Culture

Longueuilwood : brève histoire d’un studio de cinéma

le mardi 19 mars 2024
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Extérieur du studio de cinéma de la Canadian Cinematograph Limited (aujourd’hui la place d’Hérelle à Longueuil), « Canadian movies in the making », The Standard, 6 juin 1914, p. 2.

Dans le rétroviseur  
Une collaboration spéciale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) 

Par Marie-France Leclerc, bibliothécaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Les débuts historiques de la place d’Hérelle à Longueuil, située sur le chemin de Chambly en face du cimetière Saint-Antoine-de-Padoue, ont de quoi frapper l’imaginaire. À l’origine, entre 1899 et 1901, l’édifice accueille une importante chocolaterie, The Herelle’s Chocolate Works. Bien que l’aventure cacaotée soit de courte durée, le bâtiment en brique abrite bientôt une autre industrie faisant rêver : celle du cinéma. En effet, la Canadian Cinematograph Limited y aménage son studio pour « vues animées » en 1914. La compagnie joue un rôle modeste dans l’histoire du film au Québec, mais non moins révélateur de l’arrivée du septième art.

La Canadian Cinematograph Limited est incorporée le 22 novembre 1913 à l’initiative de quelques professionnels… du droit ! En réalité, la compagnie est administrée par les entrepreneurs Maurice Marcelot et John William Peachy. La société par actions affiche de grandes ambitions récréatives pour divertir petits et grands. D’une part, elle souhaite exploiter « des théâtres, salles d’opéra, salles de musique et de concert, salles de vues animées et autres spectacles ». D’autre part, elle entend procéder à « l’engagement de compagnies d’acteurs et d’artistes pour la production, la représentation et l’exécution de pièces de théâtre, concerts, vaudevilles, vues animées et autres vues et spectacles […] ».

Afin de réaliser ses objectifs, la Canadian Cinematograph Limited se dote des installations et des technologies les plus modernes. C’est ce qu’on apprend dans un article élogieux publié dans le journal The Standard le 6 juin 1914. On y découvre l’édifice, correspondant aujourd’hui à la place d’Hérelle, coiffé d’une enseigne au nom de la jeune compagnie. Plus encore, les photographies révèlent une verrière spacieuse, surplombant des décors reconstitués d’époque. On y compte aussi un laboratoire pour développer les films ainsi qu’une salle de travail afin de couper les pellicules pour le montage. Le journal déclare même que le studio de Longueuil représente le tout premier effort destiné à la production de films au Canada.

Il est vrai que le cinéma d’ici en est à ses balbutiements. Le père du Ouimetoscope, Léo-Ernest Ouimet, tourne de premières images en 1906 et un premier film de fiction, The Battle of the Long Sault (Dollard des Ormeaux), paraît en 1913. Parallèlement, la même année, le cinéma Impérial ouvre ses portes sur la rue De Bleury à Montréal : c’est d’ailleurs dans ce cinéma de type super palace que la Canadian Cinematograph Limited établit son siège social.

Cependant, le sort de l’entreprise est précaire. Dès juillet 1914, celle-ci est absorbée par la Dominion General Film Corporation, composée de partenaires d’affaires américains et québécois, avant d’être presque immédiatement rachetée par la Canadian Art Photoplays. Ainsi, sa trace dans les documents du passé s’étiole et, finalement, aucun film ne semble avoir été produit dans le studio longueuillois. Du reste, il faut attendre la décennie 1920 avant que le cinéma ne prenne véritablement son envol au Québec.

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Intérieur du studio et de la verrière, montrant les décors entreposés, « Canadian movies in the making », The Standard, 6 juin 1914, p. 2.