Culture

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?: Rire des préjugés pour mieux les déconstruire

le mardi 11 juillet 2017
Modifié à 0 h 00 min le 11 juillet 2017
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Texte du Brossard Éclair

THÉÂTRE. Sous le couvert de la comédie, la pièce Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?, mettant en vedette Micheline Bernard,  touche à «quelque chose d'extrêmement sensible» en abordant le racisme et la tolérance. Ce propos qui suscite les réflexions au travers des rires, voilà ce qui a séduit la comédienne qui y incarne une mère de famille.

Le film français Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? a été adapté pour la scène québécoise par Emmanuel Reichenbach.

La pièce présentée au Théâtre du Rideau vert et mise en scène par Denise Filiatrault a démarré sa tournée d'une quarantaine de dates à L'Étoile Banque Nationale du Quartier DIX30. Après deux représentations la semaine dernière, la douzaine de comédiens remonte sur les planches les 14 et 15 juillet.

Alain Bouchard, interprété par Rémy Girard, est le père de quatre filles, dont trois sont en couple avec un Chinois, un Juif et un Arabe. Ce fervent nationaliste espère bien trouver pour sa quatrième fille un «gendre blanc de Laval, et riche ça serait pas fou, qu'il se dit», résume Mme Bernard. Mais il sera à nouveau confronté à ses préjugés.

Micheline Bernard interprète la femme d'Alain, Marie. Bien que moins bourrée de préjugés que son mari, ses efforts pour que tout le monde soit heureux n'empêche pas une certaine maladresse.

«Comme bien des femmes et des mères, elle "temporise", décrit la comédienne. Elle adore ses filles, elle veut se rapprocher de ses gendres; elle veut que sa famille fonctionne. Elle essaie de comprendre, d'être plus tolérante et il y a des changements qui vont s'opérer chez elle. C'est un personnage que j'aime beaucoup.»

Le pari réussi de l'autodérision

Si la comédienne croit que l'on peut rire d'à peu près tout, dépendant de la manière, elle croit que le pari de l'autodérision qu'a pris la pièce est particulièrement efficace. «Quand tu ris plus de toi-même, c'est ça qui vient faire comprendre beaucoup.»

«Les gens rient énormément pendant la pièce, poursuit-elle. Et en même temps, il y a un discours. Ça amène des réflexions chez le public, on le sent. Nous aussi, on en a beaucoup discuté quand on a travaillé sur la pièce. C'est ce que je trouve très intéressant; ce n'est pas insignifiant, ç'a quelque chose de très signifiant. Certains ont dit que la pièce était raciste; je trouve plutôt qu'elle le dénonce.»

Et les Québécois, sont-ils racistes? Non, croit Micheline Bernard. «Je nous trouve plutôt tolérants. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas en penser moins. Le Québec…, réfléchit-elle, est beaucoup plus cool par rapport à tout ça. Souvent, c'est l'ignorance qui nous joue des tours, qui peut nous faire dire des niaiseries! Mais on l'est de moins en moins, car on en parle de plus en plus, et il faut s'ouvrir sur le monde.»

Les exigences de la comédie

Celle qui a monté sur les planches pour près d'une cinquantaine de productions concède que le théâtre est exigeant, mais que la comédie l'est encore plus.

Et peut-être est-ce que parce que ce travail qu'exige la comédie ne saute pas forcément aux yeux que ce type de pièces – et de films même – est plutôt dénigré, est-elle d'avis.

Celle qui a insufflé une belle folie au personnage de la psychologue Jocelyne Letendre dans Radio-Enfer rappelle que cette émission pour jeunes ados n'était à l'époque pas si bien vue.

«C'est drôle de voir qu'aujourd'hui c'est presque une série culte. Il n'y a pas une journée où on ne m'en parle pas!», lance Micheline Bernard dans un rire.

«Monter une comédie est un travail extrêmement difficile et périlleux, poursuit-elle. Le travail de l'acteur est de faire comme si ça allait de soi. Mais pour que ça ait l'air simple, le travail est énorme derrière. Il y a une façon de dire les répliques, de trouver un naturel tout en n'étant pas naturel, en écoutant ton partenaire, le public…»

Et Micheline Bernard revient sur l'importance du timing – si cher à la metteure en scène de la pièce, Denis Filiatrault. «Elle a monté ça de main de maître et oui, elle nous en a parlé, du timing. Et elle a raison!»

Le timing demande également d'écouter le public et de s'adapter. Voilà pourquoi la comédie semble peut-être plus périlleuse que le drame, aux yeux de Mme Bernard. «Si le public ne trouve pas ça drôle, on le sait tout de suite. Dans le drame, s'il n'y a aucune réaction, on peut toujours se dire que ça écoute, que ça écoute tellement bien!»

Micheline Bernard, qui n'avait pas encore joué à Brossard au moment de l'entrevue, est d'ailleurs curieuse de découvrir comment sera reçue la pièce tout au long de la tournée.

«Est-ce que sera très différent? On ne le sait pas. On va voir, on va être dans nos petits souliers un peu partout. Ce sont des publics différents, mais en même temps, je crois que cette pièce rejoint vraiment tout le monde.»