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COVID-19

Deux sœurs dénoncent le manque de transparence du CHSLD René-Lévesque

le mercredi 29 avril 2020
Modifié à 12 h 02 min le 30 avril 2020
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Dans la nuit du 12 au 13 avril, Louise et Lucie Dufault ont appris le décès de leur mère qui résidait au CHSLD René-Lévesque à Longueuil depuis plus de trois mois. Les deux sœurs déplorent ne pas avoir été informées par la direction de la dégradation de son état de santé. Elles auraient aimé pouvoir passer une dernière soirée avec elle, ont-elles confié au Courrier du Sud. À lire aussi CHSLD René-Lévesque: plus de 25% des résidents atteints de la COVID-19 Le Centre d’hébergement et de soins de longue durée a appelé Louise Dufault vers 1h30 pour lui annoncer le décès de sa mère, Laurette Champagne. La veille, l’infirmière l’avait informée que la dame de 89 ans refusait de manger. «Je lui ai demandé si nous pouvions aller la voir et on m’a répété que les visites étaient interdites, raconte Louise Dufault. Comment se fait-il qu’on ne m’ait pas dit qu’elle en était à ses derniers moments? Ç’a été un choc.» Mme Dufault demeure à deux minutes du CHSLD René-Lévesque, précise-t-elle. Entre le moment où elle a reçu l’appel et son arrivée sur place, la Longueuilloise estime que moins de dix minutes se sont écoulées. «Ils l’avaient bien installée, rapporte-t-elle. Selon moi, ce n’est pas possible qu’ils aient pu la placer comme elle l’était, alors qu’elle venait de mourir 15 minutes avant. J’ai l’impression que nous n’avons pas eu l’heure juste.» Sa sœur Lucie dénonce aussi le néant dans lequel la famille a été plongée au cours des dernières semaines. Mme Champagne a été testée négative à la COVID-19, mais sa fille se demande si elle n’en était tout de même pas atteinte. «Selon la liste publiée par le gouvernement, seuls cinq résidents étaient infectés [à ce moment], mais les cas augmentaient quand même, indique-t-elle. COVID ou pas, on ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé.» D’après les deux sœurs, la fin des visites au centre aura été ultimement fatale pour leur mère qui manquait de soins. «Notre mère n’était plus du tout autonome lorsqu’elle est déménagée au CHSLD René-Lévesque. Elle ne marchait plus et ne mangeait plus par elle-même», explique Louise Dufault. Chaque jour, ses filles se rendaient à la résidence et s’assuraient de lui faire boire des boissons nutritives, ajoute Lucie Dufault. Cela pouvait prendre jusqu’à 45 minutes. «Il fallait lui donner de petites gorgées à la fois. Je doute que les préposés aient eu le temps de le faire chaque jour», soutient-elle. La dame qui réside à Mirabel aurait souhaité une fin plus digne pour sa mère. Sa dernière visite au CHSLD remonte au 10 mars. «Mon dernier souvenir d’elle, c’est lorsqu’elle m’a envoyé la main, comme une reine, à mon départ», raconte Mme Dufault.
«Nous aurions aimé pouvoir passer la soirée avec elle, lui flatter les cheveux et lui tenir la main, comme nous le faisions quand nous allions la voir.» -Lucie Dufault
Circulation libre et plexiglas Des employés appelés en renfort au CHSLD René-Lévesque ont été témoins de situations pour le moins particulières, ont-ils rapporté au Courrier du Sud. Selon l’une d’entre elles, un résident atteint de la COVID-19 circulait librement dans les corridors. D’autres personnes «se promenaient comme bon leur allait» dans un secteur touché de la résidence, ajoute celle qui préfère conserver l’anonymat. «C’est terrible à quel point ils n’ont pas pris de précautions!» affirme-t-elle. De plus, un panneau de plexiglas auquel un bâton a été accroché a été installé devant la chambre d’une résidente pour éviter qu’elle n’en sorte, ajoute la dame. «Pour avoir étudié dans le domaine, je doute que ce soit une mesure de contention acceptable», estime-t-elle. Pour sa part, une infirmière temporairement assignée à cet endroit dit «se poser de sérieuses questions sur la sécurité des employés». Le port du masque N95 ne serait pas recommandé dans l’établissement, notamment. «Quand un patient atteint de la COVID nous tousse dans le visage et que nous avons seulement nos petits masques et notre visière, je me dis que les particules de la toux de mon patient peuvent très bien atteindre ma bouche», fait-elle valoir. Explications du CISSSME Selon les explications du CISSS de la Montérégie-Est, les résidents atteints de la COVID-19 ne peuvent circuler dans l’installation. «Les résidents ayant reçu un diagnostic positif de COVID-19 sont tous confinés à leur chambre», signifie le porte-parole Hugo Bourgoin. Il indique d’ailleurs que deux unités du centre d’hébergement ne comptent aucun cas confirmé de COVID-19. Dans ces «zones froides», les résidents peuvent circuler librement. Quant au plexiglas installé à l’entrée d’une chambre, cette «mesure exceptionnelle» est autorisée par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle vise à éviter la contamination d’autres personnes par un résident ayant un déficit cognitif et ayant été testé positif à la COVID-19 qui ne respecterait pas les règles de confinement. «La demi-porte avec plexiglas permet de garder un contact visuel et vocal facile avec le résident lors des rondes régulières faites par le personnel», relève M. Bourgoin. Mis au fait de la situation de cette famille qui n’a pas été avisée de lévolution de l’état de santé de sa mère, le porte-parole soutient que les équipes sont «en contact continu» avec les proches et familles des résidents pour «communiquer tout changement à l’état de santé» de l’aîné, que ce soit lié ou non à la COVID-19. «Certains résidents subissent toutefois une dégradation très rapide de leur état de santé; parfois même à l’intérieur de quelques heures à peine», évoque-t-il. Les familles et proches sont autorisés de visiter un résident dont le décès serait imminent, sauf s’ils sont atteints de la COVID-19 ou qu’ils présentent des symptômes grippaux. (Avec la collaboration d’Ali Dostie)

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