Justice
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Meurtre: Derek Beauvais sera libre dans 28 mois

le mercredi 16 décembre 2015
Modifié à 0 h 00 min le 16 décembre 2015

Huit ans de prison. Voilà la sentence imposée à Derek Beauvais, un autochtone de Kahnawake, pour avoir fait sauter la tête de son ami avec un fusil en 2012. À cause du temps passé en détention préventive, il sera libéré dans 28 mois tout au plus.

«Il n'y a pas de justice!»

«Il méritait plus que ça!»

Les proches de Conrad Delisle n'en revenaient pas de la sentence imposée à Beauvais, le 16 décembre. Ils avaient pourtant témoigné de leur peine et de leur désir de voir l'accusé rester derrière les barreaux.

«J'ai prié pour que je puisse rester en vie jusqu'à ce jour. Il a commis un crime, il mérite d'être puni», a dit sa mère, Doloris Montour, lors des représentations sur la peine.

Mme Montour est octogénaire et se promène à l'aide d'une marchette. Elle s'est toutefois montrée très forte lors de son témoignage.

Le frère de M. Delisle, Chad Montour, s'est adressé directement à l'accusé. Il lui a rappelé que M. Delisle a toujours tenté de l'aider, même si lui-même ne lui faisait pas confiance.

«Le jour où je t'ai rencontré, je ne t'aimais déjà pas. Je savais que tu étais une mauvaise graine. Quand j'ai appris ce que tu as fait, je voulais revenir à Kahnawake et te casser la gueule.»

Favoriser la réhabilitation

La Couronne demandait une peine de 15 ans de prison, alors que les proches de la victime auraient préféré la prison à vie. Mais le juge James Brunton ne l'a pas vu ainsi.

«Le Tribunal doit se concentrer sur l'accusé et tenter de faciliter sa réhabilitation, écrit le juge. Cette réhabilitation sera réussie si l'accusé peut mettre fin à son alcoolisme; s'il peut améliorer son éducation; s'il peut obtenir une certification de mécanicien; s'il peut être accepté en tant que membre actif de sa communauté.»

Dans une manœuvre inusitée, le juge s'est aussi permis d'imaginer ce que dirait M. Delisle s'il était présent aux audiences.

«En entendant les efforts déployés par la victime, Conrad Delisle, pour aider l'accusé alors que peu de gens ne voulaient l'aider, le Tribunal s'est demandé ce que M. Delisle aurait dit s'il avait eu l'occasion de s'exprimer lors des audiences. Le Tribunal croit qu'il aurait dit quelque chose comme suit: "Maman, Chad, Hunter, j'aimerais vous aider à passer à travers ces temps difficiles parce qu'il est important de pouvoir tourner la page et passer à autre chose. Il est aussi important de continuer à aider Derek, qui a besoin d'aide plus que jamais. J'ai tenté du mieux que je le pouvais, et j'aimerais que vous essayiez de le faire aussi. Sans aide, nous le perdrons. Il va revenir à Kahnawake un jour et il aura besoin de l'aide de tout le monde dans la communauté, y compris de la vôtre. Rendez honneur à ma mémoire en l'aidant"», écrit le juge dans sa décision.

M. Beauvais purgera sa peine au Centre de guérison Waseskun, un centre qui offre des services de réhabilitation et de réintégration aux détenus autochtones.

Violence non documentée

Rappelons que Derek Beauvais a tué Conrad Delisle le 19 mars 2012, sans aucune provocation, après une soirée arrosée au garage de M. Delisle. Après avoir endommagé la voiture du frère de la victime, Beauvais a promis de lui remettre la sienne en guise de paiement.

Il est plutôt revenu avec un fusil, tirant à bout portant à la tête de son ami.

Après le crime, il a tenté d'entrer dans la maison de son ex-copine, avec qui il a un enfant. Incapable d'entrer, il est allé chez les parents de son ex. Pendant qu'il se battait avec son ancien beau-père, qui a fini par le maîtriser en attendant l'arrivée des policiers mohawks, il a fait des menaces de mort envers son ex-copine, les parents de celle-ci et l'enfant qu'ils ont en commun.

M. Beauvais ne fait toutefois face à aucune accusation pour ces gestes. Par ailleurs, même si la mère de son ex, Joanne Horne, a décrit en long et en large son comportement violent, son seul antécédent criminel violent remonte à 2003.

À cette époque, il a attaqué son patron avec une pelle et l'a mis dans la valise de sa voiture pendant qu'il allait s'acheter de la bière.

«Vous croyez que c'est la seule fois qu'il a été violent?, s'exclame Mme Horne. Quand il fréquentait ma fille, il la battait, il l'étouffait, et tout ça a mené à ce qui s'est passé.»

Le juge Brunton a toutefois souligné qu'il ne pouvait tenir compte de cela pour la peine, puisque ces gestes n'ont jamais été judiciarisés.

Avec la collaboration de Jos Morabito.

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