Culture

Les enfants d’Adam: Qui détient les droits d’auteurs des souvenirs?

le lundi 10 septembre 2018
Modifié à 15 h 06 min le 10 septembre 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

THÉÂTRE. Incarner la mère dans Les enfants d’Adam est de l’ordre du «délice» pour Dorothée Berryman. Car pour les «femmes de sa génération», il est rare d’avoir un rôle central aussi riche et coloré à se mettre sous la dent. Un cadeau venu tout droit d’Islande. De l’auteure islandaise Audur Ava Ólafsdóttir, Les enfants d’Adam a été jouée pour la toute première fois en Amérique du Nord au Monument national. Dans cette production du Théâtre de l’Opsis, Dorothée Berryman renouera avec le personnage un an plus tard sur la scène du Théâtre de la Ville, du 13 au 15 septembre. Voilà bien des années que les enfants d’Adam sont devenus adultes. Mais il suffit d’un retour dans le nid familial le temps d’un brunch pour raviver les guerres enfantines et rancunes refoulées. «Ils régressent à leurs vieux conflits d’enfants. Tout à coup, on dirait qu’ils manquent de maturité», résume l’actrice. Dans cette confrontation des souvenirs – des perceptions –, la vérité ne se trouve pas toujours où l’on croit. «La vérité n’est pas toujours telle qu’on la pense, les mots n’expriment pas toujours ce qu’on veut dire… C’est une très bonne pièce, une interrogation sur le sens des mots. Je pense qu’elle se questionne sur qui détient les droits d’auteurs des souvenirs.» Et lorsque les mots ne suffisent plus, c’est par la danse que les personnages s’expriment. Ce qui expliquent les quelques chorégraphies qui ponctuent la pièce. Les gestes révéleront les non-dits, contrediront les propos. Malgré le drame, le ton de la pièce tend davantage vers l’humour. Et c’est par le personnage de la mère que viendront la lumière et l’espoir. Car si les enfants ne cherchent qu’à «la placer» et à mettre la main sur son argent, cette dernière a d’autres projets – que l’actrice se ici garde de révéler. «Elle voit ses enfants pris dans leur vie et leurs obligations.  Elle leur dit «Tant qu’on est en vie, on peut toujours recommencer. C’est important de s’amuser, de faire des bêtises, de vivre, parce que tout s’achève brusquement et on regrette de ne pas avoir ri davantage»». Une réflexion sur le temps, sur l’importance de saisir le moment présent. Libre de créer Vivre le moment présent, c’est l’exercice auquel se prêtent les acteurs chaque fois qu’ils montent sur scène, fait remarquer Dorothée Berryman. Un défi plus facile à surmonter sur scène que dans la vie. «Vous savez, c’est pour ça que je dis que c’est sur scène où je suis la plus heureuse. Dans la vie, c’est plus furtif, on est facilement happé par toutes sortes de soucis.» Et l’expérience n’aura pas fait fuir le tract, au contraire. L’insouciance de la jeune actrice a fait place à une plus grande conscience de la difficulté, du travail. «Le jour où tu n’as plus le tract, tu n’as plus d’affaire sur scène. Ça vient de Sarah Bernhard. C’est comme si l’athlète ne se préparait pas.» Retrouver un rôle un an plus tard nécessite aussi une autre forme de préparation. En relisant le texte, la veille d’un enchaînement, la comédienne s’interroge sur ce regard différent qu’elle y jette. «Je voyais des choses que je n’avais pas vues. Mais peut-être que je les avais exprimées sans le savoir. Je suis à la découverte. Je lis sans trop me faire d’idée, sans y aller avec la raison, mais en laissant travailler mon instinct, mon intuition, mon cœur.»