Culture

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran: la philosophie du sourire et des bras ouverts

le jeudi 10 novembre 2016
Modifié à 0 h 00 min le 10 novembre 2016
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran trouve davantage d'échos en 2016 qu'à sa création en 1999, croit son auteur Éric-Emmanuel Schmitt. Le contexte actuel y est pour quelque chose, mais la réception de l'œuvre s'est aussi transformée.

«Sourire, c'est un truc de gens heureux», lance Momo. «Tu te trompes, lui répond M. Ibrahim. C'est sourire qui rend heureux.»

«Dans notre époque morose et inquiète, cette philosophie du sourire, des bras ouverts, de l'émerveillement, elle rejoint maintenant encore plus de gens», remarque Éric-Emmanuel Schmitt, qui interprétera les personnages de sa pièce sur les planches du Théâtre de la Ville les 2 et 3 décembre, dans le cadre d'une tournée québécoise.

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran raconte cette amitié improbable entre Momo, jeune juif élevé par un père dépressif, et M. Ibrahim, l'épicier du quartier, musulman.

L'auteur de la pièce à succès n'aurait pas été tenté par le jeu pour n'importe quelle pièce. Il y a trois ans, il a remplacé l'acteur Francis Lalanne et depuis, il incarne avec bonheur les personnages nés de sa plume. «Je l'ai fait parce que c'était cette pièce-là. Parce qu'elle résonne encore. Le contexte a changé et rend le texte encore plus nécessaire.»

Ce contexte d'aujourd'hui, ce sont les «barbares» qui veulent «nous faire croire qu'on ne peut vivre ensemble en étant différent». Un contexte de crainte et de méfiance envers l'autre fort plus tendu que l'indifférence à l'égard de l'islam que l'on retrouvait plutôt dans la France en 1999.

«C'est important d'écouter les paroles d'un vrai sage comme M. Ibrahim, qui puise cette sagesse dans la lecture du Coran. C'est une façon de militer pour la bienveillance.»

Les raisons du combat

Le lendemain des attentats de Paris, Éric-Emmanuel Schmitt a ainsi «milité» pour la tolérance en jouant cette ode à l'ouverture vers l'autre, à Jonzac, en France. Le maire a dit à l'auteur que cette pièce montrait le monde tel qu'il devrait être et non comme veulent l'imposer les intégristes.

Une utopie, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran?

«Le combat pour la tolérance ne sera jamais gagné. Et sa valeur réside dans les raisons mêmes du combat, et non dans la victoire, nuance l'écrivain. Il y a des combats qui dureront tant que durera l'humanité, qui se bat contre sa bêtise, ses pulsions, ses violences.»

Prêcher à des convertis?

Bien que cette histoire du jeune juif Momo et du sage soufi M. Ibrahim se veuille un exemple d'ouverture vers l'autre, Éric-Emmanuel Schmitt est d'avis qu'aucun livre ne peut changer le monde. Un livre peut néanmoins changer un individu. «Son action est discrète, qualitative», prend-il le temps d'exprimer.

Dans ce cas précis, avec une telle prémisse, la pièce ne «risque»-t-elle pas de prêcher à des convertis de la tolérance?

«Mais c'est l'intérêt des fictions comparativement aux essais, constate l'auteur. Si j'avais écrit un essai sur la tolérance, j'aurais été lu par 500 personnes dans le milieu universitaire. Sur scène, et dans les films, les histoires ont un pouvoir plus grand. On ressent de l'empathie pour M. Ibrahim, ce grand-père que l'on aurait aimé avoir ou que l'on a eu.»

Cette tournée québécoise pour Éric-Emmanuel Schmitt sera également l'occasion de visiter les régions de la province. Il a d'ailleurs l'intention de tenir un journal de son séjour.

«Quand je joue, figurez-vous, je suis incapable d'écrire. Mon énergie est absorbée par le jeu. Mais en même temps, j'ai dû mal à ne pas écrire.»