Opinion
Tribune libre

Opinion – Plaidoyer pour de meilleures infrastructures cyclables et plus de sécurité

le mardi 11 mai 2021
Modifié à 16 h 43 min le 10 mai 2021

Depuis plusieurs années, je fais du vélo quatre saisons et je milite activement pour de meilleures infrastructures cyclables à Longueuil. Je suis prudente, je respecte le Code de la sécurité routière, mais j’ai souvent très peur de mourir parce que des automobilistes sont distraits. Certains sont même négligents, il ne font pas leurs arrêts, tournent à droite alors que c’est interdit, oublient leurs angles morts ou utilisent leur cellulaire au volant. D’autres sont même carrément violents! Je me suis déjà fait frôler et klaxonner sur une distance de 800 mètres, on m’a déjà lancé une bouteille d’eau alors que je roulais à ma place, à droite de la chaussée, et on m’a déjà collé dans la roue arrière pendant que je descendais une côte à près de 50 km/h. Je ne dis pas que les cyclistes sont parfaits – j’en vois régulièrement enfreindre le Code de la sécurité routière – mais le problème avec les véhicules c’est que leur impact peut être beaucoup plus mortel pour les autres utilisateurs de la route. Il y a quelques jours, je pédalais en direction du vélo blanc que nous avons installé sur le boul. Jacques-Cartier en mémoire de René Tremblay, cycliste tué l'été dernier. Je voulais vérifier son entretien après un premier hiver. Sur mon chemin, je me suis fait frapper par une automobiliste qui a tenu sa priorité pour acquise. Elle tournait à droite à une intersection, avançant sans regarder ni se soucier des plus vulnérables. J’avais pourtant activé le feu piéton et je traversais à l’endroit désigné, à l’intersection de la piste cyclable et du boulevard. À la grande satisfaction des ambulanciers et du médecin qui m’a examinée, je portais mon casque, mais avouons que contre un VUS, c’est loin d’être un bouclier suffisant pour protéger tous les os et organes de mon corps... Au moment où l'automobiliste fonçait sur moi, mon conjoint a crié, voyant la collision survenir. J’ai vu la masse arriver dans mon champ de vision, elle a freiné, moi aussi. J’ai été plaquée sur le côté du véhicule mais heureusement, je ne suis pas tombée dessous. Comme j’avais un seul pied clippé, venant de faire un arrêt, j’ai pu me tenir en équilibre avec ma hanche et mon bras tout en sautillant pour éviter de me faire écraser le pied gauche. J’ai eu des sueurs froides, et surtout de la chance que tout se soit passé à basse vitesse. Quelques secondes après l’impact, encore sur l’adrénaline, j’appelais le 911, pendant que j’entendais la propriétaire du véhicule argumenter avec mon chum que c’est elle qui avait la priorité pour effectuer son virage. Les policiers sont arrivés en moins de deux minutes et ont fait un super travail. Ils se sont assuré que j’allais bien, m’indiquant aussi que l’ambulance était en route. Ils ont ensuite vérifié la signalisation et ont rappelé fermement à la conductrice qu’une lumière verte n’est pas un feu vert pour foncer sur des cyclistes et que les piétons et cyclistes ont priorité pour traverser même si la flèche vire au vert pour tourner à droite. Ironie du sort, j’avais fait une requête au 311 pour cette même intersection, pas plus tard que la veille de la collision. J’indiquais justement que la durée de la lumière pour les piétons qui traversent le chemin du Tremblay au coin du boul. Jacques-Cartier (du côté du skatepark) me semblait beaucoup trop courte, car même à 35 ans, j’ai du mal à traverser à pied pendant le temps dédié. Conduire un véhicule vient avec de grandes responsabilités. Une distraction, une négligence et on peut vite faucher des vies. Devenir cycliste a grandement amélioré ma propre conduite, je le recommande à tous pour mieux comprendre la réalité des plus vulnérables sur la route et favoriser la courtoisie. Mais au-delà de la responsabilité individuelle, notre Ville a elle aussi une grande responsabilité, soit celle de construire des infrastructures qui pardonnent et qui protègent les plus vulnérables. Voici ce que je veux voir à Longueuil :

  • Plus de pistes cyclables unidirectionnelles et protégées, situées de part et d’autre de la rue, tel que recommandé par le ministère des Transports pour les milieux urbains. Avec les pistes bidirectionnelles qu’on a à de trop nombreux endroits à Longueuil, les automobilistes peuvent difficilement anticiper la présence de cyclistes qui circulent dans le sens contraire et souvent, les véhicules doivent s’avancer sur la voie cyclable pour avoir une visibilité suffisante et rejoindre la rue.
  • Des pistes cyclables implantées entre les voies automobiles et le trottoir, et pas l’inverse, pour respecter l’ordre de vitesse à laquelle ces usagers circulent. À Longueuil, plusieurs pistes cyclables sont séparées de la rue par des trottoirs, mais les piétons se réfugient naturellement sur les voies cyclables pour s’éloigner de la circulation automobile, ce qui crée un enjeu de sécurité pour ces derniers.
  • Une augmentation du nombre de kilomètres de pistes cyclables, tel que promis dans le plan directeur des déplacements cyclables, pour assurer la continuité du réseau. Pour que les déplacements soient sécuritaires et confortables, le réseau doit être clair et sans interruption.
  • Plus de marquage au sol, pour rappeler la présence des cyclistes et leur légitimité sur la route.
  • Une réduction de la vitesse à 30 km/h dans les rues résidentielles et locales, pour qu’on se sente en sécurité à pied ou à vélo dans notre quartier.
  • Une durée plus longue des feux pour piétons ou encore un système qui immobilise complètement les automobilistes pour assurer une traversée sécuritaire des piétons et cyclistes et ainsi favoriser le partage de la route sans ambiguïté.
  • Des campagnes de sensibilisation et de courtoisie, organisées avec le Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL) pour apprendre aux automobilistes, cyclistes et piétons à mieux cohabiter.
  • Un meilleur éclairage du réseau cyclable, pour ne plus avoir peur de circuler le soir et m’assurer d’être vue par les automobilistes.
  • Le développement d’un réseau blanc, à la hauteur de ce qui est indiqué dans le plan directeur, soit que 50% du réseau hivernal soit déneigé.
  • Plus de stations BIXI, pour rendre la mobilité active encore plus accessible sur le territoire de la ville.
  • Que Longueuil soit ambitieuse et se dote elle aussi d’un “REV”, un réseau express vélo sur le chemin de Chambly, pour revitaliser ce secteur et favoriser le transport actif, ainsi que sur le boul. Saint-Laurent, pour sécuriser le lien vers le pont Jacques-Cartier.
La Ville de Longueuil, avec son territoire plat et ses grands espaces, a un énorme potentiel pour créer un environnement favorable au transport actif et ainsi contribuer à la santé de sa population. Réduction de gaz à effet de serre, augmentation de l’activité physique, du sentiment de bien-être, réduction du stress et de l'anxiété, diminution du bruit de la circulation; les avantages sont nombreux et indéniables. Et plus il y a de pistes cyclables, plus les gens seront nombreux à se déplacer à vélo. Suffit de passer à l’action!

Chantal Roussel, membre de l'Association Vélo Longueuil