Culture

La rose de Jéricho: prendre racine

le lundi 10 décembre 2018
Modifié à 13 h 11 min le 10 décembre 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

DANSE. La rose de Jéricho est une plante très résistante, qui peut vivre des années sans eau. Par temps de sécheresse, elle se déracine et, mue par le vent, prendra racine plus loin, lorsqu’elle trouvera une terre riche. Le chorégraphe Andrew Skeels a vu dans cette «plante fascinante» une image fort belle pour aborder la crise migratoire. La rose de Jéricho est l’une des sources d’inspiration et le point de départ chorégraphique de la pièce de la compagnie Skeels Danse Montréal, qui s’arrête au Théâtre de la Ville le 13 décembre. «J’ai utilisé beaucoup la rose pour chercher des mouvements: la façon dont s’ouvre et se ferme la rose est intéressante. J’ai réfléchi à comment traduire en danse les mouvements de la rose: le vent, son enracinement...», détaille Andrew Skeels, qui se réjouit de l’accueil qu’a reçu ce spectacle mettant en scène trois danseurs et quatre danseuses. L’inspiration pour cette pièce est aussi éminemment personnelle, le chorégraphe étant lui-même immigrant (d’origine américaine, il est au Québec depuis plus de 10 ans). Il s’est également entouré de deux immigrants, la compositrice Sussan Deyhim, qui a fui l’Iran pour s’installer en Amérique, puis le styliste Wilber Tellez, qui a quitté le Mexique à l’âge de 4 ans pour vivre aux États-Unis, puis à Montréal. Approche cinématographique L’élaboration de chacune des pièces commence par une période de recherche chorégraphique, sans songer à la thématique de la pièce. «Tout est possible, c’est une recherche de mouvement. Le thème s’inscrit seulement au milieu du processus et, contrairement à la plupart des chorégraphes, ce n’est qu’à la fin qu’il intègre la musique.» Le directeur artistique de Skeels Danse Montréal compare sa méthode de travail à celle d’un monteur de cinéma. «Pendant le processus de création, je filme absolument tout. À la fin de la journée, je coupe plus de la moitié pour ne garder qu’environ 40%. C’est une technique que j’ai apprise dans ma formation de cinéma. À la fin du processus, je fais un découpage technique qui me permet d’organiser le mouvement, le fil et la dramaturgie du spectacle.» Le style même est d’inspiration cinématographique, analyse-t-il. «J’essaie de changer souvent de scène et de contexte. Ça bouge vite, on ne reste pas trop longtemps dans une même thématique chorégraphique.» Toucher La rose de Jéricho est, selon Andrew Skeels, une pièce accessible pour un public qui souhaite s’initier à la danse. Le chorégraphe met à profit sa formation très éclectique – il a entre autres été formé à l’École du Boston Ballet – pour intégrer divers styles de danse. Les connaisseurs pourraient reconnaître les influences d’électro hip hop, par exemple. Si la danse dite contemporaine peut sembler hermétique aux yeux des néophytes, il importe peu pour le chorégraphe que les spectateurs sachent déchiffrer chacun des gestes. «Quand je crée une pièce, j’offre plusieurs portes d’entrée aux spectateurs, que ce soit les costumes, le décor, les mouvements. Mais le but, c’est de toucher le public.»