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Pédopsychiatrie à l’hôpital Charles-LeMoyne: retrouver son souffle
le mardi 16 avril 2019
Modifié à 9 h 46 min le 16 avril 2019

ENTREVUE. C’est avec une extrême lucidité et une grande sensibilité que Kaëlla Mathieu témoigne de son passage à l’unité de pédopsychiatrie de l’hôpital Charles-LeMoyne et de ce qui l’a menée à avoir besoin de ces soins. À peine sortie de cette épreuve, elle est convaincue que cet épisode de sa vie l’a rendue plus forte.
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«Aujourd’hui, je suis capable de respirer. Des gens m’ont aidée à retrouver mon souffle, image-t-elle. J’étais complètement exténuée, alors j’avais de la misère à avancer. D’être capable de briller, à ma lumière, c’est ce qui me fait le plus de bien en ce moment.»
Kaëlla a repris l’école une semaine avant la semaine de relâche. La jeune fille de 15 ans constate maintenant à quel point elle a cheminé au cours de la dernière année.
«Ç’a été très difficile, mais je pense que – c’est bizarre à dire – je suis "contente" que ça me soit arrivé, même si ce n’est pas ce que je pensais à ce moment. Aujourd’hui, je suis une jeune fille qui a un coffre d’outils rempli, avec des souvenirs de plein de gens qui ont voulu m’aider. Et je n’aurai jamais trop de moyens pour m’aider.»
Les suites d’une commotion
Tout a commencé sur un terrain de soccer: coup de ballon sur la tête, commotion cérébrale.
Plusieurs effets secondaires se sont ensuite fait sentir, comme des maux de têtes intensifs qui se sont étirés sur deux mois. Sa mémoire, sa concentration et ses réflexes étaient affectés.
Élève en multisports, elle a reçu aussi d’autres coups de ballon à la tête et a dû manquer quelques mois d’école.
Puis, la commotion avait aussi laissé un choc post-traumatique.
«Je faisais toujours le même rêve, je revivais le même moment de ma commotion. Je recevais le ballon et je me réveillais en sursaut. En me réveillant, j’avais mal à la tête, même si je n’avais pas vraiment reçu de coup», relate-t-elle.
Le manque de sommeil a troublé son hygiène de vie, réduit sa concentration à l’école.
«C’était un cercle vicieux. J’étais moins présente mentalement, j’écoutais moins, donc, j’avais moins d’énergie pour faire mes devoirs le soir.»
Et puisqu’elle ne pouvait risquer de recevoir d’autres coups à la tête, il a fallu diminuer les activités sportives, ce qui été ardu sur le plan social.
«Sur l’heure du dîner, mes amis, qui sont beaucoup des sportifs, voulaient jouer au soccer, lancer le ballon de football, mais je ne pouvais pas me permettre de faire ça. C’était difficile de trouver un équilibre.»
«J’ai fini mon 2e secondaire de peine et de misère, parce que j’étais extrêmement fatiguée», raconte-t-elle.
C’est à ce moment qu’elle a commencé à prendre des antidépresseurs, dont les effets bénéfiques auront été minimes.
Impuissante
Si la rentrée en 3e secondaire se déroulait relativement bien, au rythme de Kaëlla, c’est en octobre que «ça ne s’est pas très bien passé». Ses parents l’ont emmenée à l’urgence de l’hôpital Charles-LeMoyne. Elle est restée à l’unité interne de pédopsychiatrie du 28 octobre au 2 novembre.
«Quand je suis arrivée, j’étais hors de mes moyens. Je me sentais impuissante. Tu ne contrôles pas ce qui t’arrives, tu ne veux pas être comme ça, mais tu n’as pas le choix.»
Elle se souvient que l’approche de l’ensemble de l’équipe de soins a été apaisante.
«Les intervenants ne sont pas là pour te juger. Tu n’as pas peur de parler. Par leurs regards, leur approche, leurs sourires, leur façon de te prendre dans leur bras... Ce sont eux qui ont fait une grande différence, pour moi.»
Malgré ces premiers jours éprouvants, Kaëlla prenait conscience du «travail» sur elle-même qui s’entamait. C’est pourquoi, lorsque le pédopsychiatre lui a dit qu’une place se libérait à l’hôpital de jour, elle n’était pas enchantée. «Je n’ai pas eu une très bonne réaction», se souvient-elle.
Pendant ce mois à l’hôpital de jour, elle a fait beaucoup de travail en neuropsychologie, des tests de concentration, en variant la médication, donne-t-elle en exemple. Mais elle ne se sentait pas bien dans cet univers.
«Les intervenants voyaient que je n’étais pas prête à poursuivre, à me diriger vers la réintégration. J’étais encore beaucoup déprimée, j’avais beaucoup de tristesse en moi.»
Elle a donc demandé de retourner à l’unité interne. Même si ce genre de retour est généralement déconseillé, les médecins ont écouté les souhaits de Kaëlla. Elle y est restée du 28 novembre au 7 janvier.
«Je sentais que je n’avais pas fini ce que j’avais commencé. Personne n’aime jouer dans ses bibittes, mais là, tu es seul avec toi-même. C’est juste ça que tu as à faire.»
Elle avait aussi droit à des visites, des sorties et bien que le milieu soit très «sécuritaire et sécurisant», elle pouvait à l’occasion avoir des moments plus libres, pour méditer ou écrire, notamment.
«Liberté, c’est un grand mot, mais j’avais la liberté nécessaire à avoir, un temps pour moi.»
Sensibiliser
Le contact avec d’autres jeunes aura également contribué à son cheminement.
«De voir que je n’étais pas la seule, ça m’a aidée à accepter que j’étais comme ça. J’ai toujours été très "demandante" envers moi-même. Ça m’a aidée à cheminer. Je suis maintenant capable de dire "oui, j’avais ça" et de dire encore plus fort: j’ai été capable de surmonter cette épreuve.»
Ce passage l’a aussi sensibilisée à la santé mentale, l’a amenée à mieux comprendre ce que peuvent vivre d’autres jeunes aux prises avec différents problèmes.
Elle espère pouvoir sensibiliser à son tour.
«Certains pensent que la santé mentale, c’est juste génétique ou que ça peut arriver juste à certaines personnes, remarque-t-elle. Ma vie allait comme sur des roulettes. Je suis tombée, puis ç’a basculé. Ça peut arriver à tout le monde.»
Rappel
Le Bal des 1001 nuits de la Fondation de l’Hôpital Charles-LeMoyne se tiendra le 26 avril, au Complexe Bell de Brossard. Il vise à amasser des fonds qui contribueront à la mission des soins dédiés à la jeunesse de l’Hôpital. Inscription: www.bal1001nuits.ca.