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Histoire : la plage de Saint-Lambert victime du progrès

Il y a 8 heures
Modifié à 16 h 29 min le 08 août 2025
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

Autrefois un lieu de loisir et de vie communautaire, la plage de Saint-Lambert a disparu dans les années 1950 à cause des grands travaux d’infrastructures. (Photo: site internet Chambly County High School & Chambly Academy Alumni Association)

Saviez-vous que jusqu’au début des années 1950, Saint Lambert disposait d’une plage populaire aménagée directement sur les rives du fleuve Saint Laurent? Il s’agissait d’une surface bétonnée qui s’avançait d’une trentaine de mètres dans l’eau, équipée de trottoirs en bois en été et séparée en zones garçon/fille, avec un plongeoir en contrebas. Les baigneurs profitaient aussi des descentes aménagées près du Boating Club et des Chevaliers de Colomb. La promenade du bord de l’eau, le «boardwalk», servait de lieu de rencontres et constituait un véritable lien social entre les Lambertois et le fleuve.

Pour atteindre la plage publique, à l'intersection d'Argyle et de Riverside Drive, les gens descendent un escalier creusé dans l’immense mur de béton construit pour prévenir les inondations printanières. 

Aux endroits où l'eau est plus profonde, des planches de bois étaient installées pour détourner le courant. Au-delà de la passerelle se trouvait un radeau, flottant sur des barils et ancré au fond par des chaînes et des blocs de ciment. Pour y accéder, les baigneurs devaient quitter la sécurité d'un espace clos et traverser quelques mètres à la nage là où le courant était plus fort. Un plongeoir était installé sur le radeau.

Grande popularité

La popularité de l’endroit est telle qu’en 1931, le conseil municipal de la Ville de Saint-Lambert décide que, «dorénavant, les résidants seuls de la ville de Saint-Lambert auront le droit de se baigner sur la plage les samedis, les dimanches et les jours de congé».

«Cette résolution fut adoptée à la suite de certaines plaintes des citoyens de l’endroit qui disaient que la foule des visiteurs, particulièrement en fin de semaine, les empêchaient parfois de se trouver un endroit facile pour pouvoir prendre leurs ébats.» 
(Résolution au sujet de la plage à Saint-Lambert – La Patrie, 8 juillet 1931, p. 8)

En septembre 1932, on apprend dans le journal La Patrie que 75 000 personnes ont visité la plage au cours de l’été. En juillet de la même année, un autre article de La Patrie relate le sauvetage héroïque de deux jeunes filles qui sont venues en aide à leurs compagnes.  

En septembre 1932, on apprend dans le journal La Patrie que 75 000 personnes ont visité la plage au cours de l’été. (La Patrie, 22 septembre 1932, p. 16)

En avril 1933, dans un article du Devoir, on souligne : 

«Au sujet de la plage de Saint-Lambert, plusieurs réformes ont été introduites : des mesures très sévères ont été prises par les autorités au sujet du bain public, les règlements sont bien observés.»
(La lutte contre la liberté des mœurs – Le Devoir, 12 avril 1933, p. 5)  

Plus loin dans le même article, on ajoute que Mlle Phaneuf, présidente du comité du costume de bain de la Ligue catholique féminine, «déplore de graves lacunes dans les règlements qui régissent la plupart de nos bains publics; des démarches seront faites auprès des autorités pour améliorer un état qui tend à diminuer de plus en plus le sens de la morale chez notre peuple».

Le 8 août 1936, L’Illustration Nouvelle fait état de la noyade «d’un garçonnet de 10 ans de St-Lambert, Maurice Chalifoux». 

Fermeture 

En mai 1955, Le Courrier du Sud rapporte que la plage semble être ouverte, mais qu’il y a des enjeux de salubrité et que des tests y sont effectués quotidiennement. Selon Yves Guillet, de la Société d’histoire Mouillepied, 1955 a probablement été le dernier été où la plage de Saint-Lambert a été fréquentée en raison des travaux de la Voie maritime du Saint-Laurent qui allaient perturber de manière définitive la rive de Saint-Lambert.

La construction de la Voie maritime du Saint Laurent dans les années 1950, combinée à l’aménagement de la route 132 le long du fleuve, a entraîné la perte d’accès direct au fleuve pour la majorité des citoyens. Le rempart en ciment a été conservé, mais l’eau est devenue inaccessible, et la plage en surface dure a disparu.

Aujourd’hui, seul le Parc du Havre offre un accès modeste au fleuve. (Photo: Le Courrier du Sud – archives) 

Aujourd’hui, près de 90 % des rives de Saint Lambert sont privées, et seul un petit parc, le Parc du Havre, offre un accès modeste au fleuve — sans installation pour la baignade ou l’accès à l’eau type plage. Le manque d’aménagements comme des quais, escaliers ou zones baignables dissuade la population d’y aller. 

Le Parc du Havre pourrait-il potentiellement servir de base pour redonner ce lien avec le fleuve si des investissements y sont faits? La question demeure.