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Exclue de l'aide sociale pour un héritage de 20 000$

le jeudi 04 juin 2015
Modifié à 0 h 00 min le 04 juin 2015
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

AIDE SOCIALE. Les 20 000$ comptants que la Longueuilloise Lucille Caron a trouvés en 2010 dans le logement qu'elle partageait avec sa mère, décédée une décennie plus tôt, ne sont pas considérés comme un héritage aux yeux du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS). Résultat: terminées les prestations d'aide sociale. Et elle doit rembourser 19 000$ au ministère.

Paraplégique, Lucille Caron bénéficiait de l'aide de dernier recours offerte aux personnes avec des contraintes sévères à l'emploi.

En juillet 2014, elle a reçu une lettre lui annonçant que non seulement ses prestations seraient annulées dès le mois d'août, mais qu'elle devait une somme de 19 237$, parce qu'elle «détenait un montant d'argent plus élevé que celui auquel elle avait droit». À cette dette s'ajoutent des frais de 100$, liés à ce que le ministère considère comme une «fausse déclaration».

Selon le Règlement sur l'aide aux personnes et aux familles, un prestataire de solidarité sociale habitant seul peut détenir un maximum de 2500$ en argent liquide. Cependant, lorsqu'il s'agit d'un héritage, le montant permis est de 130 000$, sans que ne soient affectées les prestations mensuelles.

Sans revenus

«Quand j'ai trouvé cet argent en 2010, j'ai décidé de le mettre dans un CELI, avance Mme Caron. En 2013, mon conseiller à la banque m'a dit que je devrais déclarer ce montant.»

«J'ai agi de bonne foi, mais j'ai impression d'avoir la corde au cou. On me demande de rembourser, mais je n'ai aucune source de revenus! Avec quoi je suis supposée vivre?», dénonce-t-elle.

Mme Caron a dû se tourner vers les banques alimentaires et faire une croix sur son assurance-vie. Elle doit dorénavant payer une partie de ses médicaments, puisque qu'elle ne bénéficie plus de l'assurance-médicaments que lui offrait l'aide sociale.

«J'ai les nerfs à fleur de peau, avoue-t-elle, ébranlée par toute cette affaire. Je n'ai plus le même enthousiasme de vivre, ça me rend malade.»

La loi est «mal faite»

Lucille Caron comprend mal comment on peut lui couper ses prestations sous prétexte qu'elle détient 20 000$. «La loi est tellement mal faite. On a le droit de posséder certains biens, comme une maison, une voiture, mais pas d'argent liquide», relève-t-elle.

Elle avait voulu mettre cet argent de côté en prévision du moment où elle devrait aller vivre en CHSLD. «On a droit à un bain par semaine. Pour en avoir plus, il faut payer. C'est dans ce but que je gardais cet argent», donne-t-elle en exemple.

La Longueuilloise de 64 ans s'est donc tournée vers l'aide juridique pour contester l'annulation et la réclamation de l'aide financière par le MESS. Puisque la tentative de conciliation s'est révélée infructueuse, son dossier sera présenté devant le tribunal administratif du Québec. La date d'audience n'a pas encore été déterminée.

Au cas par cas

Contacté par Le Courrier du Sud, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale a refusé de commenter le dossier de Lucille Caron.

Toutefois, le conseiller en communication du MESS, David McKeown, rappelle que le prestataire d'une aide de dernier recours «a certaines obligations, comme celle de déclarer sa situation et tout changement dès qu'il survient».

Quant à savoir dans quelles circonstances le ministère peut en venir à couper les prestations d'aide sociale, M. McKeown explique que «c'est au cas par cas. S'il s'agit d'une erreur de bonne foi ou une omission volontaire, ça peut changer».

Les revenus et autres ressources du prestataire font partie des éléments considérés pour déterminer si les prestations seront coupées.

Une loi qui «maintient dans la pauvreté»

Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) reçoit fréquemment des appels concernant les questions d'héritage, que ce soit ceux qui proviennent de prestataires, de personnes souhaitant laisser un héritage à un membre de la famille qui bénéficie de l'aide sociale, ou d'exécuteurs testamentaires.

Chez les bénéficiaires qui ont une contrainte temporaire à l'emploi, aucune somme liée à un héritage n'est acceptée. «Ce montant supplémentaire pourrait les soutenir. Ça devrait être un soulagement, mais ça devient une source de stress. Les prestataires ont même peur lorsqu'ils reçoivent ces montants», déplore la coordonnatrice à la recherche et à la formation au FCPASQ, Sylvia Bissonnette.

Le regroupement d'organismes espère que la loi soit modifiée, «car dans les faits, on maintient les prestataires dans la pauvreté, dans une situation de dépendance. C'est inacceptable», évoque Mme Bissonnette.

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