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S’affranchir des médias sociaux pour mieux servir les citoyens

le vendredi 16 décembre 2022
Modifié à 15 h 08 min le 15 décembre 2022
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Alexandrine Lamoureux-Salvas et Virginie Dostie-Toupin estiment que les contacts en personne, au téléphone et même par courriel sont beaucoup pertinents que ceux par les médias sociaux. (Photo : Le Courrier du Sud – Michel Hersir)

Après un peu plus d’un an en poste, les élues de Saint-Lambert Alexandrine Lamoureux-Salvas et Virginie Dostie-Toupin ont fermé leur page Facebook de conseillère municipale. Les deux femmes ont pris la décision sans se consulter, mais en sont venues au même constat : le géant des réseaux sociaux est un outil malhabile pour échanger avec les citoyens.

Alexandrine Lamoureux-Salvas n’avait déjà pas de page Facebook personnelle depuis 2016, alors sa réflexion était déjà amorcée avant même de créer sa page de conseillère.

Mais alors que le dossier de la piscine de Préville échauffe les esprits au cours de l’été, le débat est particulièrement virulent sur les réseaux sociaux et les commentaires dérapent. En pleines vacances, la conseillère est même interpellée par des commentaires misogynes.

«Quand tu reçois ces messages, tu te poses la question : est-ce que ma présence sur les réseaux sociaux est pertinente à ce point qu’elle nécessite l’accès à ce genre de commentaires? Ça porte à réflexion», souligne Mme Lamoureux-Salvas.

Pour sa part, Virginie Dostie-Toupin renchérit sur de nombreux facteurs : ambiguïté entre sa page personnelle et page de conseillère, exemple à donner à ses enfants, difficulté à résumer des dossiers complexes et réflexion sur le rôle d’élus dans les débats publics.

«On est toutes les deux arrivées à la conclusion que c’était plus pertinent d’allouer notre temps à d’autres façons d’interagir avec nos citoyens, qui sont plus humaines et aussi plus constructives pour le débat public», affirme-t-elle.

Courage

Les conseillères évoquent d’ailleurs une rencontre au parc de Préville comme un tournant de leur réflexion sur leur page Facebook.

«Ça pourrait être interprété comme un manque de courage de fermer nos comptes, mais au contraire, on s’est rendu toutes les deux dans le parc de Préville au plus fort de la crise, on a rencontré une trentaine de citoyens parmi les plus mécontents et on a passé plus de trois heures avec eux. Quand on est sorti de là, j’avais vraiment l’impression du devoir accompli. C’était un bel espace de désaccord», souligne l’élue.

«Il y avait un respect de base, une civilité dans les échanges qu’on peut facilement oublier derrière notre clavier. Je me rendais compte que l’impact que j’avais avec ma page Facebook était moindre que celui que j’ai quand je suis capable de parler avec gens en face en face, par téléphone et même par courriel», ajoute Mme Lamoureux-Salvas.

Les débats et les chocs d’idées sont nécessaires, soutiennent en outre les conseillères.

«On dirait que l’espace d’une possibilité d’un désaccord harmonieux se restreint de plus en plus, alors qu’en démocratie, on a besoin de ça.»

-Virginie Dostie-Toupin, à propos des réseaux sociaux

Elles souhaitent que les citoyens continuent à s’exprimer sur les dossiers de la Ville et croient qu’un recul par rapport aux médias sociaux permettra de réorienter leur temps de façon plus pertinente et plus positive.

«On a senti un poids s’enlever», admet Mme Dostie-Toupin.

Violence envers les élus

L’épisode a tout de même amené les élues à une réflexion plus générale sur la violence et la cyberviolence envers les personnes en position d’autorité.

«On l’a vu au Québec durant la campagne électorale et un peu partout dans le monde. Le respect qui est associé au rôle de l’élu, il glisse tranquillement. Depuis l’été, on a beaucoup vu d’incivilités, je pense à un citoyen qui m’a crié "ta gueule!" en pleine séance publique», témoigne Mme Lamoureux-Salvas.

Les deux femmes révèlent que l’Union des municipalités du Québec suit de près le dossier de l’intimidation envers les élus et souhaitent maintenant que le gouvernement provincial légifère mieux le harcèlement et la violence, notamment en ligne.

«Ça aiderait à encourager les gens à se présenter en politique parce qu’on l’a vu : beaucoup ne se sont pas représentés dans les dernières années, comme l’ancien maire de Saint-Lambert Pierre Brodeur, en citant les réseaux sociaux comme raison», soutiennent-elles.