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Pompières et passionnées

le jeudi 11 janvier 2018
Modifié à 6 h 05 min le 11 janvier 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

PORTRAIT. Le Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil (SSIAL) compte trois pompières. Le Courrier du Sud s’est entretenue avec deux d’entre elles. Ce qui en ressort: gars ou fille, peu importe. Un pompier ou une pompière sera appelé à faire le même travail, tant sur les lieux d’un incendie qu’à la caserne, les mêmes qualités et aptitudes sont requises et surtout, il faut aimer sa job. Dans ce métier typiquement masculin, les pompières de Longueuil font ce qu’elles aiment et ont toujours senti qu’elles étaient faites pour ce métier. «Tu as ce qu’il faut, tu as envie de faire ce métier, alors fonce», dit sans détour Julie Lapierre. Cette dernière a su que pompier serait sa vocation lorsqu’elle était sauveteuse à une piscine municipale. «Un des pompiers temporaires de la ville venait souvent et nous racontait ses histoires dans les casernes. C’est ce qui m’a fait dire que, oui, ça me représente. Pour le travail d’équipe, entre autres.» Geneviève Poulin a quant à elle senti l’appel dès ses premiers tests d’orientation et choix de carrière en 4e secondaire, mais a dû patienter jusqu’à 25 ans pour suivre une formation en sécurité incendie. «On m’a obligée à faire un programme universitaire avant. Alors ç’a été un retour aux études», décrit-elle. Intégrer une caserne – majoritairement masculine – n’a pas été particulièrement stressant pour Geneviève Poulin et Julie Lapierre. «C’est drôle, cette idée de devoir "prendre notre place". Tu ne décides pas de prendre ta place, les gens te la donne. C’est le feeling que j’ai, évoque Julie. Tu ne décides pas: ça va être mon carré de sable. C’est un travail d’équipe et tu vas faire partie de l’équipe quand l’équipe va t’accepter. Et pour un gars comme pour une fille, intégrer une équipe, c’est le même défi.» «Être capable de travailler en équipe, c’est la première affaire, confirme Geneviève Poulin. Si tu arrives en caserne et que tu ne parviens pas à interagir, si tu n’as pas d’entregent, ça ne marchera pas.» Selon elle, homme ou femme, les bonnes aptitudes à détenir pour effectuer le métier, en ce qui concerne le travail sur le terrain, est de savoir être calme et gérer son stress. En caserne… «Ça prend un sens de la réparti, un sens de l’humour!, poursuit-elle. Tu ne peux pas passer une journée en caserne sans que ça dérape. Il faut savoir déraper! Le temps où l’on est en caserne, faut faire la part des choses.» Julie Lapierre seconde. «Ça prend aussi de l’humilité, ajoute-elle. Tests D’une école à l’autre, les tests exigés aux futurs pompiers varient. Les exigences d’embauche d’une ville à l’autre ne sont pas non plus les mêmes (voir plus bas). Les deux pompières rencontrées sont d’avis qu’il y aurait peut-être lieu d’arrimer ces exigences afin que les mêmes standards s’appliquent partout, mais surtout, qu’ils correspondent à ce qu’exige le métier. «En 2005, il y avait encore des tests d’haltérophilie, des exercices de force spécifique, mais qui ne sont pas réalistes dans le contexte, remarque Geneviève Poulin. Oui, on a besoin d’une force, mais il pourrait y avoir des tests qui sont plus fidèles à ce qui est attendu de nous.» Lorsque Geneviève Poulin a été embauché à Longueuil, le test physique ne faisait pas partie des épreuves. Dans le cas de Julie Lapierre, elle a dû fournir un document approuvant qu’elle était apte à exercer la profession. «Je ne voulais pas sortir un papier de nulle part. Il fallait que je sois à l’aise de dire "je fais la job", assure-t-elle. J’ai fait le test au Cepsum [Centre sportif de l’Université de Montréal], qui est représentatif du travail que je devais faire par la suite. Mais en tant que tel, la job, c’est plus que les tests physiques.»       Formation en sécurité incendie: une préparation exigeante La plupart des écoles offrant la formation de sécurité incendie contactées par le journal font une distinction entre les hommes et les femmes lors des divers tests physiques. L’Institut de protection contre les incendies du Québec (IPIQ) représente la première année d’un parcours de trois ans, les étudiants devant ensuite compléter une formation au collégial. Les exigences dans le processus de sélection de l’IPIQ ont été récemment revues, même s’il y avait déjà une distinction entre les critères à remplir pour les gars et les filles. «Les standards étaient plus sévères il y a quelques années, mais pendant au moins huit ans, nous n’avions pas eu plus de trois filles qui réussissaient les tests d’entrée», explique l’enseignant Martin Bergeron. Depuis deux ans, une dizaine de