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Les patients de cancer, partenaire pour un système de santé plus résilient

le mercredi 30 novembre 2022
Modifié à 14 h 03 min le 06 décembre 2022
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Dominique Tremblay, directrice scientifique du Centre de recherche Charles-Le Moyne et professeure à l'Université de Sherbrooke et Christelle Galvez, directrice des soins infirmiers du centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)

Les patients atteints de cancer et leurs proches doivent plus que jamais être intégrés comme des partenaires des équipes de professionnels en cancérologie. Non seulement leur expérience peut faire bénéficier tant les autres patients que les professionnels, mais ils aident à rendre le système de santé plus résilient… et en santé.

Voilà l’une des notions clés ressorties des Entretiens Jacques-Cartier volet Santé et Sciences de la vie, qui se déroulaient au campus Longueuil de l’Université de Sherbrooke, le 29 novembre. 

Cette journée de rencontres a réuni des chercheurs, professeurs et professionnels de la santé du Québec et de la France autour du thème «Accompagnement de la résilience d’équipe au travail en cancérologie : faire face à l’adversité pour mieux soigner au quotidien et en pandémie».

Retrouver du sens

Les défis du quotidien (dont le manque de ressources, les dures nouvelles à annoncer aux patients, les multiples consignes ministérielles) et la pandémie ont hautement éprouvé les équipes de soins. 

«Notre but ultime, c’est de garder les professionnels en place, pour mieux soigner, lance Dominique Tremblay, directrice scientifique du Centre de recherche Charles-Le Moyne et professeure à l'Université de Sherbrooke. On s’inscrit dans une approche de salutogènese : c’est-à-dire produire de la santé et du bien-être et générer ça à partir de notre intervention. On a des ressources rares et précieuses, on veut en prendre soin.»

Et pour y parvenir, l’une des visées est de «retrouver un sens dans le travail, dans notre capacité à faire face, à innover, poursuit-elle. Retrouver un sens et un sentiment de cohérence.»

Christelle Galvez, directrice des soins infirmiers du centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard situé à Lyon, dit observer sur le terrain ce désir des soignants de se centrer sur le «pourquoi» ils ont choisi ce métier. «Les soignants impliquent beaucoup de leurs tripes. Ils SONT soignants, avant de faire des soins.»

Co-apprentissage et rééducation

Les patients en cancérologie peuvent contribuer à améliorer la résilience des professionnels. Certains patients  – habités du désir de donner au suivant – offrent entre autres du soutien aux familles et aux personnes atteintes, car ils sont déjà passés par là. Ces «patients partenaires» peuvent aussi contribuer en matière d'accompagnement et de télésanté.

Le constat de la professeure Tremblay est que ces bonnes pratiques sont en place, mais que davantage pourrait être fait pour mieux intégrer ces patients, qui sont un atout à l’ensemble des équipes de soignants.

«C’est facile à dire, intégrons le patient comme partie prenante ou acteur de santé, mais on a besoin de nous rééduquer, d’ouvrir ce champ-là et de lâcher la connaissance. Nous, en tant que sachant, qui nous donnaient une forme de… pouvoir peut-être. Il y a un besoin de reconnaître les compétences des soignants, pour reconnaître celles des patients», renchérit Mme Galvez.

Mieux intégrer le patient, c’est aussi tenir compte de son expérience, de son vécu, dans tout l’accompagnement qui lui est offert. Cela amène la relation soignant-patient à se transformer.

«On va co-apprendre. On a nos connaissances, mais un cancer, ça va arriver à une personne, à sa vie. Il a peur de quoi? De perdre son travail, de ne pas pouvoir gérer l’horaire avec les enfants? C’est de prendre en considération sa vie, et il est le mieux placé pour nous donner ces connaissances.»

«Au lieu de gérer des tumeurs, on devient des aides à la vie.»

-Dominique Tremblay, directrice scientifique du Centre de recherche Charles-Le Moyne

Au-delà des traitements médicaux, certainement essentiels, la prise en considération du patient dans sa globalité est garante de meilleurs résultats. 

La professeure Tremblay partage aussi la réflexion d’une patiente qui lui a dit que les médecins et soignants ne devraient pas chercher à être parfaits. «Car ça nous oblige, comme patient, à être parfaits. On veut des humains, pas des perfections», lui relatait-elle.  

Faire équipe

Ce partage de connaissances et d’expertises doit aussi s’exercer au sein des équipes de soins, entre les différents professionnels.

Christelle Galvez relève que la pandémie aura permis de renforcer ce lien «médico-soignants».

«Puisqu’il n’y avait plus la puissance de la connaissance [face à la COVID-19], on a pu tous se mettre autour de la table et travailler ensemble. Le leadership médico-soignant a trouvé une place et il laisse la liberté et la capacité à son équipe de repenser des manières de travailler ensemble.»

Ainsi, au savoir du vécu du patient, à ce savoir terrain, s’ajoutent les connaissances scientifiques, qui doivent ainsi entrer en conversation.

Pre Dominique Tremblay inclut aussi la grande contribution et le savoir des organismes communautaires, dont l’offre de services est large, mais parfois sous-utilisée.