Redonner les berges aux citoyens quand les berges bordent une autoroute, c’est possible ?

Si la route pose des limites telles que l’espace disponible ou les accès peu nombreux pour se rendre aux berges, les gens auront tout de même tendance à s’y rendre, croit Michel Rochefort. (Photo : Le Courrier du Sud – Archives)
À Longueuil, Brossard et Saint-Lambert, redonner accès au fleuve était un thème récurrent lors des campagnes à la mairie. Le problème, c’est que les berges bordent également une barrière physique importante qu’est la 132. Selon un professeur rencontré pour parler de la question, même si l’autoroute pose certaines limites, l’ouverture au fleuve est essentielle.
«Je pense que redonner les berges aux citoyens, c’est une nécessité, affirme le professeur en urbanisme à l’UQAM Michel Rochefort. La COVID a fait réaliser qu’une qualité des espaces verts et un accès à un horizon deviennent de plus en plus importants.»
Si la route pose des limites telles que l’espace disponible pour aménager ou les accès peu nombreux pour se rendre aux berges, les gens auront tout de même tendance à s’y rendre, explique M. Rochefort.
«De plus en plus de gens utilisent le vélo ou la voiture pour de courtes distances afin de se déplacer vers des espaces verts, poursuit-il. Les parcs sont davantage occupés, et on parle vraiment d’activités pleine journée. Les villes se densifient, donc la notion d’espaces verts change aussi, comme il y a moins de balcons, moins de terrains.»
La route n’est d’ailleurs pas la seule barrière à un aménagement des berges, alors qu’un terrain important à Longueuil appartient au gouvernement fédéral, par la Société immobilière du Canada.
Malgré tout, le professeur estime qu’il est réaliste d’en récupérer une partie et qu’un aménagement serait possible «dans ses limites», avec une bonne stratégie de planification et de réglementation.
Il serait même possible selon lui d’impliquer les citoyens dans le projet, avec des mesures comme un budget participatif.
«La Ville peut dire à la population : on veut récupérer les berges, vous, est-ce que vous le souhaitez vraiment? Et si oui, on va mettre l’effort nécessaire. C’est un choix collectif.»
Des conditions de succès
Afin que les citoyens s’approprient vraiment les berges du fleuve, certaines conditions sont nécessaires, note M. Rochefort.
Par exemple, le parc doit avoir une certaine ampleur pour qu’il devienne un lieu d’habitude et pas seulement un lieu de passage.
«Les villes ont plutôt l’habitude de faire des petits parcs, parfois thématiques, que ce soit sportif ou d’observation au bord du fleuve, et je pense que ça répond plus difficilement à la demande actuelle», indique le professeur.
Le parc doit également être adapté aux quatre saisons, être pour tout type de public, avoir une variété d’éléments offerts et être accessible en transport en commun et transport actif.
«Quand on regarde la plage de Longueuil sur l’Île Charron, elle est très peu accessible, illustre M. Rochefort. Il faudrait éviter ça.»
L’accès à l’eau n’est d’ailleurs pas indispensable selon lui, même s’il est important d’avoir un contact naturel avec l’eau.
Un mouvement mondial
La récupération des berges est un mouvement en vogue en Amérique du Nord depuis les années 1990, explique M. Rochefort. Il cite d’ailleurs le Vieux-Port de Montréal ou la récupération des bords de l’eau à Vancouver, New York ou même Paris, avec la Seine comme exemple.
«Toutes les villes passent par là, et ça s’étend à l’échelle de la planète, indique-t-il. C’est un mouvement qui s’accélère; Longueuil et la couronne sud ne seraient pas les seules à penser à récupérer les berges.»
Dans certaines villes comme Toronto ou New York, la récupération s’est faite sur certaines portions d’autoroute ou de voie rapide, «mais ce ne sont pas du tout les mêmes moyens», précise-t-il.
Ainsi, pour le moment, l’ouverture aux berges à Longueuil devra s’effectuer avec l’autoroute à proximité. Cela ne devrait toutefois pas être un obstacle trop important pour aller de l’avant.