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Liberté de presse et satire, à grands traits

le lundi 28 novembre 2022
Modifié à 22 h 50 min le 28 novembre 2022
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Jean-Marc Phaneuf. (Photo gracieuseté)

De son point de vue de caricaturiste qui cumule plus de 40 ans de carrière, Jean-Marc Phaneuf constate une régression de la liberté de presse au Québec. Il fait de cet enjeu, qu’il juge «le plus important dans notre société», le thème central de son recueil recensant plus de 170 de ses dessins satiriques  «qui osent et qui grafignent».

La plupart des caricatures publiées dans cet ouvrage des Éditions Crescendo ont été créées au cours des deux dernières années. Elles ont paru sur le site Web et la page Facebook du caricaturiste. 

D’autres ont figuré dans les pages de médias papier, tel Le Devoir, L’aut’journal… et Le Courrier du Sud, où «Phaneuf» a longtemps collaboré, jusqu’en 2018.

Dangereuses atteintes

Jean-Marc Phaneuf se désole de voir ce qu’il considère comme des atteintes de plus en plus fréquentes portées à la liberté de presse et à la liberté de parole.

«On n’est plus capable de nommer les choses, critique-t-il, évoquant l’appellation maintenant répandue de «mot en n». C’est aberrant! Tout ça pour satisfaire une petite partie de la population.»

Il craint que la régression de la liberté de presse ne fasse glisser la société vers le totalitarisme. 

Jean-Marc Phaneuf dit remarquer que, même chez ses collègues caricaturistes, certains sujets comme la laïcité, la langue, l’anglicisation et le racisme ne sont plus abordés.

Un traitement tout autre que celui réservé aux chroniqueurs, compare-t-il. «Les éditorialistes et chroniqueurs peuvent faire leur choix librement. Comme caricaturiste pigiste, on reçoit plusieurs réticences à faire approuver ses dessins», soutient-il.

Un double standard qui le choque, d’autant plus que, selon lui, les chroniqueurs se transforment de plus en plus en caricaturistes, en étant satiriques ou sarcastiques. «De la caricature sans dessin… parfois dans les deux sens du terme!» lance-t-il.

«Ce que j’ai réalisé, c’est que plus j’avais de la liberté, meilleure était la caricature. Quand il y a des entraves, la gymnastique se fait moins bien.»

-Jean-Marc Phaneuf

«Foutu à la porte»

Les thèmes abordés par les caricatures dans ce nouvel ouvrage ratissent large : pandémie, politique, laïcité, religion, entre autres.

Certaines sont accompagnées d’anecdotes qui dévoilent leur contexte de publication ou qui rappellent les tollés suscités. «Ça permet de montrer mon expérience de liberté de presse», évoque M. Phaneuf.

Il montre notamment la caricature qui a mis fin à sa collaboration avec l’aut’journal. 

La caricature qui a mené à la fin de sa collaboration à l’aut’journal. (Photo gracieuseté)

M. Phaneuf ne cache pas son amertume face à la décision du patron de le renvoyer après qu’il ait suggéré cette caricature : «Il m’a foutu à la porte, parce que j’osais montrer une opinion qu’il ne partageait pas».

Autocensure

Selon Jean-Marc Phaneuf, tout caricaturiste opère, à différents degrés, une certaine forme d’autocensure. Chacun a ses intouchables. Dans son cas, il se refuse d’aborder la vie privée des personnalités publiques qu’il caricature.

S’il apprécie les réactions directes que lui apportent les publications sur le Web, M. Phaneuf insiste toutefois sur l’importance d’assumer ses opinions, malgré les tempêtes et réactions. «Si tu retires une caricature parce qu’elle a fait réagir, pourquoi fais-tu des caricatures?» questionne-t-il.

Les plus crounchantes

Les caricatures qui figurent dans Liberté de presse sont celles qui, aux yeux de son créateur, sont «les plus intéressantes et les plus crounchantes».

Parmi ses préférées, il cible celle montrant une horloge grand-père comme métaphore de la société, et dont le pendule défonce le cadre de bois tant à gauche qu’à droite.

(photo gracieuseté)

«Notre société est toujours en mouvement. Ce n’est jamais complètement à l’arrêt. Mais que ça défonce de chaque côté, que l’on se campe à ce point dans les extrêmes, ça c’est nouveau», observe-t-il.



L’une des caricatures dont Jean-Marc Phaneuf est le plus fier. (Photo gracieuseté)

Dans l’ouvrage, Jean-Marc Phaneuf revient sur le tollé qu’avait suscité la publication de cette caricature dans Le Courrier du Sud, en mars 2017. (Photo gracieuseté)