Rénovictions : un locataire inquiet depuis la vente de son immeuble

Norman Dupont habite au 261, rue Coulonge, à Longueuil. Récemment, l’immeuble de six appartements de même que l’immeuble voisin ont été vendus et un représentant du nouveau propriétaire a offert aux locataires de racheter leur bail et même de défrayer le coût du déménagement. Sceptique devant une telle générosité, M. Dupont a découvert que le nouveau propriétaire de l’immeuble, la compagnie P.P. Tremblay, appartient à Henry Zavriyev, un important propriétaire foncier reconnu dans la région de Montréal pour ses méthodes s’apparentant à des rénovictions.    

Deux options ont été soumises aux locataires. L’option 1 consiste à trouver un logement temporaire pendant les travaux puis de réintégrer un logement rénové, mais au loyer majoré en fonction du coût des travaux et de l’inflation. L’option 2, que favoriseraient les gestionnaires, disent les locataires : quitter son logement avec l’équivalent, en poche, de plusieurs mois de loyer en guise de compensation. 

«Présentement nous sommes à nous organiser pour faire face à la menace que cet individu présente pour notre quiétude et le maintien des conditions avantageuses que nous avons encore avec un loyer abordable», indique M. Dupont qui paie 745$ par mois pour un 4 et demi. Il habite cet immeuble depuis sept ans.

Mais déjà, deux locataires ont accepté la proposition du propriétaire. M. Dupont craint maintenant que d’interminables travaux de rénovation commencent dans les logements qui seront vacants sous peu. 

Aussi, le contrat de déneigement du stationnement a été résilié par le nouveau propriétaire, ce qui causait bien des soucis aux locataires automobilistes. M. Dupont a décidé d’en assumer les coûts. 

Méthode Zavriyev
Henry Zavriyev est bien connu dans la région de Montréal. Important propriétaire foncier, il possède plus de 1000 portes au Québec et est à l’origine de centaines d’évictions dans des résidences pour aînés (RPA) comme celles de Mont-Carmel, de Château Beaurivage ou encore de la Seigneurie de Salaberry. 

Outre les RPA qu’il compte rénover et convertir en appartements locatifs de luxe, Zavriyev s’attaque aussi aux immeubles à logements dans Saint-Laurent, Anjou, Ville-Marie, Rosemont–La Petite-Patrie, Le Plateau-Mont-Royal et, maintenant, Longueuil.

Plusieurs reportages journalistiques ont rapporté des exemples de la technique Zavriyev. Ici, on creuse un immense trou dans la cour, ailleurs on coupe l’eau et l’électricité durant des heures.

Le Courrier du Sud a tenté en vain de rejoindre le représentant de M. Zavriyev.

Plusieurs cas
Bien qu’il soit légal pour un propriétaire de procéder à des évictions sous certaines conditions, comme pour des travaux d’agrandissement, de subdivision ou de démolition, Chantal Schmidt, organisatrice communautaire au Comité logement Rive-Sud, recommande aux locataires d’exiger un document écrit et détaillé des travaux à venir. «Bien souvent, il est difficile d’obtenir des précisions», indique-t-elle.

Dans un document intitulé Évictions forcées publié en décembre, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) sonne l’alarme en soulignant que le nombre d’évictions forcées compilées par les groupes membres du RCLALQ est passé de 1525 cas en 2022 à 3531 en 2023; une augmentation de 132%. Il s’agit en fait de la plus forte hausse de cas jamais compilés par les/ces groupes.

Au cours de la dernière année, le Comité logement Rive-Sud a reçu de nombreux appels concernant ce type de dossier. «En fait, on constate une augmentation de l’ordre de 24% de demandes d’information provenant de locataires aux prises avec une reprise de logement», s’inquiète Mme Schmidt.