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Éducation

Des élèves vivront « l’expérience de leur vie » au Nunavik

le lundi 20 janvier 2020
Modifié à 15 h 07 min le 17 janvier 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Découvertes du Nord n’a rien du voyage scolaire typique. Pendant 10 jours, des élèves du collège Durocher de Saint-Lambert vivront une expérience hors du commun au Nunavik. Douze élèves de la 3e à la 5e secondaire s’envoleront le 22 février pour Kangiqsujuaq. Ils parcourront 150 kilomètres en motoneige pour atteindre leur refuge. Parmi les activités au programme, une expédition au Parc national des Pingualuit, au milieu du plateau de l’Ungava. Ils y visiteront l’«Œil de cristal», un cratère météoritique. «C’est un cours en plein air! Si on pouvait toujours faire ça, apprendre la géologie, la science, la biologie sur le terrain, ce serait incroyable!» lance l’enseignant d’histoire et de culture et éthique religieuse Guillaume Bégin, qui prend part à Découvertes du Nord depuis 10 ans. L’autre douzaine d’élèves atterriront pour leur part à l’aéroport d’Umiujaq, au sud-est de la Baie d’Hudson, et découvriront le Parc national de Tursujuk, dans un voyage qui relève véritablement de l’expédition. Contrairement au premier groupe, qui dormira dans des refuges, ces élèves devront monter les tentes Tupik dans lesquelles ils se reposeront. «C’est une expédition: les élèves transporteront leurs marchandises en traîneau et en raquettes, à l’exception du matériel plus lourd, comme des poêles à bois, que des guides inuits transportent en motoneige.» Préparatifs De nombreuses activités en plein air sont prévues pour ces deux périples. Et les élèves doivent s’y préparer. Ils participeront d’ailleurs à une «journée typique» au mont Saint-Bruno, à la fin janvier. Une occasion notamment de vérifier s’ils ont tous prévu du matériel adéquat pour affronter les intempéries des régions nordiques. «C’est évidemment très loin de ce qu’ils vivront dans le Nord, mais on les met à l’épreuve en faisant des activités comme de la raquette, et ce, peu importe la météo. Jadis, on dormait là une nuit. Maintenant, ce n’est qu’une journée.» Stéphane Arteau, enseignant qui prendra part pour la première fois à ce type d’expédition, souligne que les jeunes sont bien conscientisés à l’importance d’être habillés chaudement, un parka par-dessus un manteau. «Ici, quand il fait -20°C, ils passent de l’autobus à l’école, mais là-bas, on sera toujours dehors. Si l’un d’eux est mal habillé, c’est tout le monde qui sera mal pris.» Cette activité est aussi un prétexte pour souder des liens entre les élèves, dans un contexte autre que celui de l’école. Transformés La rencontre de membres des Premières Nations – un incontournable de chacune des aventures au fil des ans – est certes un élément qui enrichit le voyage. Les guides qui accompagnent les élèves et enseignants sont des gens locaux. «Ils ne parlent pas juste du côté bucolique [de leur réalité], mais des problèmes sociaux qui affectent leur communauté. Ils se confient sur la perte de leur culture, sur les impacts des changements climatiques, détaille Guillaume Bégin. Ça sensibilise énormément les jeunes; ça touche à toutes les facettes de l’humanité.» L’enseignant raconte que lors d’un voyage, alors que tous se réchauffaient autour d’un feu, un élève avait demandé au guide s’il pouvait raconter une légende de son peuple. «Il ne pouvait… car il n’en connaissait pas. Sa mère avait été mise dans un pensionnat.» Guillaume Bégin reconnait que sur plusieurs plans, il s’agit d’une chance exceptionnelle qu’ont les élèves de vivre une telle expérience.

«Quand on est en ville, en classe, il y a toujours des obstacles, une limite, un mur. Là-bas, au sommet d’une montagne, au Nunavik, c’est l’horizon à perte de vue, ça fait rêver les jeunes. Ils perdent la notion du temps, de l’espace. C’est vraiment génial. On est tous mordus de ça.» - Guillaume Bégin
Stéphane Arteau abonde dans le même sens. «Chaque fois, ils reviennent transformés. C’est l’expérience de leur vie.» Les tâches domestiques nécessaires au bon déroulement du campement seront réparties entre les élèves, et le travail d’équipe prime. Un contexte qui fait appel au sens des responsabilités des jeunes. «Les guides donnent en exemple que si tu te casses une jambe à Candiac, tu prends l’ambulance. Ici, si tu fais le pitre dans les rochers et te blesses, à 150 km de motoneige… c’est autre chose. Et on sent que les jeunes prennent ça très au sérieux.» Une maturité qui paraît même à l’école, dans les mois suivants. 20 ans de découvertes Découvertes du Nord est né au collège Durocher il y a 20 ans, à l’initiative de Marie-Andrée Courval, une enseignante de géographie aujourd’hui à la retraite. «Elle parlait des Autochtones en classe et s’est aperçue que les élèves étaient complètement déconnectés. On parle des deux solitudes en référence au Québec et au reste du Canada, mais à l’égard des Autochtones, c’est encore plus vrai.» Les débuts ont pris forme à petite échelle, avec l’Abitibi et la Gaspésie parmi les premières destinations. Au fil des ans, ce sont jusqu’à maintenant 500 élèves qui ont pu se rendre notamment au nord du Manitoba, à l’île d’Anticosti, en Colombie-Britannique, au Yukon, en Alaska et en Islande. «Et chaque fois, nous tissons des liens culturels», évoque Guillaume Bégin. Les voyages ont été le lieu de rencontres entre autres avec des Mi’Kmaqs, des Algonquins, des Innus, des Tlingits, des Inuits, des Cris, des Mohawks, des Franco-yukonnais et des Américains de l’Alaska. Cette année, Maxime Messier, cinéaste et ancien élève du Collège qui a vécu l’aventure de Découvertes du Nord, pourrait se joindre au groupe afin de tourner un documentaire.