Jouer dans le Québec des années 70

Le jeu vidéo Kona est un véritable conte interactif.
L’hiver, le Nord du Québec, l’omniprésence de la religion, la méfiance envers les anglophones, les chansons à répondre, les Amérindiens : le nouveau jeu vidéo indépendant Kona n’a pas seulement été conçu au Québec. Il s’inspire d’un bout à l’autre de notre bagage historique, géographique et culturel, et permet de vivre un conte local comme il s’en fait peu dans cette forme d’art généralement internationalisée.
Kona raconte l’histoire du détective Carl Faubert, de passage au Lac Atâmipêk dans le Nord du Québec pour enquêter sur des cas de vandalisme perpétrés contre les propriétés du riche industriel William Hamilton. Ce qui débute comme une petite enquête facile se transforme toutefois rapidement en une aventure mystérieuse et surnaturelle, à la manière des meilleurs contes.
Sur la forme, Kona mélange un peu les genres. Le jeu du studio de Québec Parabole rappelle tout particulièrement les jeux d’aventure des années 80, où il fallait trouver des objets et accomplir certaines actions afin d’avancer dans sa quête. Kona est toutefois réalisé avec un moteur 3D d’une façon moderne, en vue subjective. Le jeu intègre aussi de légers éléments de survie, alors que l’on doit empêcher Carl Faubert de mourir de froid.
L’ambiance est la principale force de Kona. La tempête omniprésente est d’un réalisme inégalé jusqu’ici dans un jeu vidéo. Le bruit du vent, la visibilité réduite, les pas dans la neige : on se sent constamment à l’extérieur, au point même d’avoir envie de jouer au jeu sous une grosse couverture chaude.
La narration est aussi accomplie avec brio par l’acteur Guy Nadon, la musique composée par le groupe traditionnel Curé Label sied bien à ce petit village du Québec de 1970 et chaque petit élément que l’on croise, comme la bière « 60 » et les vieilles boîtes de « Rice Crunchies », nous rappelle les maisons de l’époque.
Le jeu n’est pas parfait. L’ouverture avec laquelle il est possible d’effectuer l’enquête entraîne des problèmes de rythme, le style adopté par Parabole était peut-être trop ambitieux pour les moyens du studio et quelques éléments d’humour viennent parfois briser l’immersion. Quelques bogues, qui devraient toutefois être corrigés d’ici le lancement, nuisent aussi à l’expérience.
Il s’agit tout de même d’un jeu qui vaut amplement la peine d’être joué, que l’on ait la fibre patriotique ou non.
Un fait rare
Même si le Québec compte 230 entreprises dans le jeu vidéo, si 10 000 personnes occupent un emploi dans le domaine et si Montréal est le cinquième pôle mondial de cette industrie, la Belle province ne laisse pas souvent sa marque dans cet univers.
On a bien pu apercevoir Montréal brièvement dans Assassin’s Creed IV : Black Flag et Deus Ex : Human Revolution, mais jamais un jeu ne s’est autant inspiré de notre imaginaire collectif que Kona.
On comprend que les studios visent un public mondial, et que plusieurs pourraient craindre de rebuter joueurs internationaux avec une thématique du genre, mais c’est tout de même dommage. Espérons que l’audace de Parabole fasse boule de neige dans l’industrie.
Une vraie sortie ce vendredi
Voilà un certain temps que Kona est offert en version anticipée sur la plateforme de jeu Steam, une façon de faire qui permet aux studios indépendants de vendre leurs jeux avant leurs lancements et de bénéficier de l’apport des joueurs pour le peaufiner.
Après plus d’un an à être testé de la sorte, Kona sera toutefois lancé en bonne et due forme ce vendredi. Il s’agit du premier jeu d’une série de quatre pour Parabole, où chaque jeu sera unique, avec ses propres mécaniques, son propre design et ses propres personnages.