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Longueuil devra déverser 162 millions de litres d’eaux usées dans le fleuve
le jeudi 01 novembre 2018
Modifié à 17 h 15 min le 01 novembre 2018

ENVIRONNEMENT. Le bris d’une conduite d’eau sous le fleuve force la Ville de Longueuil à effectuer des travaux sous-marins qui entraîneront le rejet de 162 millions de litres d’eaux usées dans le Saint-Laurent.
Les travaux sont entamés depuis le 29 octobre et s’échelonneront sur une période de six semaines. Ces opérations nécessiteront l’interruption de la station de pompage Lafrance, ce qui entraîne l’inévitable rejet des eaux usées.
Prévu dès le 15 novembre, le rejet des eaux sera toutefois concentré sur environ huit jours, lors desquels des équipes de plongeurs se relaieront 24 heures sur 24 «afin de limiter le plus possible les impacts», a indiqué le porte-parole de la Ville Louis-Pascal Cyr. Deux équipes pourraient aussi être appelées à travailler simultanément.
Les travaux seront réalisés entre la rive sud de l’île Charron et Boucherville, à proximité du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. La période de huit jours demeure une estimation pour ces travaux qui s’annoncent complexes. Environ 20 300 m3 d’eaux usées seront jetés chaque jour dans le fleuve durant cette période.
Colmatage temporaire
C’est le 12 juin que Longueuil a constaté une anomalie à une conduite de la station de pompage Lafrance. Deux sections d’environ 6 mètres ont été endommagées, à environ 10 mètres de la berge de l’île Charron. Un colmatage temporaire a rapidement été effectué. Les prochains travaux consistent au remplacement des deux sections.
La cause du bris demeure pour l’instant inconnue. Il est par contre peu probable que l’âge de la conduite soit en cause, alors que celle-ci a été construite au début des années 1990.
Une part de 7% des eaux usées de l’agglomération de Longueuil passent par la conduite endommagée pour être acheminée vers le Centre d’épuration Rive-Sud.
Les trois conduites menant au Centre d’épuration Rive-Sud, sur l’île Charron, sont installées au fond du fleuve et entourées d’un remblai de pierre.
Impacts environnementaux plus faibles
Si la nouvelle peut sembler inquiétante aux yeux de certains citoyens, Louis-Pascal Cyr se fait rassurant. «Il faut comprendre que le système d’épuration des eaux est complexe. On en vient un peu à oublier qu’il existe. Mais il a besoin d’être entretenu et réparé. Et la façon dont il est fait ne permet pas de l’arrêter complètement sans en rejeter un peu d’eaux usées.»
«Tous les scénarios envisagés afin de réparer la conduite auraient nécessité un certain rejet d’eaux usées», a noté Louis-Pascal Cyr. Et il aurait été impossible de faire bifurquer le débit d’eau vers le reste du réseau pour la durée des travaux.
Le scénario choisi est le moins dommageable pour l’environnement et la population, assure la Ville de Longueuil.
La décision d’exécuter ces opérations en novembre permet de réduire les impacts sur l’environnement, alors que le niveau et le débit de l’eau sont hauts. De plus, il ne s’agit pas d’une période de reproduction des poissons.
Longueuil voulait aussi éviter de faire ces travaux durant la période estivale, alors que les plaisanciers sont nombreux, particulièrement dans cette section du fleuve.
Elle a récemment obtenu les autorisations du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, de Pêches et Océans Canada et d’Environnement et Changements climatiques Canada.
Parmi les exigences des instances gouvernementales se trouve celle de réaliser des tests de la qualité de l’eau. Ils seront effectués avant, pendant et après les travaux, à 20 points d’échantillonnage différents.
De plus, une inspection des berges sera effectuée avant, pendant et après les travaux. Les berges seront aussi nettoyées, si nécessaire.
Une barrière flottante sera aussi installée au point de rejet, afin d’éviter que des déchets se répandent dans le fleuve. Les membres du service de génie qui ont tenu la rencontre avec les médias ont rappelé que la station de pompage capte déjà un certain nombre de déchets solides. Une majorité des déchets sera retenue dans le puits de pompage.
Un rideau de turbidité retiendra aussi sur le site les matières en suspension.
Ce rejet n’aura aucun impact sur la qualité de l’eau potable, puisque la prise d’eau est située en amont. Les villes en aval ont été avisées des travaux à venir.
Cet épisode rappelle le «flushgate», ce déversement d’eaux usées par la Ville de Montréal en 2015. Le déversement prévu par Longueuil n’a toutefois aucune commune mesure, représentant 3% des eaux usées qui ont été rejetées à l’époque par la métropole.
Réduire la consommation
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Le bassin touché par la station de pompage Lafrance[/caption]
L’interruption de la station de pompage Lafrance n’entrainera aucune coupure d’eau pour la population. «Il n’y aura aucun impact sur l’eau potable, ni sur la qualité des services», assure Louis-Pascal Cyr.
Les foyers à l’intérieur du bassin que dessert cette station sont toutefois appelés à réduire leur consommation d’eau durant la période de rejet, donc à partir du 15 novembre, afin de contribuer à une baisse du volume d’eaux rejetées.
Ce bassin est situé dans la portion plus au Nord de Longueuil, à proximité de l’autoroute 20. Une petite partie de Boucherville est aussi touchée.
La Ville met en garde les citoyens de ne pas entrer en contact avec l’eau du fleuve dans le secteur des travaux. Une lettre sera envoyée à cet effet aux riverains. En cas de contact avec cette eau, il est recommandé de se laver avec du savon et, si des symptômes apparaissent, de contacter Info-Santé.
«Nos équipes ont mis à profit toute leur expertise afin de procéder rapidement à la planification et à la réalisation de ces travaux essentiels, a affirmé la mairesse Sylvie Parent. Nous avons collaboré avec les villes voisines afin que tout soit réalisé dans les règles de l’art.»
«Inacceptable»
Le chef de l’opposition Xavier Léger a rapidement réagi par voie de communiqué à l’annonce de ces travaux.
«Tout rejet d’eaux usées dans le fleuve est inacceptable et indéfendable, tant sur le plan de l’environnement que de l’opinion publique, insiste-t-il. Si, dans l’état actuel de nos infrastructures, le déversement d’eaux usées non traitées est inévitable, alors il faut se mettre rapidement en mode solution parce qu’il va falloir que ça change. Et pas juste à Longueuil parce que le ministère de l’Environnement semble en autoriser de façon assez régulière.»
M. Léger demande également le dépôt d’un état complet du réseau artériel des eaux pluviales, sanitaires et potables de Longueuil.
Dans la soirée suivant l’annonce des travaux, une affiche sur laquelle il est inscrit «Eau Secours» a été installée aux portes de l’hôtel de ville. Un citoyen a écrit au journal de façon anonyme que «la Ville doit trouve une solution pour éviter le déversement des eaux usées dans le fleuve. Au pire cas, elle doit investir massivement dans des programmes écologiques, notamment pour décontaminer les eaux du fleuve et protéger la faune et la flore.»

