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Les médecins font repousser son os après un grave accident de chasse

le lundi 08 juillet 2019
Modifié à 9 h 46 min le 15 juillet 2019
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Le pied de Réjean Desjardins ne tenait que par quelques filets de peau après qu’il ait reçu une balle dans la jambe lors d’un voyage de chasse, en octobre 2017. Mais grâce aux médecins Mitchell Bernstein et Stéphanie Thibaudeau de l’Hôpital Général de Montréal, qui ont fait repousser 7 cm d’os dans sa jambe, l’homme de 73 ans se tient toujours sur ses deux pieds. Le 8 octobre 2017, Réjean Desjardins est au Témiscamingue avec son frère Daniel lorsque le bête accident qui aurait pu lui coûter la jambe – ou pire, la vie – survient. Les deux frères se promènent en VTT lorsque Daniel entreprend de libérer un sentier des branches qui le bloquent. «On avait notre carabine en bandoulière, raconte M. Desjardins, l’émotion dans la voix. Il est allé à l’avant du 4 roues et s’est penché pour couper des branches avec une hachette. Il ne savait pas qu’il y avait une balle dans sa carabine. Une branche a accroché la gâchette. J’étais debout à côté.» Frappée par le projectile, la jambe de Réjean Desjardins explose littéralement juste au-dessus de sa cheville. Son pied tient en place grâce à son pantalon et à quelques lambeaux de peau. «Je ne savais pas ce qui m’était arrivé, j’avais seulement eu connaissance que mon pied avait bougé, poursuit-il. J’ai essayé de me relever, et j’ai vu la gravité de la blessure. Je me disais que j’étais loin des soins… Ce n’est pas un pansement qu’on met là-dessus…» Le Brossardois a la présence d’esprit de demander à son frère de lui faire un garrot, ce qui diminue les saignements et la douleur. Les deux hommes se trouvent alors à 2 ½ heures de l’hôpital le plus près. Ils roulent pendant 15 minutes, le temps d’atteindre un camp de chasseurs pour alerter leurs confrères. En route vers l’hôpital, ils croisent l’ambulance. «Ils m’ont transféré dans l’ambulance et je me sentais en sécurité», se souvient Réjean Desjardins. Les sauveurs Après un court passage à l’hôpital de Ville-Marie, Réjean Desjardins est transféré à l’hôpital d’Amos, où un médecin lui recommande l’amputation. «Elle était très pessimiste, se souvient-il. J’ai demandé à être transféré sur la Rive-Sud, près de chez moi.» À l’hôpital Charles-LeMoyne, les médecins réalisent rapidement la gravité de la blessure et décident de l’envoyer immédiatement à l’Hôpital Général de Montréal, l’un des trois centres spécialisés en traumatologie de la province. C’est là-bas que le septuagénaire fait la rencontre de ses sauveurs: le chirurgien orthopédique Mitchell Bernstein et la chirurgienne plastique Stéphanie Thibaudeau. «Il y avait une exposition osseuse, des tendons et des muscles, parce que c’était une blessure par balle, relate la Dre Thibaudeau. Ça cause comme une explosion des tissus mous et une blessure thermique. Les tissus mous qui protègent les structures profondes étaient très sévèrement endommagés.» Le Dr Bernstein, spécialisé en traumatologie, en repousse osseuse et en correction de difformités, offre alors deux options à son patient: l’amputation ou un «projet» qui nécessite plusieurs opérations et 12 à 18 mois de réhabilitation. «J’ai opté pour le projet, et j’ai encore ma jambe…» souffle M. Desjardins.

«Je n’étais pas du tout sceptique. Je faisais confiance aux médecins et j’étais sûr qu’ils réussiraient.»
Une première opération La première opération de Réjean Desjardins à l’Hôpital Général de Montréal dure 11 heures et nécessite tout un travail d’équipe entre la Dre Thibaudeau et le Dr Bernstein. En premier lieu, la chirurgienne plastique doit recouvrir l’os. «J’emprunte des tissus d’ailleurs dans le corps, avec les petits vaisseaux sanguins que je reconnecte avec un microscope, explique-t-elle. Les vaisseaux sanguins mesurent environ 2 ou 3 millimètres. On appelle ça un lambeau. Dans le cas de M. Desjardins, on avait pris un lambeau de la cuisse. On a transporté ces tissus à la cheville. On a reconnecté une artère et une veine pour provoquer une circulation normale des tissus.» Le chirurgien orthopédique installe ensuite un fixateur externe sur la jambe de M. Desjardins. Il s’agit de la technique Ilizarov. «Nous brisons les os d’une manière «civilisée» et, juste avant qu’ils ne soient complètement réparés, nous les éloignons progressivement, à raison d’un millimètre par jour, explique le Dr Bernstein. De l’os se crée alors dans cet espace.» Pendant trois mois, M. Desjardins doit tourner lui-même les vis du fixateur chaque jour afin de permettre à son os de repousser. Une fois le fixateur retiré, M. Desjardins a pu marcher pendant quelques mois avec des béquilles, puis avec une canne. Aujourd’hui, il marche sans appui. Selon la Dre Thibaudeau, le résultat est au-dessus des attentes. «Ça va super bien. Le résultat est phénoménal, considérant son âge. À cet âge, la régénérescence osseuse, les vaisseaux sanguins… ce n’est pas comme opérer quelqu’un dans la trentaine.» L’homme de 73 ans boîtera probablement le restant de ses jours, mais c’est un bien maigre prix à payer pour garder sa jambe et son autonomie. «Je ne regrette pas. L’équipe est extraordinaire», conclut-il. Retour à la chasse En 2018, un an après l’événement, Réjean Desjardins est retourné à la chasse… au Témiscamingue. «J’ai dit à mon frère: si tu ne viens pas, j’y vais tout seul. Au début, il ne voulait pas. Il fallait exorciser ça un peu. Je marchais avec mes béquilles, la carabine en bandoulière.»