filles suivent la formation chaque année. «La différence vient du fait que les résultats au parcours pompier du test d’entrée ont été ajustés pour refléter une meilleure réalité, mentionne M. Bergeron. Ce test n’était pas pondéré pour les filles auparavant.» Durant leur formation, les étudiants et étudiantes seront appelés à refaire plusieurs fois les mêmes trois tests: un test navette sur 20 mètres; le test de Fran, qui inclut 3 séries de 21 Thrusters (avec 95 lb pour les hommes et 65 lb pour les femmes) et 21 pull ups, puis 15 et 9 de chaque mouvement; et un parcours pompier. «Notre rôle, pendant le processus de formation, est d’augmenter graduellement le niveau de forme physique des élèves de façon à ce qu’au bout des trois années de formation, les filles aient aboli l’écart qui les séparaient des gars au départ», poursuit Martin Bergeron. À l’Académie des pompiers, le test d’admission pour entrer au DEP n’est pas éliminatoire mais sert plutôt à dresser un portrait de la condition physique de l’étudiant. Ce dernier devra réussir quatre tests durant l’année de formation, sans distinction homme/femme. Le collège Notre-Dame de Foy, à Québec, offre un DEP en Intervention service incendie et un DEC en Techniques sécurité incendie. Dans les deux formations, les élèves devront réaliser un ensemble de tests cardiovasculaires (navette 20m, Cooper 12 minutes et 5 km de course), musculaires (traction/suspension à la barre, saut vertical, développé couché, flexion des bras, presse oblique, préhension des mains) et en lien à la condition du dos (planche abdominale, redressements assis en 60 secondes et flexion avant du tronc). Au DEP, la formation vise l’amélioration de la performance de l’étudiant, alors qu’au DEC, des barèmes fixes établissent la note de l’étudiant. Tous les étudiants doivent également réussir un parcours de tâches incluant la partie des tâches pompier avec cardio sous appareil respiratoire, la partie établissement de tuyaux en équipe et la recherche de victime en équipe sous appareil respiratoire. «Au DEP comme au DEC, les normes sont différentes pour les filles, note la directrice des études Ghyslaine Picard. Elles sont en dessous des standards des garçons pour tous les tests, sauf pour la flexibilité, où elles doivent faire plus; le tout pour des raisons physiologiques.» Processus d’embauche: peu de distinction homme/femme La plupart des municipalités ne semblent pas faire de distinction entre les futurs pompiers et pompières au chapitre des exigences demandées. Et l’exercice physique fait partie des étapes normales du processus d’embauche. À Longueuil, le test physique suit l’examen écrit et l’entrevue, puis est suivi d’un examen médical. Les futurs pompiers doivent également avoir complété la formation de pompier (DEP) reconnue par le ministère de l'Éducation, en lien avec la loi. L’examen physique combine un ensemble d’exercices : endurance cardiorespiratoire, test de traction, test de l’évacuation d’une victime, test de l’entrée par effraction, parcours APRIA (auto-sauvetage) et test de la montée de l’échelle. Candidats et candidates doivent suivre ce même processus. Au Service de sécurité incendie de Montréal, en plus d’un test mesurant la capacité cardiovasculaire, les candidats doivent réussir un parcours chronométré sollicitant diverses compétences physiques et techniques précises, telles que des simulations de montées et de descentes, un parcours de reconnaissance, etc. Aucune distinction n’est faite entre les hommes et les femmes. À Laval, les candidats et candidates sont aussi appelés à réaliser un parcours chronométré qui inclut une série d’exercices précis, comme les raccords à une borne-fontaine, la simulation d’entrée forcée avec une masse, les manœuvres d’échelle portative ou encore le tirage vertical de boyaux d’incendie. Une dizaine d’épreuves doivent être complétées dans un temps donné. Toutefois, «ce temps a été au préalable validé avec un échantillon d’hommes et de femmes pompiers et pompières ou provenant des écoles de formation», explique la chef de division des communications à la Ville de Laval, Nadine Lussier. «Le temps de réussite est donc le même pour les hommes et les femmes, poursuit-elle, mais tient compte des différences pouvant exister entre les deux sexes en prenant comme seuil de réussite le vingtième percentile de tous les résultats obtenus lors de la validation.» À Chambly, le directeur du Service d’incendie Stéphane Dumberry indique que le même exercice physique en piscine doit être réussi par les candidats et candidates, qui doivent également répondre à un examen théorique, détenir la formation nécessaire et habiter à 5 km de la caserne.  

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