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Rue Park : « un trottoir dont personne ne veut »

le jeudi 02 septembre 2021
Modifié à 12 h 42 min le 03 septembre 2021
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

L’ajout du trottoir sur la rue Park est évalué à environ 100 000$, sur une facture globale de 2,8 M$. (Photo : Le Courrier du Sud – Geneviève Michaud)

Alors que leur rue est en chantier depuis le début du mois de juillet, des résidents de l’arr. de Saint-Hubert réclament que la Ville de Longueuil revienne sur sa décision d’y ajouter un trottoir.

Le 3 juin, les résidents de la portion de la rue Park située entre les boul. Davis et Kimber ont reçu une lettre de la Ville leur indiquant que leur rue allait faire l’objet de travaux de remplacement d’aqueduc et de réfection de la chaussée au cours de l’été. C’est à ce moment qu’ils ont appris avec stupéfaction que la Ville planifiait implanter un trottoir sur le côté pair de leur rue.

Le hic? Ce trottoir viendra amputer une partie de l’espace de stationnement disponible pour plusieurs résidences.

 

 

Le trottoir viendra amputer une bonne partie de l’espace de stationnement d’au moins huit habitations, forçant les résidents à se stationner dans la rue. (Photo : Gracieuseté)

(Photo : Gracieuseté)

(Photo : Le Courrier du Sud - Geneviève Michaud)

«Soyons clairs : on est 100 000% d’accord avec la réfection de la rue, qui en a bien besoin, lance d’entrée de jeu Suzanne Éthier, en entrevue au Courrier du Sud, alors que les pelles mécaniques s’affairent déjà au centre de la rue Park. Mais qu’est-ce qui justifie l’ajout d’un trottoir, qui viendra empiéter sur nos stationnements?»

«Le point majeur n’est pas que la Ville mette un trottoir devant chez moi et que je n’aime pas ça, ajoute Patrick Boucher. C’est que ça va réduire l’espace de stationnement de beaucoup de résidents, qui devront dorénavant stationner dans la rue.»

Des arguments contestés

En consultant le document d’adjudication du projet, qu’ils ont obtenu grâce à la Loi d’accès à l’information, les citoyens de la rue Park ont appris que la Ville souhaite profiter des travaux pour «améliorer l'aménagement de la voie publique».

Selon la Ville, la configuration existante «n'encourage pas l'usage des transports actifs, car il n'y a pas de trottoir et le stationnement est permis sur les deux côtés de la chaussée, ce qui n'est pas approprié pour un secteur résidentiel».

Les citoyens ont été surpris par cette affirmation, le stationnement étant restreint à un côté de leur rue, en alternance, depuis plusieurs années. Ils ont donc rapidement contacté la Ville pour l’aviser de l’erreur. A suivi un long échange de courriels entre l’administration municipale et eux.

Dans l’un des nombreux courriels échangés entre l’administration et les citoyens, la Ville précise que c’est entre autres parce que la rue Park se raccorde à deux boulevards – Davis et Kimber – où circulent des autobus du Réseau de transport de Longueuil (RTL) que le trottoir est requis. Elle ajoute que la rue se trouve aussi à 600 mètres des écoles Maricourt et Royal Oak.

«Savez-vous que plusieurs rues du quartier sont aussi raccordées à une rue desservie par le RTL mais n’ont pas de trottoirs? répond Suzanne Éthier. Que ces mêmes rues se situent en-dedans du 600 mètres des écoles en question?»

Refaite il y a trois ou quatre ans, la portion de la rue Park située de l'autre côté du boul. Davis ne comporte pas de trottoir. (Photo : Le Courrier du Sud - Geneviève Michaud)

«Il est à noter que le stationnement demeurera permis d’un côté de la rue et que le taux d’occupation enregistré est généralement faible», précise également la Ville.

