La bibliothèque de Jacques Ferron, la clé de son oeuvre

LITTÉRATURE. La Ville de Longueuil a reçu don, en décembre, des quelque 2415 œuvres que comptait la bibliothèque du romancier Jacques Ferron, qui a habité Longueuil et Saint-Lambert. Une collection d'une grande richesse, qui en dit long sur l'œuvre de l'auteur.
Ce don provient de la succession de Madeleine Lavallée-Ferron, qui a été l'épouse du célèbre écrivain. La Ville étudie en ce moment la possibilité de présenter une exposition de certains livres rares ou ayant une valeur historique.
La collection, qui couvre un large spectre, compte bien quelques titres assez singuliers, tels que le Dictionnaire de cas de conscience ou décisions des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, de Jean Pontas. «Tous les péchés imaginables y sont recensés! Quatre gros tomes!», lance le chercheur et spécialiste de l'œuvre de Jacques Ferron, Luc Gauvreau.
La collection compte notamment 459 livres d'histoire, 361 ouvrages de sciences sociales, 743 titres de littérature québécoise et 553 titres de la littérature française. «Elle est essentielle pour comprendre ce qu'a écrit Ferron. Il a créé des fictions imaginées, mais elles sont remplies de références, ce qui n'est pas forcément le cas chez tous les écrivains. C'est aussi passionnant comme lieu de savoir et mémoire du Québec», s'enthousiasme le spécialiste.
À l'ère du numérique, ces livres témoignent également d'une richesse qui tend à disparaître: une bibliothèque uniquement d'imprimés. «Cette collection a une valeur énorme; tout l'univers intellectuel à partir duquel Ferron pensait se retrouve en une seule bibliothèque.»
Livres trimballés
Bien que le don ait été officialisé en décembre dernier, les œuvres ont été entreposées à la Ville de Longueuil depuis 2012. «Quand ma mère a quitté la résidence de Saint-Lambert, nous avons transféré les œuvres à la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ). C'était une solution temporaire; tout a ensuite été remis à la Ville de Longueuil», soutient le fils de l'auteur, Jean-Olivier Ferron.
La BAnQ s'intéresse peu aux bibliothèques d'auteurs, puisque nombre de ces titres se trouvent déjà dans ses rayons. Les livres annotés par l'auteur sont d'un grand intérêt, mais c'est une pratique que Ferron empruntait peu.
«Une bonne partie de la collection sera entreposée à la réserve de la bibliothèque Claude-Henri-Grignon où les conditions de conservation sont contrôlées», indique l'agent d'information, Renaud Beauchemin. Actuellement, les livres se trouvent aux Services de gestion des documents et des archives, sur le boul. Roland-Therrien.
Dégât d'eau et autres effets du temps
Évaluée à un peu plus de 39 000$, la collection compte de nombreux livres abîmés. Les causes de cette dévaluation sont multiples, dont un dégât d'eau survenu en mai 2012 au sous-sol de la bibliothèque Claude-Henri-Grignon, où étaient entreposés les livres.
«Les documents touchés ont tous été traités par une entreprise spécialisée afin d’éviter des dommages permanents. Aucun ouvrage n’a été perdu en raison de cet incident», affirme Renaud Beauchemin. La facture pour le nettoyage des livres s'est élevée à environ 4000$.
Le spécialiste Luc Gauvreau a dû en refaire l'inventaire complet. «La Ville ne peut pas nier l'impact du dégât d'eau, est-il d'avis, qualifiant l'événement d'accident malheureux. Mais il y a plusieurs autres éléments qui expliquent l'état des livres.»
Plusieurs des ouvrages, entre autres ceux datant des années 1950 à 1970, sont de mauvaise qualité et considérablement détériorés. Jean-Olivier Ferron souligne quant à lui que son père, un «drôle d'homme», avait confié une partie de la collection à un relieur particulièrement inefficace.
Dans la bibliothèque de Jacques Ferron
- Dictionnaire historique et critique, de Pierre Bayle (1740)
- Encyclopédie de Diderot et Dalembert, en 13 volumes (don au Collège Jean-de-Brébeuf)
- Relations de Jésuites contenant ce qui s'est passé de plus remarquable dans les missions des pères de la cie de Jésus dans la Nouvelle France (1858)
- L’ingénieux hidalgo Don Quichotte de la manche, de Miguel de Cervantes, trad. de Louis Viardot, avec 370 compositions de Gustave Doré, gravées sur bois par H. Pisan (1869)
- Exemplaire dédicacé de Alexis ou Le Traité du vain combat, de Marguerite Yourcenar (1952)
- Les armes blanches, de Roland Giguère (1954)