Longueuil : de vieux rails usés seraient à l’origine du déraillement

Huit wagons ont déraillé le 14 novembre à la gare de triage Southwark, à Longueuil. L’usure des rails aurait été en cause. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)
Dans un rapport du Bureau de la sécurité des transports (BST) émis le 17 janvier, on semble attribuer le déraillement de train du 14 novembre à l’usure des rails à la gare de triage Southwark du Canadien National (CN).
Le BST indique avoir récupéré une section de rail endommagée située au début de la zone où il y a eu le déraillement. Celui-ci était fissuré «en raison d’un défaut interne du rail lié à la fatigue du métal», peut-on lire dans le rapport.
Une usure qui dépassait le niveau maximal prescrit par les Normes de la voie de l’Ingénierie du CN pour le maintien en service de rails de 100 livres.
De plus, le rail montrait également une importante déformation vers le côté extérieur.
«Les enquêteurs du BST ont relevé certaines lacunes de sécurité et identifié des mesures correctives pouvant réduire les risques pour la sécurité», conclut le rapport.
Dans un avis remis à Transports Canada le 19 décembre, il affirme entre autres que le ministère «pourrait vouloir envisager d’examiner les exigences en matière d’inspection et d’auscultation des voies ferrées, notamment celles situées dans les gares de triage, afin de s’assurer qu’elles demeurent aptes à assurer un service continu».
Des rails centenaires
Si le BST n’a pu déterminer avec certitude l’année de fabrication ou le procédé d’élaboration pour le rail récupéré, il indique dans ce même avis remis à Transports Canada que certains des rails endommagés dataient de 1925. Les plus récents ont été fabriqués en 1955.
L’organisme souligne par ailleurs qu’il n’est pas rare que les voies des gares de triage comprennent des rails d’époque, et ce, même dans le cas de rails de remplacement, qui «sont souvent d’anciens rails qui ont été retirés du service».
Vue des deux parties correspondantes du rail fissuré. (Photo : rapport d'enquête du BST)
Il ajoute que le tonnage sur les rails des gares de triage est rarement connu, et que malgré les inspections régulières, le matériel pour mesurer l’usure des rails est généralement utilisé sur les voies principales.
«Dans la plupart des gares de triage, l’usure des rails n’est pas systématiquement mesurée dans le cadre du programme d’inspection périodique», souligne-t-il.
La plus récente auscultation par ultrasons de la voie dans les environs du déraillement a d’ailleurs été réalisée en novembre 2023 et aucun défaut n’avait été décelé.
Le BST estime donc possible que des rails dont l’usure est proche ou dépasse les normes maximales établies demeurent en service dans les gares de triage.
Peroxyde d’hydrogène et propane
«De tels rails pourraient présenter des défauts internes non détectés qui augmentent la probabilité d’une défaillance soudaine en service, entraînant un déraillement et compromettant la sécurité du public et des infrastructures se trouvant à proximité», prévient-il, notant que plusieurs de ces gares sont situées près de centres urbains et qu’un nombre élevé de wagons, dont certains transportent du matériel dangereux, y transitent.
C’était le cas le 14 novembre, alors qu’un wagon contenant du peroxyde d'hydrogène a été perforé et que son contenu a été partiellement déversé.
Le déraillement à Longueuil a impliqué deux wagons contenant du matériel dangereux. (Photo : rapport d'enquête du BST)
Cela a mené à un confinement temporaire dans le secteur, incluant plusieurs écoles.
Un wagon-citerne contenant du propane a également déraillé, mais il n’y a eu aucune fuite.
Réaction du CN
Le CN a dit prendre acte de l’enquête du BST et affirme que dans les jours qui ont suivi l’incident, ses équipes «ont inspecté en détail les triages dans la région afin d’évaluer les rails et porter les correctifs nécessaires au besoin».
«Nous apprenons de ces situations afin d'adopter les meilleures pratiques en ce qui a trait à la sécurité de notre personnel, des marchandises que nous transportons et des collectivités que nous traversons», a-t-il ajouté.
Du côté de Transports Canada, on dit «examiner» l'avis de sécurité du BST. Le ministère fédéral entend informer le Bureau des mesures pouvant être prises en réponse à sa recommandation.
«Conformément à son programme de surveillance règlementaire basé sur les risques, Transports Canada prendra les mesures appropriées pour continuer de réduire les risques de déraillement et renforcer la sécurité ferroviaire dans les cours de triage», indique Hicham Ayoun, conseiller principal en communication pour le ministère.