Saint-Lambert : berceau de l’immersion française
Ardeth Neale a fait partie de la troisième cohorte de l’immersion française à Saint-Lambert en 1967. Elle ne le savait peut-être pas à l’époque, mais la bataille de sa maman pour une éducation bilingue allait faire des petits. Ils sont aujourd’hui plus de 700 000 dans les programmes d’immersion française partout au pays.
Au bout du fil, Ardeth Neale parle français comme si c’était sa langue maternelle. N’eût été l’insistance d’Olga Melikoff, Murielle Parkes et Valerie Neale – sa maman – elle n’aurait possiblement pas l’aisance qu’elle a aujourd’hui.
Ces trois femmes anglophones de Saint-Lambert étaient à la tête d’un groupe de parents qui a milité pour une meilleure éducation française.
«Elles se sont données corps et âme dans ce projet. Ç’a pris deux ans avant d’être accepté comme projet pilote, et chaque année après ça, elles ont dû continuer à lutter parce que la commission scolaire refusait de leur dire oui pour de bon», exprime celle qui donnera une conférence sur le sujet le 28 mars aux Jardins Intérieurs, à Saint-Lambert.
Le programme connaît cependant un franc succès. En 1965, une première cohorte de maternelle en immersion française voit le jour avec 26 élèves. Deux ans plus tard, ils sont 180. Et déjà en 1977, ils sont 45 000 à travers le Canada.
Désir de bilinguisme
L’initiative des Lambertoises allait de pair avec un désir de plusieurs parents à travers le Canada à la fin des années 50, qui désiraient une meilleure éducation en français et qui croyaient au bien-fondé du bilinguisme, explique Mme Neale.
«Les cours de français étaient toujours donnés par un anglophone et c’était du par cœur. Les anglos finissaient l’école et ne pouvaient pas parler français », souligne-t-elle.
Cette dernière rappelle de plus le contexte de l’époque à Saint-Lambert, où la population avait doublé, mais que les résidents – moitié anglophones, moitié francophones – ne communiquaient que très peu entre eux.
Les francophones allaient à l’école catholique; les anglophones à l’école protestante. Il n’y avait pas vraiment de mélange.
«Ce n’était pas adéquat pour les parents. Alors ils ont dit : pourquoi pas un bain linguistique?» indique Mme Neale, qui souligne au passage que ce sont les parents qui ont initialement trouvé le professeur, le matériel et les subventions pour faire une étude sur le sujet.
Expansion
Comment le projet a-t-il grandi à ce point depuis ces débuts? Mme Neale évoque entre autres qu’elles ont réussi à attirer l’attention des médias, dont Le Courrier du Sud.
Un article de 1965 dans Le Courrier du Sud porte sur des camps d'été en français organisés par les parents à partir de 1964, avant même que leur proposition d'immersion française soit acceptée. À l'époque, Le Courrier du Sud publiait également des articles en anglais. (Photo : BanQ)
Le bouche-à-oreille ainsi que l’étude longitudinale de l’Université McGill ont également permis d’inspirer des programmes similaires partout au Canada – et éventuellement même aux États-Unis et à des endroits comme le Pays de Galles, afin de réintroduire des langues supprimées.
Une réussite qui n’a pas été sans embûches, notamment de la commission scolaire protestante, qui craignait une réduction des droits des anglophones.
«C’est impossible de séparer la langue et la politique. Et c’est encore le cas!» évoque la conférencière.
Elle cite notamment l’intention en 2023 du gouvernement du Nouveau-Brunswick – seule province bilingue au Canada – d’abolir le programme d’immersion française. De plus, même si le nombre de personnes inscrites en immersion française augmente toujours, elle indique que le pourcentage de gens inscrits, lui, est en baisse.
Néanmoins, Ardeth Neale est fière de l’initiative de sa maman et on le sent dans sa voix.
«C’est sûr que ç’a été changé, adapté. Mais ç’a été un modèle qu’on connaît, reconnu dans les cercles académiques», conclut-elle.
La conférence St.Lambert : The birthplace of French Immersion Education in Canada//Saint-Lambert : le berceau de l’immersion française au Canada sera présenté en anglais par la Société d’histoire Mouillepied aux Jardins Intérieurs (1705, avenue Victoria) le jeudi 28 mars, à 14h. L’entrée est de 5$ pour les non-membres de la Société.
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