur à accepter. C’était un enfant, il ne faisait de mal à personne. Il avait peur de tout.»
Il admet ne «pas vraiment» avoir confiance en l’enquête en cours, menée par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Il craint que les policiers cachent de l’information.
(Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Dès les premiers jours, la famille a déploré être tenue dans l’ignorance et avoir peu de réponses et explications. En conférence de presse mardi, la directrice du BEI, Brigitte Bishop, a affirmé que la famille et les proches ont été les premiers rencontrés, et que le BEI répondait à leurs réponses «dans les limites que nous avons pour ne pas altérer la preuve».
«Ils sont venus quelques fois, admet le cousin de Nooran. Ils nous ont fait une description de la suite des choses, mais rien de vraiment précis.»
Il déplore par ailleurs que la famille ait appris le décès de Nooran que vers 21h en soirée dimanche, et que les parents n’aient pas pu voir leur fils avant le lendemain, ignorant à quel hôpital il se trouvait.
Plus tôt en après-midi mercredi, cinq adolescentes sont venues se recueillir et ont allumé des chandelles. Elles ne pouvaient retenir leurs larmes. Elles aussi connaissaient Nooran depuis l’école primaire. «On a grandi avec lui. Il était vraiment une bonne personne, un petit nounours tout doux», parage l’une d’entre elle. «Il avait un bon fond», ajoute une amie.
(Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Passée avec son père, Hiba a eu des mots semblables pour Nooran. «Il était intelligent et travaillait bien à l’école.» Pour sa part, elle a vécu les derniers jours avec beaucoup de stress.
Tout l’après-midi, un va-et-vient constant de voitures circulaient dans cette rue résidentielle tranquille, en ralentissant devant le mémorial. Certains allaient y déposer des fleurs, des passants s’arrêtaient.
Bouleversant
Deux personnes rencontrées sur place ont rapporté que le policier qui a ouvert le feu sur Nooran connaissait déjà le jeune, et lui avait déjà donné des contraventions.
«C’est très bouleversant», estime Mustapha Tamani, un homme dont la fille était amie de Nooran.
Ce père de famille est bien connu des adolescents sur place, qui viennent de temps à autre le saluer durant sa discussion avec le Journal.
(Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
M. Tamani reconnait que le groupe d’amis peut être un peu dérangeant. «J’avoue qu’ils peuvent être imposants. Ils peuvent crier…» Certains pourraient être violents? «Non, mais inconscients.»
Il décrit Nooran comme un de ceux qui aimaient prendre la parole. «Quand la police venait, il pouvait dire "C’est quoi ton problème? " Il était têtu, mais il n’avait pas la maturité. Ce qui est triste, c’est que le policier, lui est mature. Et il avait la formation.»
M. Tamani n’était pas sur place lors des événements, mais était présent lors des témoignages de certains jeunes
«Une question qui me préoccupe, qui fait que j’ai consulté un psy d’urgence : Nooran avait le sac à dos sur son ventre, il a mis la main dans le sac pour montrer qu’il n’avait pas d’arme. Le policier a tiré, dans son ventre. Il y a mis sa main, qui s’est recouverte de sang et il a regardé le policier en disant : "pourquoi t’as fait ça?"»
Il raconte que le policier a tiré une deuxième fois.
«J’ai été un des premiers à appeler tout le monde. Ces enfants sont venus pleurer dans mes bras. Tout le monde disait : Nooran n’avait pas d’arme.»
Avec la maman d’un jeune, il a aidé les jeunes à faire confiance aux enquêteurs du BEI et à témoigner.
A-t-il lui-même confiance dans les démarches en cours?
«Il faut garder confiance. Le BEI m’a dit qu’aucune piste et hypothèse ne serait écartée. Cela dit, une erreur doit être condamnée.» Il ajoute que le «silence» dans lequel a été plongée la famille, du dimanche jusqu’au lundi à 11h, lui laisse un goût amer.
«Je ferais tout pour lui. Cet enfant, c’est comme mon fils. On veut que justice soit faite.»
-Mustapha Tamani
Il invite la population à prendre part à la marche pacifique en soutien à la famille, ce samedi à 14h.
Ce jeudi, les funérailles de Nooran Rezayi ont attiré près de 1000 personnes.
Candidat dans le district de Ruisseau-Massé, Pathy Bitafu s’est dit touché par le drame, alors que son fils de 15 ans fréquente la même école que Nooran.
«Je tiens à exprimer toute ma sympathie à sa famille et à ses proches, a-t-il écrit. Dans ces moments douloureux, il est essentiel que nous restions unis et solidaires, tout en faisant confiance aux autorités Service de police de l'agglomération de Longueuil et Bureau d’enquête indépendante afin d'élucider les circonstances du drame. Mes pensées accompagnent la famille éprouvée ainsi que l’ensemble de la communauté scolaire.»