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Résultats électoraux: les particularités de la Rive-Sud

le lundi 28 octobre 2019
Modifié à 14 h 54 min le 25 octobre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Pour mieux comprendre ce qui se cache derrière les résultats électoraux de la Rive-Sud, Le Courrier du Sud s’est entretenu avec deux experts en politique et études urbaines. Verdict? La Rive-Sud n’est pas si uniforme qu’elle le laisse paraître et comporte ses traits distinctifs. Suivre les vagues Alors que des circonscriptions demeurent irrémédiablement fidèles à des partis peu importe les tendances – pensons au bastion conservateur de la Beauce –, la Rive-Sud est plus volatile. «Elle est assez branchée sur les vagues», fait ressortir le professeur au département des études urbaines de l’UQAM Frédéric Castel. En 2011, elle a répondu présent à la vague orange, des libéraux et bloquistes se laissant tenter par les candidats néodémocrates. Le caractère progressiste de ces trois formations a facilité ces transferts. En 2015, la vague Trudeau s’est aussi emparée de la région avec, néanmoins, un appui toujours relativement fort au NPD. Après ces deux imposantes vagues, voilà que l’«on revient à la normale de saison», remarque M. Castel. Le Bloc québécois (BQ) a repris des votes au détriment du NPD, le territoire de Montarville, Longueuil–Charles-LeMoyne et Longueuil–Saint-Hubert étant un «univers historiquement à majorité Bloc jusqu’en 2008». Mais malgré ce retour du Bloc, le Parti libéral performe toujours très bien. «Il a gardé, voire augmenté son électorat, ce qui est étonnant car il y a d’anciens bloquistes dans le nombre, avance M. Castel. On ne sait pas s’il s’agit d’un vote favorable à Justin Trudeau, ce qui serait surprenant vue la tendance générale des sondages, ou plutôt la résultante d’un vote stratégique de dernière minute.» La Rive-Sud «progressiste nationaliste» Une analyse poussée des cartes électorales par section de votes des élections fédérales passées et provinciales passées révèle une identité «progressiste nationaliste» de la Rive-Sud. Au provincial, Marie-Victorin est demeurée au Parti québécois alors que le vote pour Québec solidaire était plus fort qu’ailleurs en Montérégie, où la Coalition avenir Québec a dominé plus fortement. «L’ancienne ville de Longueuil est un peu à part, indique Frédéric Castel. Elle serait davantage souverainiste et plus à gauche. Par exemple, aux dernières élections provinciales, Marie-Victorin a élu le PQ et on y voit des appuis à QS alors que dans Montarville, il n’y en a pas du tout. Le vote n’est certainement pas uniforme. La Rive-Sud se singularise à cet égard, c’est intéressant.» La tendance progressiste des trois circonscriptions se confirme aussi en regard du vote conservateur. «Le vote conservateur est faible et l’est resté en 2019. Il a significativement augmenté en 2006 sous Harper pour se maintenir, soutient M. Castel. Le vote est faible, mais stable et solide.» Aux récentes élections, l’appui du PCC avoisine les 7% sur la Rive-Sud, soit moins de la moitié de l’appui qu’a récolté le parti à l’échelle provinciale (16%). Autre trace de cette tendance progressiste: la performance du Parti Vert dans Longueuil–Saint-Hubert. Avec 11,1% des votes, Pierre Nantel a offert à son parti la meilleure performance au Québec. Le candidat Robert Green, dans Notre-Dame-de-Grâce-Westmount, suit avec 10,6%. «C’est là un trait saillant, identifie M. Castel. Ça ne veut pas forcément dire que la circonscription est particulièrement plus écologique qu’ailleurs, mais Pierre Nantel a bien fait la job de ce côté.» Une banlieue qui ne se comporte pas comme telle Généralement, les banlieues portent une plus forte allégeance au Parti conservateur. «En banlieue, les gens ont généralement des revenus plus élevés, ils ont des maisons, des autos. Le message conservateur qui dit «On va vous en mettre plus dans les poches», c’est un appel lancé aux banlieues, car avec une maison, on paie plus de taxes. Au Québec, avec la question nationale, on va aussi voter libéral pour les mêmes raisons.» Dans un milieu avec des revenus plus élevés, les partis de gauche ont donc généralement moins la cote. «Mais sur la Rive-Sud, ça ne semble pas jouer à l’encontre du Bloc, note le professeur. Tous les indicateurs qui aident normalement les partis moins à gauches, chez vous, ils n’ont aucune incidence». Par exemple, dans Montarville, une circonscription où les deux tiers de la population vivent dans une maison, le BQ y est très fort. Langue et immigration D’un point de vue sociologique, la langue demeure le facteur  ayant le plus grand impact sur le vote. Selon le chargé de cours au département des sciences politiques de l’UQAM André Lamoureux, le «clivage» entre d’une part les anglophones et immigrants traditionnellement acquis aux libéraux et les circonscriptions à majorité francophone «est de plus en plus manifeste». La présence de plus en plus grande d’immigrants sur la Rive-Sud et la Rive-Nord est un «changement démographique profond» qui a un effet «imposant» sur les résultats électoraux. «Dans Brossard–Saint-Lambert, le Bloc a livré une performance relativement faible par rapport aux résultats passés, relève M. Lamoureux. En 2006, Marcel Lussier avait récolté 37% des voix et le parti n’a pas répété l’exploit.» [NDLR: à noter qu’Élections Canada a procédé à un redécoupage de la carte électorale en 2012. La circonscription de Brossard–La Prairie – couvrant en 2006 le territoire de ces deux villes – devenait ainsi Brossard–Saint-Lambert.] «Selon les plus récentes données de Statistiques Canada, 53% ont le français pour langue maternelle, 12% des électeurs de Brossard–Saint-Lambert sont anglophones et 31% issus d’autres communautés culturelles. C’est très varié, et ça exerce un poids évident», ajoute-t-il. Dans les quatre circonscriptions ici concernées, Montarville se situe à l’autre bout du spectre. «C’est encore plus francophone que Longueuil–Saint-Hubert, avec un bassin de 90%», compare-t-il. Que 90% des immigrants qu’accueillent le Québec s’installent dans les grands centres urbains crée à ses yeux un «déséquilibre». «Quand Québec parle de répartir l’immigration, on évoque souvent des raisons économiques avec l’emploi, mais ça crée aussi un déséquilibre sur le plan politique. Ça paraît jusque dans les résultats des élections.» Selon André Lamoureux, les positions des différents partis sur la Loi 21 ont aussi été déterminantes.   Le tableau complet: [caption id="attachment_81131" align="alignnone" width="1006"] La répartition du vote des dernières années dans trois circonscriptions. (Gracieuseté - Frédéric Castel)[/caption]  

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