Gérard-Filion : la boxe, « le petit paradis » de plusieurs jeunes

Pour ces six jeunes, l’apport du sport-étude en boxe a été immense, tant dans leur vie personnelle que scolaire. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Michel Hersir)
Certains ont subi de l’intimidation, d’autres ont frôlé le décrochage ou avaient d’importantes difficultés à se concentrer en classe. Mais en ce jeudi après-midi dans un gymnase de Longueuil, les élèves du sport-étude boxe de l’école secondaire Gérard-Filion se préparent pour l’entraînement dans la bonne humeur.
Certes, le programme de boxe à l’école Gérard-Filion n’est pas réservé aux élèves qui ont subi ce genre d’épreuve. Plusieurs ont cependant accepté de raconter au Courrier du Sud comment le sport – ainsi que le groupe tissé serré mené par l’entraîneur et éducateur spécialisé Pierre-Luc Michel – a contribué à améliorer leur vie.
C’est notamment le cas d’Hevans Chevalier, qui était autrefois dans le programme Florès – une classe pour les jeunes potentiellement décrocheurs. Celui-ci a ensuite intégré le programme de boxe parascolaire, puis celui de sport-étude.
«Ça m’a apporté une discipline de vie que je n’avais pas avant. De me réveiller avec un but tous les matins. Le fait d’avoir un objectif, de pouvoir toujours m’améliorer, d’avoir des choses à travailler chez moi, ça m’a appris à faire autre chose que juste rien faire chez moi», exprime-t-il.
Aujourd’hui gradué, il poursuit le sport-étude boxe comme étudiant en première année au cégep Édouard-Montpetit et dégage une confiance évidente, invitant même le journaliste à un léger entraînement sur le ring.
Ma paix
Jason Otoko établit une corrélation directe entre son activité physique et ses notes. Mais surtout, il décrit comment la boxe l’a aidé à se calmer.
«J’avais beaucoup de colère, je traversais beaucoup de choses. Et avec la boxe, j’ai extériorisé tout ça, ça m’a révélé qui j’étais. […] Chaque fois que je viens ici, c’est comme une nouvelle famille, c’est une autre vibe», mentionne-t-il.
Juste après lui, Ryan Zouari affirme pour sa part qu’il a changé d’école pour intégrer le programme de sport-étude en boxe. «Dans mon bulletin, ç’a fait une énorme différence. Au début, mes parents disaient : peut-être pas Gérard-Filion. La réputation de Gérard-Filion est pas si «wow». Mais je leur ai montré le contraire et ils sont reconnaissants des changements de mon parcours scolaire.»
La genèse du projetUn programme de boxe parascolaire a été lancé durant les midis et les pauses il y a quelques années en réponse à un enjeu de bagarres improvisées durant les pauses et le midi à l’école Gérard-Filion, appelées des «deux minutes». «Les premières personnes qu’on a eues comme clientèle, c’étaient les fanatiques des «deux minutes». On leur permettait de se défouler, en excluant le volet un peu plus dangereux», explique Pierre-Luc Michel. Le projet a eu un succès : depuis au moins deux ans, il n’y a plus de «deux minutes». «De base, les élèves qu’on avait étaient des recommandations des professionnels de l’école ou de la direction. Puis, à travers les années, c’est devenu un peu plus inclusif, offert à tous», poursuit-il. Le programme parascolaire existe toujours, mais l’école a rajouté un programme sport-étude depuis l’année 2023-2024. Cette année, ils sont 18, dont environ une dizaine dans un volet plus compétitif, qui vont parfois participer à des compétitions. |
«C’est un paradis, c’est ma paix d’être ici», révèle candidement Kelly-Ann Ballaby.
Anciennement membre d’un club d’athlétisme où «il y avait beaucoup d’intimidation», celle-ci a intégré le sport-étude en boxe pour sa dernière année à Gérard-Filion et se réjouit de son choix.
«Ça m’a apporté un endroit sécuritaire, où je suis accepté comme je suis, peu importe mes différences. […] On n’a pas tous une vie facile, moi je l’ai eu très difficile et la boxe, ça me permet d’évacuer toute cette colère, cette tristesse, cette frustration. Ça m’a beaucoup apporté dans ma vie», révèle-t-elle.
Sara-Jade Caron Duquet souligne quant à elle comment boxer a été une bouée pour elle. Le sport la fait sentir libre et vivante.
«Ça m’a aidée à me concentrer sur moi-même. Quand tu boxes, c’est toi la priorité», illustre-t-elle.
Pierre-Luc Michel est fier de l'esprit de solidarité qui règne dans son groupe. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Michel Hersir)
Plus que la boxe
Les jeunes rencontrés par le journal sont unanimes : l’environnement autour du programme est aussi important que le sport en soi.
Une réalité qui rend certainement fier Pierre-Luc Michel, l’homme à l’origine du projet.
«C’est un sport individuel, mais on gère ça comme un sport d’équipe. Quand quelqu’un s’élève, se dépasse, on sait que les autres ont tendance à suivre. On a un beau groupe, une belle dynamique. On est toujours en train de s’encourager l’un l’autre», explique-t-il.
Celui-ci entraîne les jeunes l’après-midi, mais comme éducateur spécialisé, il peut parfois les recevoir à son bureau à l’école lorsqu’il y a des problèmes.
«On passe beaucoup de temps ensemble. L’objectif est que le projet soit inclusif, que les gens se sentent bien, qu’ils ne sentent pas jugés, pas comparés», ajoute-t-il.
À sa place
Même avec l’arrivée du sport-étude, le programme de boxe parascolaire est bien vivant. Richard Desjardins, responsable de ce volet, n’a que de bons mots sur l’effet qu’un tel programme peut avoir chez certains jeunes.
«C’est l’occasion de rejoindre des jeunes que l’on ne pourrait pas rejoindre. […] On vit avec ce qu’ils sont, on prend où ils sont rendus et on voit le potentiel de ces jeunes-là. La boxe, c’est un prétexte. Le but est de créer un lien avec eux, un sentiment d’appartenance», explique-t-il.
«Je ne devrais pas dire ça, mais parfois, des jeunes suspendus vont venir pareil à la boxe. Le but : on aime mieux qu’ils soient ici qu’ailleurs. Le soir, on se permet de dire : «tu sais, les choix que t’as faits dernièrement…». Ils le prennent bien parce qu’on n’est pas menaçant», ajoute l’éducateur spécialisé.
Lui aussi d’ailleurs voit une solidarité hors du commun dans le gymnase.
«Il y en a, au niveau relationnel, c’était difficile, mais ils viennent ici et tu ne pourrais pas croire qu’ils ne parlent à personne à l’école», souligne Richard Desjardins.
«Ils ont leur place ici», assure-t-il.