«Le départ de Pierre Karl m'a scié les jambes» - Bernard Drainville

POLITIQUE. Le député de Marie-Victorin Bernard Drainville a annoncé officiellement, mardi, à Longueuil, qu'il quittait la vie politique pour «retourner à ses anciennes amours», alors qu'il coanimera une émission de radio au FM93, à Québec.
Celui qui avait été élu pour la première fois en 2007 a révélé que la démission de Pierre Karl Péladeau de la chefferie du Parti québécois (PQ) avait sonné le glas de son séjour sur les banquettes de l'Assemblée nationale.
«Le départ de Pierre Karl m'a donné un coup; ça m'a un peu scié les jambes, a avoué M. Drainville, flanqué de sa femme et deux de ses trois enfants. Son signal a été mon signal de départ.»
«La politique, c'est tough, c'est dur, c'est usant. Ma motivation en a pris un coup après son départ, a-t-il admis. Je ne peux pas penser que j'aurais trouvé une même chimie avec quelqu'un d'autre après avoir eu un aussi grand niveau de proximité et de complicité avec lui.»
«À risque»
Les spéculations quant aux motivations du départ de Bernard Drainville ont été nombreuses, mais au final, le principal intéressé soutient qu'il s'agit d'un «alignement de planètes» qui l'a emmené à accepter une opportunité chez Cogeco qu'il ne «pouvait pas manquer».
«J'en suis venu à la conclusion que c'est là que j'allais être le plus utile, estime l'homme de 53 ans, soutenant qu'il ne s'agissait pas de motifs familiaux. Il y a des matins où je mettais ma ceinture et où j'avais l'impression de revêtir mon armure, épée à la main, pour combattre des hordes de libéraux. C'est une manière chevaleresque de l'imager, mais je l'assume.»
L'ancien journaliste a qualifié son style parlementaire de «combatif». «Mais je ne suis pas sûr que ce type de politique est dans l'air du temps», a-t-il laissé tomber.
«Actuellement, je suis à risque de perdre ma motivation. Quand tu as l'impression que ton réservoir se vide plus vide qu'il se remplit, je pense qu'il est temps de quitter», a dit M. Drainville, qui juge d'«usant» la vie de parlementaire.
Aucun problème éthique, selon lui
Les discussions entre Cogeco et le futur coanimateur se sont amorcées après la démission de Pierre Karl Péladeau. M. Drainville soutient que c'est l'entreprise médiatique qui a fait les premiers pas. Selon plusieurs, l'engagement entre les deux parties a été conclu il y a quelques semaines.
«Je ne vois pas de problème sur le plan éthique, s'est défendu Bernard Drainville. J'ai le droit de gagner ma vie, et il y a un droit au bonheur aussi pour les hommes et femmes politiques. On est des êtres humains, et on a le droit d'être fatigués, mais aussi le droit de se sentir utiles.»
Par ailleurs, il a confirmé qu'il ne toucherait pas à sa prime de départ, qui lui était théoriquement inaccessible en vertu d'une loi qu'il a lui-même défendue bec et ongles.
Foi intacte
Malgré sa démission, Bernard Drainville ne claque pas la porte au Parti québécois, au contraire. Le résident de Québec a réaffirmé ses convictions indépendantistes et son attachement au parti de René Lévesque, son «idole», qu'il qualifie de «grand parti ayant accompli de grandes choses».
L'attrait de défendre ses positions et valeurs politiques est l'une des raisons qui l'ont poussé à échanger sa banquette de leader parlementaire pour le micro du FM93, où il pourra «profiter d'une grande liberté».
«Je m'en vais donner mon opinion, et je ne changerai pas mon opinion sur l'indépendance. Mais je ne serai pas un coanimateur péquiste et je ne serai pas la voix du PQ à la radio», a cependant tempéré M. Drainville, qui a également félicité les réformes des institutions démocratiques qui ont eu lieu et auxquelles il s'est dévoué.
Quant à sa carrière politique, le père de trois enfants n'exclut pas un retour éventuel, mais pas à court ni à moyen terme, laissant planer un retour possible si l'option indépendantiste venait à déboucher. «Ce jour-là, je serai là, et je vais servir comme je l'ai fait toute ma vie.
Un au revoir difficile
Même s'il a été parachuté dans la circonscription de Marie-Victorin pour y être élu sous la bannière du Parti québécois, Bernard Drainville refoulait les sanglots, mardi, se disant affligé d'une profonde tristesse à l'idée de quitter ceux qui l'ont élu pour la première fois en 2007.
«Je me suis attaché à eux et j'imagine qu'ils se sont attachés à moi. C'est la partie la plus difficile de quitter les gens de Longueuil; ça me fait énormément de peine», a-t-il confié aux médias locaux, soulignant l'importance du milieu communautaire longueuillois et d'un «tissu social d'une très grande valeur».
Le scénario anticipé par Bernard Drainville pour annoncer sa démission n'est pas tout à fait ce qui s'est finalement déroulé. Le député de Marie-Victorin souhaitait prendre une semaine supplémentaire afin d'informer ses équipes à Longueuil et Québec qu'il quitterait ses fonctions.
«L'information a coulé et les journalistes ont fait leur travail. Je ne peux pas les blâmer, j'aurais fait exactement la même chose si j'étais eux, a concédé M. Drainville. Ç'a été un peu compliqué, ce n'est pas tout le monde qui était au courant. Mais je ne voulais pas passer une semaine à entretenir un espèce de flou.»
Le gouvernement a maintenant six mois pour déclencher une élection partielle dans Marie-Victorin. Le député démissionnaire a affirmé qu'il ne prêterait pas main-forte au Parti québécois afin de lui faire élire un successeur péquiste, évoquant son nouvel emploi dans les médias.