Justice
Faits divers

L'instructeur d'une école spirituelle a agressé ses adeptes

le mardi 14 juin 2016
Modifié à 0 h 00 min le 14 juin 2016

C'est aujourd'hui qu'on connaîtra la sentence qui sera imposée à l'instructeur d'une école spirituelle condamné pour de multiples agressions sexuelles commises sur ses adeptes ainsi que sur leurs enfants. André Rousseau, 70 ans, a sévi à Longueuil et à Saguenay pendant plus d'une vingtaine d'années, jusqu'à son arrestation en 2012.

Selon le jugement tombé le 4 mai, sous la plume du juge Richard Marleau, Rousseau est devenu un adepte du mouvement dit «gnostique» dans les années 1980. Il est rapidement devenu instructeur au sein de l'Association gnostique internationale de recherche anthropologique (AGIRA), puis de l'Association géophilosophique d'études anthropologiques et culturelles (AGEAC), ouvrant une école à Chicoutimi.

En parallèle, il donnait des cours de chant dans son sous-sol, suivis par plusieurs de ses adeptes gnostiques. C'est là qu'il a commis la majeure partie des agressions qui lui sont reprochées, la première survenant dès 1989.

«Prendre conscience de son corps»

Selon le jugement tombé le 4 mai, Rousseau utilisait certains concepts gnostiques – qui comprennent un volet sexuel – lors de ses cours de chants. Il incitait ses élèves féminines à se déshabiller devant lui et à se toucher pendant leurs exercices de vocalises. Dans certains cas, il a mis la main sur les seins ou les organes génitaux de ses victimes, ou baissé leur pantalon sans leur demander la permission. Il a aussi demandé à certaines d'entre elles de le masturber ou de lui faire une fellation.

Rousseau justifiait ses gestes en disant qu'il fallait «prendre conscience de son corps» et «faire monter le feu» pour bien chanter.

Certaines plaignantes ont également vécu du chantage, se faisant dire qu'elles avanceraient moins rapidement au sein du mouvement gnostique si elles refusaient de répondre à ses attentes sexuelles.

La plupart des plaignantes ont quitté les cours de chant et l'école gnostique lorsque ces gestes sont allés trop loin. Certaines sont toutefois restées au sein du mouvement spirituel.

Dans son jugement, le juge Marleau affirme que cette affaire ne doit nullement être considérée comme le procès du gnosticisme.

«À tort ou à raison, des gens y adhèrent et adoptent les valeurs véhiculées de son enseignement, écrit-il. Libre à eux de croire qu'il existe une méthode pour éjaculer un seul spermatozoïde, lequel fécondera un enfant supérieur, comme en a témoigné l'accusé.»

Chassé de Chicoutimi

Selon les témoignages retenus par le juge Richard Marleau, André Rousseau a dû quitter Chicoutimi en vitesse au tournant des années 2000. Des rumeurs circulaient concernant ses agissements de nature sexuelle. Une victime adulte s'est notamment confiée à son conjoint, qui a menacé de tabasser l'agresseur.

Rousseau a été expulsé de l'AGEAC peu après.

«Ce sont des agissements immoraux et inacceptable, affirme Guy Durand, porte-parole de l'AGEAC. Quand on a appris ça, on n'a pas fait ni une ni deux, on l'a expulsé.»

Rousseau avait déjà été expulsé d'une autre association gnostique, l'AGIRA, en 1991. Les premiers gestes pour lesquels il a été condamnés le mois dernier remontent à l'époque où il était chapeauté par l'AGIRA.

Nouvelle école

L'accusé a ouvert une nouvelle école gnostique quelque temps après son arrivée à Longueuil, en 2001. Ses cours de chant ont également repris.

Les agressions ont recommencé dès lors. Un des plaignants dans le dossier est notamment un élève de 9 ans, fils d'une adepte gnostique, à qui il a demandé de lui toucher le pénis. Il a aussi touché les seins d'une adolescente en 2004. Cette dernière a porté plainte en 2010.

André Rousseau a été arrêté par la police en 2012, à la suite de la plainte de l'adolescente. L'affaire a fait beaucoup de bruit au sein de la communauté gnostique, si bien que cinq autres victimes ont porté plainte par la suite.

Les représentations sur la sentence à imposer à André Rousseau seront faites aujourd'hui devant le juge Marleau.

Avec la collaboration de Jos Morabito.

Que sont la Gnose et le gnosticisme?

Selon les preuves retenues par le juge Richard Marleau, ainsi que les sites web de l'AGIRA, de l'AGEAC et d'une troisième association gnostique, l'Association gnostique d'études anthropologiques (AGEA), la Gnose est un concept selon lequel le salut de l'homme passe à travers la connaissance, notamment une meilleure connaissance de soi. Les membres des écoles gnostiques gravissent les échelons en suivant des cours. La matière enseignée provient des écrits du fondateur du mouvement, Samaël Aun Weor. Les cours comprennent un volet sexuel, mais la matière enseignée n'est pas pratiquée en classe.

Les sites web de l'AGIRA, de l'AGEA et de l'AGEAC dénombrent 33 écoles gnostiques au Québec, dont plusieurs à Montréal, Longueuil, Saint-Hubert et Boucherville. Trois autres écoles opèrent à Saguenay.