Justice
Faits divers

La prison à vie pour Marc Charette

le lundi 29 juin 2015
Modifié à 0 h 00 min le 29 juin 2015

Marc Charette passera vraisemblablement le reste de sa vie en prison pour l'homicide involontaire qu'il a commis en 2005, au Motel Oscar. La juge Sophie Bourque lui a imposé une peine de prison à perpétuité aujourd'hui, et les probabilités qu'il soit un jour libéré semblent bien faibles.

M. Charette est resté impassible dans le box des accusés pendant que la juge lisait sa décision. Ses deux fils étaient également sous le choc à la sortie du tribunal et ont préféré ne pas commenter l'affaire.

M. Charette s'est reconnu coupable, en 2013, d'homicide involontaire dans cette affaire. Une altercation entre lui, Jocelyn L'Écuyer et son fils Donovan Duguay a dégénéré, au point ou l'accusé a braqué une arme sur M. L'Écuyer et l'a tiré à bout portant. La victime est morte sur le coup, devant son fils.

La juge Bourque s'est longuement attardée au passé criminel de l'accusé, qui cumule 86 condamnations depuis 1984, notamment pour des vols qualifiés, du trafic de stupéfiants, des évasions, et l'intimidation d'une personne liée au système judiciaire.

Elle note que le comportement de M. Charette ne s'est pas amélioré en détention. Il compte plus d'une centaine de rapports disciplinaires dans des centres de détention provinciaux et des prisons fédérales.

«M. Charette présente aujourd’hui le même niveau de dangerosité que le 22 janvier 2005, c'est-à-dire le plus haut niveau qui soit», a-t-elle déclaré.

La peine de prison à vie est d'ailleurs supérieure à ce que demandait la procureure de la Couronne, Me Sylvie Villeneuve. Celle-ci était liée par une suggestion commune de 20 ans, signée en vue du plaidoyer de culpabilité de M. Charrette. Avec le temps de détention compté en double, celui-ci aurait été libre dans moins de deux ans.

«Le tribunal serait d'accord si la peine de 20 ans était imposée peu de temps après les faits, et qu'il n'y avait pas 18 ans de déduction. Il s'agit toutefois d'une peine nettement insuffisante dans les circonstances», explique la juge Bourque, soulignant à maintes reprises que la détention n'a eu aucun effet bénéfique sur l'attitude de M. Charrette.

Remise en liberté improbable

Le Code criminel prévoit qu'un individu condamné à la prison à perpétuité soit éligible à une remise en liberté provisoire après sept ans. Puisque M. Charette a déjà passé plus de neuf ans en détention préventive, il pourrait théoriquement sortir de prison prochainement.

«Vous devrez démontrer aux autorités carcérales que vous êtes capables de vivre en société. M. Charette, votre avenir est entre vos mains, je vous souhaite bonne chance», a dit la juge.

Les témoignages de représentants des services correctionnels du Québec et du Canada laissent toutefois peu de doute: M. Charette ne sera pas libéré, à moins d'un important changement dans son comportement et d'une prise en main manifeste.

«Il a eu des libérations conditionnelles par le passé, et ça a été un échec total, avec des récidives», a témoigné la représentante de Service correctionnel du Canada, Dominique Dulac.

Même l'avocat de M. Charrette, Me Gilles Daudelin, a reconnu que son client a de la difficulté à respecter les conditions qui lui sont imposées. Il avait d'ailleurs suggéré que son client soit libéré dès maintenant… sans suivi probatoire, puisqu'il serait prompt à briser les conditions de la probation.

La ségrégation, une forme de torture

Me Daudelin demandait initialement une peine de 20 ans de prison, mais avec le temps en détention préventive compté en triple. Cette option, tout comme le temps compté en double, était possible avant 2010 si la défense démontrait que l'accusé avait subi un préjudice pendant sa détention.

L'avocat s'est appuyé sur un rapport des Nations Unies sur la ségrégation – c'est-à-dire l'isolation – des détenus. Le rapport indique que la ségrégation prolongée est une forme de torture.

M. Charette a passé 43 mois en ségrégation volontaire. Mais il affirme qu'il était obligé d'accepter la ségrégation parce qu'on ne lui laissait pas sa canne s'il était logé avec d'autres détenus.

«On l'a placé en ségrégation parce qu'il a une canne. Mais on laisse les détenus utiliser des balais, des moppes et même des fauteuils roulants», a ironisé Me Daudelin.

Avant de recevoir sa peine, M. Charette a affirmé au Courrier du Sud qu'il a l'intention de poursuivre la prison de Rivières-des-Prairies pour les préjudices subis en ségrégation.

La juge Bourque a toutefois rejeté ces arguments du revers de la main, affirmant qu'un rapport sur la ségrégation des détenus aux États-Unis n'était pas pertinent et que la constitutionnalité de la ségrégation n'était pas remise en cause par la défense.