Les Bougon toujours aussi irrévérencieux

Le pari était casse-gueule. Rester trop fidèle au fonctionnement de la série télé ennuierait le public et s'en distancier le décevrait. Votez Bougon était donc voué à un résultat oscillant sur la ligne du bon et du mauvais, sur celle de l'innovation et du déjà-vu.
Les parallèles sont nombreux dans les adaptations des séries télévisuelles au cinéma et même récemment au théâtre (La Galère). Le long-métrage a été imaginé en créant une intrigue parallèle dans laquelle les personnages évoluent.
La déclinaison du produit télé sur de nouvelles plateformes vit donc en satellite autour de l'œuvre originale. Nul besoin d'avoir suivi la série pour apprécier le film réalisé par Jean-François Pouliot (Les 3 p'tits cochons 2, La grande séduction).
L'univers bien défini que permet l'échelonnement des épisodes d'une série apporte un cadre intéressant aux scénaristes (François Avard, Jean-François Mercier et Louis Morissette, dans le cas qui nous concerne).
Le fait que les lieux, les personnages, leur psychologie et leurs relations soient déjà définis propulse l'action rapidement dans le long-métrage.
À ce chapitre, Votez Bougon roule rapidement en début de parcours. Paul (Rémy Girard), Rita (Louison Danis), Dolorès (Hélène Bourgeois-Leclerc), Junior (Antoine Bertrand), Mao (Laurence Barrette) Bougon et Mononc (Claude Laroche) entrent dans le cadre dès les premières minutes au grand plaisir du public qui les retrouve après dix ans.
Top de la crosse
Le principe est simple. La plus grande fraude québécoise serait d'accéder au plus haut siège du parlement dans le dessein d'arnaquer tout un peuple.
C'est du moins l'idée de génie qui germe dans la tête de Paul Bougon (le toujours aussi merveilleusement crotté Rémy Girard) après un passage à la Grande Messe du dimanche au nom des assistés sociaux.
La forte réaction des gens sur les réseaux sociaux devant ses paroles lancées au visage d'un politicien qu'on devine opportuniste incarne une partie de la pensée des électeurs à la recherche de changement. Il fonde alors avec sa famille le Parti de l'écoeurement national (le Pen).
Les Québécois croient évidemment au renouveau promis par le patriarche et aux membres de la famille la plus crasseuse du Québec. Mais les hautes sphères de la société ne leur ouvriront pas les portes du paradis, au contraire. La politique et le pouvoir de l'argent asserviront-ils ces électrons libres?
Critique sociale
Votez Bougon fait partie de cette lignée de satires sociales qui se nourrissent du marasme de la population et du cynisme des politiciens. Embrassant le même leitmotiv que le bougon Gratton de Pierre Falardeau, le Bougon du trio d'auteurs corrosifs décrie une situation en l'incarnant.
Nul besoin d'être un grand philosophe pour entendre les discours des électeurs en soif de changement dans celui que sert en riant Paul Bougon pour se faire élire.
À trop chercher ce qui n'existe pas, on donnerait crédit au premier venu qui nous le promet. C'est cette place qu'il prend et cela devrait être assez crasseux pour faire réfléchir quiconque.
Au-delà des blagues de boules chinoises de Dolorès qui ne volent pas haut et tombent à plat, la comédie existe dans ce deuxième degré qui incorpore moult «perles de sagesse». La campagne du Pen et de ses Pénistes dans les circonscriptions du Brome-N'Importe-quoi et de Vardun est le théâtre idéal pour jouer avec les mots et les slogans.
La satire de Dumou et Dubrun à la chaîne d'information en continu avec une analyse vide de sens et les chroniques de Joseph Fécal et d'André À. Quatre-Pattes font sourire. Le traitement des médias passe dans le tordeur de Votez Bougon, ne serait-ce qu'avec la parodie de Tout le monde en parle. C'est ce petit côté irrévérencieux qu'on aime.
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