Meurtre de Yannick Boucher: « J'aurais aimé qu'il me fasse des câlins », dit sa fille

JUSTICE. La famille de Yannick Boucher, décédé d'une balle au thorax en 2007, souhaite une peine sévère pour l'homme qui avait le doigt sur la gâchette. La Couronne réclame au moins 10 ans de prison pour Stéphane Demers.
Les émotions étaient fortes ce matin, au palais de justice de Longueuil, lors des représentations sur la peine de Demers. Celui-ci s'est reconnu coupable d'homicide involontaire en juin dernier. Il avait tiré sur Yannick Boucher, son cousin, lors d'une altercation survenue après qu'il l'ait invité dans un appartement du secteur Le Moyne pour des raisons nébuleuses.
La mère et la conjointe du défunt étaient présentes dans la salle. Elles ont versé plusieurs larmes pendant que la procureure de la Couronne, Me Sylvie Villeneuve, lisait une lettre écrite par l'enfant de la victime.
«J'aurais aimé qu'il puisse me faire des câlins, qu'il me donne des bisous, qu'il me parle. Tout ce qu'on peut faire avec un papa. Je suis fâchée de voir qu'il n'a toujours pas fait de prison», écrit l'enfant, qu'on ne peut nommer à cause d'un interdit de publication.
Demers est en liberté depuis 2012, soit la majeure partie des procédures judiciaires intentées contre lui. Le Code criminel prévoit toutefois une peine minimale de 4 ans de prison.
La famille dévastée
Selon la mère de Yannick Boucher, Lucie Mitchell, la famille a eu beaucoup de difficulté à se remettre de cette mort, surtout étant donné le lien familial entre Demers et sa victime.
D'autant plus que Mme Mitchell et son conjoint avaient hébergé et élevé Stéphane Demers pendant une partie de son enfance.
«Si la personne ayant commis le crime n'avait pas été un membre de la famille, il aurait sûrement été plus facile de passer à travers cette épreuve car nous aurions pu partager avec toute notre famille», a-t-elle témoigné devant la juge Di Salvo.
Selon Mme Mitchell, la famille élargie ne tient plus d'activités communes. Son mari et elle sortent rarement de la maison et tous deux souffrent de problèmes d'anxiété et de dépression.
Mme Mitchell a également reçu deux diagnostics de cancer depuis 2007. Elle attribue la maladie au stress qu'elle vit depuis la mort de son fils.
Demers repenti
L'accusé a également témoigné aujourd'hui. Il a essuyé de nombreuses larmes, s'excusant plusieurs fois pour son geste.
«Je sais qu'il est mort à cause de moi, a-t-il reconnu. Je suis désolé pour ça. Depuis 2007, il n'y a pas un jour où je n'ai pas pensé à Yannick.»
Son avocat, Me Martin Latour, a souligné l'importante réhabilitation de son client depuis les événements. En 2007, Demers était cocaïnomane et vendeur de drogues. Il avait sombré dans une paranoïa qui lui faisait croire que quelqu'un épiait ses gestes. Depuis, il serait complètement sobre et gagnerait sa vie honnêtement comme camionneur. Il s'est trouvé une conjointe stable, avec qui il a eu un enfant.
Entre 5 et 12 ans de prison
La Couronne demande 10 à 12 ans de prison pour Stéphane Demers. Me Sylvie Villeneuve argue que Demers a invité Yannick Boucher à le rencontrer afin de l'interroger sur la surveillance dont il imaginait être la cible. Elle qualifie la rencontre de «guet-apens».
«Il se sert d'une arme à feu pour le faire parler. On est loin d'un accident», a-t-elle lancé.
Elle a également souligné que Demers est parti en cavale pendant six jours avant de se rendre à la police avec l'arme du crime. Il leur a toutefois dit que son cousin voulait se suicider et que le coup de feu a été tiré alors qu'il tentait de l'en empêcher.
Cette version s'est avérée fausse, mais elle a retardé l'enquête de plusieurs années; ce n'est qu'en 2011 qu'elle a été relancée. Demers a été arrêté le 30 janvier 2012, plus de quatre ans après les faits.
Du côté de la défense, Me Martin Latour a plaidé que le crime s'apparente à un «quasi-accident», parce que son client n'avait pas l'intention de tirer sur M. Boucher. La balle aurait été tirée accidentellement alors que la victime tentait de lui arracher l'arme.
Il nie également l'idée d'un «guet-apens», affirmant plutôt que Demers cherchait à parler à quelqu'un en qui il avait confiance.
La défense suggère une peine de cinq à six ans d'incarcération. Demers serait donc éligible à une libération conditionnelle après moins d'un an.
La juge Hélène Di Salvo remettra sa décision sur la peine le 3 février.