Chroniques
Opinion

Miser sur les serres pour être maîtres chez nous

le mercredi 15 avril 2020
Modifié à 11 h 19 min le 13 avril 2020
Par René Vézina

redactiongm@gravitemedia.com

En 1978 ou 1979, alors ministre de l’Agriculture sous le premier gouvernement Lévesque, Jean Garon avait proposé aux Québécois de remplacer le jus d’orange par du jus de pomme. Motif: encourager l’autosuffisance alimentaire. L’appel avait été reçu de façon sympathique, mais, jusqu’à présent, les pommes n’ont toujours pas remplacé les oranges. Il aura fallu cette crise d’une ampleur historique pour qu’on voit ressurgir à l’avant-plan cette même notion: compter d’abord et avant tout sur nos propres moyens, par exemple, pour les médicaments, les équipements médicaux en tous genres, mais aussi pour l’alimentation. À cet égard, la région du Sud-Ouest de la Montérégie est remarquablement bien placée. Ses terres sont parmi les plus fertiles au Québec et le climat est plus favorable. Le printemps arrive plus tôt et l’automne plus tard. La production maraîchère en profite. Mais elle n’échappe quand même pas à l’hiver… sauf qu’il y prospère aussi une vigoureuse serriculture. Autrement dit, une façon de faire un pied de nez au temps froid en cultivant pratiquement tout au long de l’année, à l’abri. Peu de gens le savent, mais le Suroît compte le plus important complexe de serres au Québec: à Sainte-Clotilde-de-Châteauguay, les Serres Lefort, maintenant la propriété de Hysdroserre Mirabel, couvrent pas moins de 20 hectares. Pour reprendre une mesure consacrée, c’est l’équivalent de 30 terrains de football! On y cultive des concombres, des poivrons et toutes sortes de plants à être transplantés, qui s’ajoutent à l’imposant volume de laitues produites à Mirabel. Et ce n’est qu’un aperçu du potentiel de la serriculture québécoise. C’est indiscutablement là un secteur appelé à une belle croissance mais encore faudra-t-il bien jouer nos cartes, à commencer par notre électricité, propre, abondante et peu chère. Il a fallu l’année 2013 pour que le Québec accorde un tarif préférentiel aux producteurs en serre, environ 5,5 cents le kWh. C’est plus que les alumineries, en passant. Vous et moi payons 7,5 cents. Mais le rabais ne s’applique que pour l’électricité dévolue à la photosynthèse, soit à la lumière dont les plants ont besoin pour croître. Le chauffage, par exemple, ne peut bénéficier des mêmes conditions et les producteurs doivent alors se rabattre sur les hydrocarbures, huile, gaz naturel ou gaz propane. Ce n’est pas un atout lorsque surviennent des problèmes d’approvisionnement en gaz propane en raison de chemins de fer bloqués… Si le Québec est sérieux dans ses ambitions d’autosuffisance alimentaire, il va devoir ajuster les tarifs d’électricité pour les producteurs. Les bananes ou oranges vont toujours venir du Sud, mais pourquoi ne pas élargir notre palette de légumes cultivés ici?