Culture

Le roi du mensonge : les histoires abracadabrantes derrière de vrais canulars

le jeudi 13 avril 2023
Modifié à 10 h 30 min le 13 avril 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Roger Tétreault a leurré les médias pendant plusieurs années. (Image tirée du documentaire Le roi du mensonge_

Devant les caméras, Roger Tétreault a porté plusieurs noms – Yvon Rocher, Bernard Maillé, Robert Leblanc, Tubaal Caïn, Gérard Kenney… – et presque autant de chapeaux, en se prétendant tour à tour expert du nucléaire, militant féministe, spécialiste de la culture japonaise, témoin d’un camp terroriste du FLQ et grand sorcier. La série documentaire Le roi du mensonge brosse le portrait de cet homme devenu maître du canular.

Roger Tétreault, qui a résidé dans de nombreuses villes de la Rive-Sud dont Longueuil, Brossard et Mercier, a ainsi cherché à démontrer «qu’on peut faire gober n’importe quoi» aux médias. C’est du moins la justification qu’il a offerte en 1991 lorsqu’il a lui-même révélé la vérité sur ses nombreux canulars.  

M. Tétreault avait fait parvenir un communiqué dans les salles de nouvelles du Québec, se vantant d’avoir trompé les médias pendant plusieurs années. Il a toutefois fallu l’enquête et la recherche du journaliste de CBC Stephen Langford pour que l’affaire soit vérifiée, contre-vérifiée et publiée.

Devant la caméra des réalisateurs Charles Gervais et Stéphane Thibault défilent des journalistes, les historiens Laurent Turcot et Louis Fournier, l’ex-conjointe de Tétreault Louise Bégin et même des humoristes qui, à une certaine époque, ont fait des canulars leur marque de commerce. 

Marc-André Sabourin, journaliste et auteur de Le maître de l’intox, contribue à comprendre l’ampleur du phénomène.

«Très brillant», «maître du spectacle», «influenceur», créateur de «vrai fake news»; les qualificatifs pour décrire Roger Tétreault vont dans tous les sens, les intervenants du documentaire soulignant à la fois l’habileté et la malhonnêteté de l’homme. 

Yvon Rocher et le nucléaire

L’un des mauvais coups le plus marquant est sans doute sa sortie médiatique en tant qu’Yvon Rocher – il faut ici y voir un jeu de mots – en tant qu’expert nucléaire.

Au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, il est interviewé sur les ondes de Radio-Canada comme l’auteur de Manuel de survivance pour la guerre nucléaire. Il raconte alors qu’à long terme, «des gens pourraient avoir des séquelles mineures au Québec» de la tragédie qui a frappé la Russie en avril 1986.

De son propre aveu, M. Tétreault n’avait aucune connaissance dans ce domaine. Il a rédigé le manuel à partir de «bribes» d’informations, de lectures et de collages. 

FLQ et répercussions

Le deuxième épisode se consacre plus particulièrement à l’époque où Roger Tétreault s’est retrouvé au sein du FLQ. Si ce dernier a toujours prétendu agir comme journaliste en infiltration, il a été bel et bien accusé et condamné à quatre ans de prison pour complicité, en lien avec l’explosion d’une bombe à l’édifice de la Prévoyance en 1964.

Il a publié, sous le nom de Jean-Pierre Parisse, l’article J’ai visité un camp de terroriste du FLQ dans lequel il a raconté avoir été transporté en motoneige jusqu’à un camp dans les Laurentides, où des militants felquistes pratiquaient le maniement d’armes. 

Le journaliste Stephen Langford rapporte les conséquences énormes et bien réelles de cette fausse nouvelle, qui a suscité inquiétudes et craintes d’insurrection.

«Cet article n’est pour moi pas étranger à l’application des mesures de guerre, va même jusqu’à dire le journaliste Alain Gerbier. Ça va servir de prétexte, d’argument ou d’alibi au gouvernement Trudeau.» 

Tétreault a même laissé croire – (fausse) note secrète à l’appui – que la CIA avait infiltré le FLQ.

Le mot d’ordre de l’ensemble des journalistes qui témoignent dans la série est un appel à la prudence, alors qu’il n’est pas si clair que les médias soient entièrement à l’abri aujourd’hui d’une telle manipulation.

À visage couvert

Marc Labrèche est l’animateur du documentaire. Il va à la rencontre de Roger Tétreault, dans une modeste maison au fond des bois.

Marc Labrèche en entrevue avec Roger Tétreault. (Image tirée du documentaire Le roi du mensonge)

La dernière fois que Marc Labrèche a fait dans le documentaire, c’était à la tête de son film Le cri du rhinocéros, dans lequel il interviewait créateurs d’ici et d’ailleurs et cinéastes québécois. 

Cette fois, le contexte est tout autre, mais c’est néanmoins à un «raconteur» – d’un autre type – que l’animateur a eu affaire.

Roger Tétreault, qui n’a eu aucun problème à s’infiltrer partout, sans même une perruque pour changer d’apparence d’un canular à l’autre, apparait cette fois dans Le roi du mensonge le visage flouté, la voix changée.

Le contraste est étonnant.

Le documentaire dévoilé le 1er avril est disponible sur Crave. 

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