Ma deuxième maison à moi : un havre d’émancipation en autisme et déficience intellectuelle

Le groupe d’adultes pose devant la future installation de la rue Bétournay. (Photo : gracieuseté)
L’organisme de Saint-Lambert Ma deuxième maison à moi accueille depuis 68 ans des enfants et adultes avec un trouble du spectre de l’autisme ou présentant une déficience intellectuelle. Les années de pandémie n’auront d’ailleurs pas ralenti ses activités, bien au contraire. «On arrive à un niveau inégalé dans notre mission», souligne la directrice générale de l’organisation, Estelle Vallières.
Si les portes de Ma deuxième maison à moi ont dû fermer pendant une courte période en mars 2020, elles se sont rapidement ouvertes à nouveau, de façon permanente.
Mais plus encore, pour tous les problèmes que la pandémie a pu engendrer, elle a été une sorte de moteur pour l’organisme, qui a pu se rapprocher de ses familles et de ses intervenants.
«Ça nous a donné un bel élan parce que ça nous a permis d’être en symbiose avec nos familles. Comme il n’y avait plus de transport adapté, on avait l’occasion de voir les parents matin et soir, donc on a créé des liens beaucoup plus forts et on a pu aller chercher leurs vrais besoins», affirme l’énergique Estelle Vallières en entrevue au Courrier du Sud.
Tous les services au même endroit
Les projets sont nombreux pour Ma deuxième maison à moi dans les prochaines années. D’abord, il regroupera bientôt toutes ses activités sous le même toit, alors que les volets enfant et adulte sont présentement offerts dans deux installations différentes.
Alors que le projet de 3,5 M$ pour l’agrandissement de l’installation sur la rue Bétournay se concrétise, l’organisme a également acquis des terrains adjacents, si bien que ses terrains s’étendront jusqu’au chemin de fer du CN.
L'organisme a reçu un don de 10 000$ du Club Richelieu de Saint-Lambert afin d'aménager une salle sensorielle dans l'agrandissement de ses installations. (Photo : gracieuseté)
Des projets d’agriculture urbaine et même de forêt nourricière sont notamment dans les plans pour occuper tout cet espace.
La directrice générale, qui a auparavant été stagiaire, intervenante et coordonnatrice du volet adulte à l’organisme, évoque en outre que les usagers ont déjà commencé depuis deux ans des plantations dans un immense jardin.
«Ça fait partie de leur vie et ils en sont tellement fiers!» soutient-elle.
Émancipation
Mme Vallières assure par ailleurs que l’établissement valorise l’émancipation des usagers.
«On croit qu’ils ont leur place à part entière et on veut maximiser leur potentiel, alors on est vraiment à l’affût de comment ils vont, ce dont ils ont envie, leurs besoins. Ils nous poussent à aller plus loin, parce qu’ils en ont des idées. Plus que nous parfois!» suggère-t-elle.
«La mission, c’est de répondre aux besoins des familles, mais au-delà de laisser son enfant et repartir. On se plaît à dire qu’on n’est pas un parking»
– Estelle Vallières
Un modèle qui, visiblement, semble bien fonctionner.
«Aujourd’hui, on reçoit beaucoup de visites de l’extérieur, des CISSS, d’autres travailleurs sociaux, des organismes, pour voir comment on fait. Pour reproduire le modèle», souligne Estelle Vallières.
Le vélo stationnaire
Lorsqu’elle a reçu un vélo stationnaire de la part de la Fondation bon départ, l’équipe était loin de se douter que cela mènerait à un projet de recherche de l’Université du Québec en Outaouais.
Lorsqu’un usager a commencé à faire du vélo à tous les jours, Estelle Vallières, alors intervenante, lui a demandé où il allait. Sa réponse : «je vais en Gaspésie».
«Je me suis dit : quelle bonne idée! Donc, on a mis des images de Saint-Lambert à la Gaspésie, combien de kilomètres ça prenait, d’heures de vélo. D’autres usagers sont embarqués, alors on a fait un tableau où l’on faisait avancer leur vélo chaque fois qu’ils avançaient et on remettait des certificats à certains points. L’effet de groupe a été exceptionnel, on voyait leur fierté dans leurs yeux», relate Mme Vallières.
Après trois ans, l’université s’est jointe au projet et a terminé au printemps une étude qui démontre l’apport du vélo stationnaire comme moyen de gestion des émotions et de diminution de l’anxiété chez les usagers avec une déficience intellectuelle.
Moins une bibitte qu’avant
La réalité des personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme ou d’une déficience intellectuelle est mieux comprise dans la société, estime Estelle Vallières.
«On est moins une bibitte. Ça fait maintenant partie de notre quotidien : on en voit dans les téléromans, dans les journaux. Charles Lafortune, Mathieu Gratton, Véro et Louis, ils ont beaucoup aidé à avancer les choses en parlant ouvertement de ce qu’ils vivaient. Les gens sont moins offusqués de les côtoyer, même s’il reste encore tellement de travail d’accessibilité à faire», explique-t-elle.
De plus, des initiatives comme les policiers RÉSO du Service de police de l’agglomération de Longueuil aident énormément.
«Nous, on les forme, on est rendu à notre quatrième cohorte de policiers. Sur le terrain, on le voit qu’il y a tellement une meilleure compréhension qu’il y a cinq ou dix ans. Il est arrivé tellement d’horreurs, mais il y a eu beaucoup d’avancées», conclut-elle.