«Le problème n’est pas tant le trottoir que son emplacement, rétorque Suzanne Éthier. Il y aura pas moins de huit endroits (dont des quadruplex) où les entrées seront amputées au point de devoir stationner dans la rue. Du coup, vous venez d’augmenter le taux d’occupation…»

«Des duplex s’en viennent à côté de nous et à d’autres endroits sur la rue, ajoute Patrick Boucher. On réduit le stationnement mais on densifie…»

«Pourquoi, quand la Ville a rénové les rues avoisinantes – Howard, Coderre, etc. – elle n’a pas ajouté de trottoir?» se demande quant à elle Nancy Gosselin.

Vision globale d’aménagement

Pour Longueuil, l’ajout d’un trottoir sur la rue Park fait partie d’une vision plus large d’aménagement du territoire.
«Globalement, la Ville a un objectif de développer son réseau de trottoirs et de voies cyclables pour encourager les transports actifs, indique le porte-parole de la Ville Hans Brouillette. Le fait d’avoir un trottoir va favoriser les déplacement à pied et l’occasion de l’ajouter est parfaite lorsqu’on exécute de tels travaux d’envergure.»

Et bien qu’elle se désole que certains résidents soient mécontents, la Ville précise que le trottoir sera installé dans l’emprise municipale.

«Peut-être que depuis des années, les citoyens avaient un espace plus grand pour se stationner, mais ce n’est pas de l’espace qui leur appartient, précise M. Brouillette. Le trottoir va prendre place sur l’espace qui appartient à la Ville, qui appartient à la collectivité.»

La rue Park en chantier (Photo : Le Courrier du Sud - Geneviève Michaud)

Absence de consultation

Les résidents de la rue Park sont outrés que le projet n’ait pas fait l’objet d’une consultation publique ni d’étude d’impacts.

«Malgré une majorité de 77% des résidents qui s’opposent à l’ajout d’un trottoir, on va nous l’entrer dans la gorge, ce trottoir, déplore Suzanne Éthier. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le citoyen n’est pas entendu. À qui profite donc ce trottoir?» se demande-t-elle.

Du côté de Longueuil, on précise que «les citoyens ne peuvent pas être consultés au cas par cas pour une orientation globale comme celle de développer le réseau piétonnier ou cyclable», précise Hans Brouillette.
 

Une pétition mais…

Sous recommandation de leur conseiller municipal Jacques E. Poitras, les résidents de la rue Park se sont rapidement mobilisés et ont envoyé une pétition à la Ville. Ainsi, près de 80% des résidents se sont prononcés contre le trottoir.

La pétition a été déposée à l’assemblée du conseil municipal de Longueuil du 15 juin par M. Poitras. Lors de cette même assemblée, l’élu a souligné que si les travaux ne procédaient pas en 2021, la Ville risquait de perdre la subvention qu’elle a obtenue pour ce chantier.

«Tu nous suggères de faire une pétition et tu la déposes en disant "Si on arrête les travaux, on va perdre la subvention"…», se désole Nancy Gosselin.

«Le conseiller n’a pas fait son travail, déplore Patrick Boucher. Il n’est même pas venu voir la situation sur place. Personne n’a défendu notre dossier à la Ville.»

«J’ai essayé toutes les portes, toutes les avenues», assure de son côté le conseiller.

«Ça fait 25 ans que je suis conseiller dans le secteur et ça fait 15 ans que je travaille pour que la rue Park – aqueduc, égout, chaussée – soit refaite, explique M. Poitras au Courrier du Sud. Quand j’ai vu l’inscription des travaux au PTI [Programme triennal d’immobilisations], qui ne mentionnait que l’aqueduc et la chaussée, je me suis dit "Bingo!" J’ai été avisé de l’ajout du trottoir le 3 juin, en même temps que les citoyens.»

Le conseiller affirme s’être rendu sur place pour constater qu’il était «incongru» d’ajouter un trottoir. Il a ensuite multiplié les démarches auprès des fonctionnaires et du cabinet de la mairesse pour que le trottoir soit retiré du projet, en vain. «Si on avait retiré le trottoir, il aurait fallu retourner en soumission et on aurait perdu la subvention.»

«Il y aurait dû y avoir une consultation publique, soutient le conseiller. Les citoyens de la rue Park veulent garder leur rue comme elle était et comme les autres rues du quartier, qui n’ont pas de trottoir.»