Culture

Redonner vie aux arts de la scène, progressivement

le lundi 31 août 2020
Modifié à 9 h 59 min le 07 avril 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

L’augmentation de la capacité d’accueil des lieux publics à 250 personnes a donné un souffle aux salles de spectacle, tant pour L’Étoile Banque Nationale que le Théâtre de la Ville (TDLV), alors que des artistes ont foulé ou y fouleront bientôt les planches. Jamais les rangées amovibles de L’Étoile Banque Nationale n’auront été aussi utiles. Une rangée sur deux a été retirée. Il ne reste en fait que des couples de bancs éparpillés. Leur disposition n’a toutefois rien d’aléatoire, orchestrée plutôt par les règles de distanciation. Depuis quelques semaines, des humoristes du Projet Parallèle, ainsi que d’autres initiatives comme Rachid et sa bande, sont montés sur scène. «C’est quasiment des soirées VIP! Les gens sont vraiment heureux, on reçoit des courriels de félicitations», s’enthousiasme la directrice de la programmation Julie Turcot. Un bonheur partagé aussi sur scène, alors que les artistes se sentent privilégiés de renouer avec leur public. «Ça fait tellement de bien de contribuer au bien-être des gens, constate-t-elle. Il y a une petite porte qui s’ouvre: pour un moment, on oublie ce qui se passe.» Corridors de circulation, stations de désinfection, port du masque lors des déplacements; tout est mis en place pour accueillir les spectateurs de façon sécuritaire. Quelques spectacles se sont récemment ajoutés au calendrier de septembre, dont des groupes hommages. Pour l’instant, uniquement la salle L’Étoile, qui peut accueillir 250 personnes dans le respect des règles de santé publique, reprend vie. Des spectacles prévus au Club y sont d’ailleurs transférés. «On y va progressivement», mentionne Mme Turcot. Si les spectacles étaient reportés à courte échéance aux premiers mois de la pandémie, ceux-ci sont maintenant parfois repoussés des mois plus tard… jusqu’en 2022. «Mais on reporte encore un mois à la fois, explique Mme Turcot. On ne veut pas condamner tout notre automne; on suit les consignes de la santé publique.» Des surprises d’ici un retour en janvier Du côté du Théâtre de la Ville (TDLV), on dévoilera sous peu quelques événements de l’automne. L’équipe espère une première activité publique à la fin septembre. «Nous jouons très prudemment, dans l’expectative d’une deuxième vague», signifie la directrice artistique Jasmine Catudal. L’équipe travaille activement à une programmation qui débutera en janvier, «en distanciation physique, dans la salle et sur scène». Si ce sont les humoristes qui ont été les premiers de façon générale à remonter sur scène, il est essentiel pour le TDLV de conserver sa vocation pluridisciplinaire. «C’est très important d’avoir une grande diversité. On veut garder notre palette de couleurs.» Pour l’instant, la salle Pratt & Whitney Canada sera privilégiée. D’une capacité «en temps normal» de plus de 910 spectateurs, elle devrait pouvoir accueillir près de 250 personnes, en respect des règles de distanciation.

«On est en train de résoudre ce casse-tête, mais c’est possible. On travaille fort pour proposer différents projets. Notre but est de recevoir public et artistes en toute sécurité.» -Jasmine Catudal, directrice artistique du Théâtre de la Ville
En parallèle, d’autres projets se mettent en place, dont un programme de résidences de création: des artistes associés au TDLV développeront des projets avec des groupes de citoyens. Des sorties de résidences pourront donner lieu à des spectacles gratuits à petite échelle. «On en a profité pour développer des projets qui étaient dans les cartons. Les résidences de création, c’est quelque chose que j’imaginais pour l’an prochain», évoque-t-elle. L’équipe a aussi su se «virer sur un dix cennes» pour offrir une édition numérique des Fenêtres, événement qui s’adresse aux diffuseurs de projets de théâtre au Québec ainsi qu’aux artistes qui peuvent y présenter leurs projets de création adaptés aux enjeux de distanciation. «C’est une courroie de transmission entre les artistes et les diffuseurs, pour tisser des liens», image Mme Catudal. S’il ne pouvait accueillir le public dans ses murs, le TDLV est cet été allé à sa rencontre, grâce à trois spectacles déambulatoires. Après Émile Bilodeau en juin et Jérôme 50 en août, Maude Audet montera à bord de la camionnette, dont le trajet demeure secret, le 17 septembre. «Ç’a été une expérience tellement extraordinaire, se réjouit Mme Catudal. On est allé dans des quartiers où il y avait une centaine de personnes dehors; la majorité ne connaissait pas le Théâtre de la Ville, c’est d’une richesse inouïe.»  

S’adapter

Changer les façons de faire, s’adapter et (le désormais galvaudé) se réinventer se sont imposés dans le quotidien de bien des acteurs du milieu culturel. «Tout ce qu’on vit depuis des mois est anormal, il faut faire preuve d’adaptabilité», a rapidement constaté la directrice de la programmation de L’Étoile Banque Nationale Julie Turcot. Malgré les temps durs, elle garde espoir. «On est plusieurs à être optimistes et à trouver de nouvelles façons de faire. Mon équipe est composée de personnes énergiques et passionnées qui se dévouent afin de rendre optimale l’expérience de notre clientèle.» Remplir L’Étoile Banque Nationale à 25% de sa capacité ne peut être rentable, financièrement. N’empêche, c’est la voie à emprunter, selon Mme Turcot. «Il faut participer à la relance des arts en salle, maintenir l’écosystème culturel. Présenter des spectacles, c’est notre travail.» Jasmine Catudal témoigne aussi de cette adaptabilité. «Je suis nouvelle au Théâtre de la Ville; je suis là depuis seulement un an. Un collègue me disait qu’il avait l’impression qu’on était tous nouveaux: on réapprend notre métier. Tout a complètement changé.»   La salle Edgar Fruitier a perdu son nom La salle de spectacle de L’Étoile Banque Nationale ne porte plus le nom d’Edgar Fruitier. Au lendemain du jugement qui a reconnu l’acteur et animateur brossardois coupable d’attentat à la pudeur, le 22 juillet, le conseil d’administration de la Corporation du théâtre de l’Étoile s’est rencontré lors d’une assemblée extraordinaire et a décidé à l’unanimité de retirer la plaque à l’entrée de la salle de théâtre.