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Santé : vers un manque d’externes en soins infirmiers cet été?

le mardi 11 juin 2024
Modifié à 16 h 06 min le 07 juin 2024
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

En raison d’un changement des conventions collectives, il est désormais plus payant d’être préposé aux bénéficiaire qu’externe en soins infirmiers pour des étudiants en soins infirmiers. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Denis Germain)

Actuellement préposée aux bénéficiaires (PAB), Lucie (nom fictif), étudiante en soins infirmiers, occupera cet été un poste d’externe en soins infirmiers au CISSS de la Montérégie-Centre. Mais récemment, elle a appris qu’elle gagnera 5 $ de moins de l’heure, une bien mauvaise nouvelle pour elle en cette période d’inflation et une mauvaise nouvelle également pour le système de santé en manque criant de personnel. 

Récemment, Lucie a contacté les ressources humaines de son CISSS afin de s’assurer qu’elle garderait son salaire de PAB (25,63 $/h) lors de l’externat à l’été 2024. Il était d’usage dans le réseau de permettre au travailleur de conserver le salaire horaire le plus élevé. 

On lui a répondu que cela ne serait pas possible en raison d’une décision ministérielle adoptée dernièrement par le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux. 

Avec la nouvelle convention collective de la CSN, le salaire d’une préposée aux bénéficiaires s’élève à 25,63 $/h. Or, selon la convention collective de la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) 2019-2023, le salaire d’une externe en soins infirmiers est de 20,65$/h. Pour Lucie, cela représente une perte de plusieurs milliers de dollars cet été. 

«Lorsqu’on étudie en soins infirmiers, autant à la technique qu’au BAC, on n’a vraiment pas beaucoup de temps pour travailler pendant une session, indique Lucie. Cette différence pourrait réellement faire la différence dans notre parcours académique. Considérant qu’il y a un manque flagrant d’infirmières dans le réseau public, c’est complètement aberrant et cela ne donne pas envie de poursuivre dans le public ou même dans la profession.»

«Après deux années de soins infirmiers, je possède plus d’expertise médicale qu’une préposée aux bénéficiaires», estime Lucie. 

Une externe en soins infirmiers diminue les tâches et la charge des infirmières sur le plancher. Non seulement acquière-t-elle de l’expérience pour être une meilleure infirmière lorsqu’elle graduera, mais elle allège le fardeau et le temps d’attente des patients en établissement de santé, fait valoir Lucie. L’externat en soins infirmiers est une étape cruciale au cheminement scolaire de l’infirmière.

Situation aberrante
Président de la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) CISSS Montérégie-Centre, Denis Grondin comprend mal l’attitude du gouvernement dans ce dossier. «Il était dans les usages qu’un employé qui change de métier conserve le salaire le plus élevé. Mais le gouvernent a décidé d’interdire cette pratique. Je ne connais pas beaucoup d’employeur qui baisse le salaire de leurs employés qui ont plus de diplômes.»

Selon lui, les impacts devraient se faire sentir dès la mi-juin. «C’est à cette période de l’année que nos candidates à l’exercice de la profession infirmière, ou CEPI dans le milieu, arrivent en poste. Il n’y en aura peut-être pas beaucoup qui auront accepté une baisse de salaire.»

«Quand on les entend crier à la télé qu’il manque des infirmières dans le réseau, on pourrait peut-être trouver une solution», lance de son côté Julien Houle, président du syndicat au CISSS de la Montérégie-Centre qui défend plus de 5000 syndiqués.

Selon lui, une solution pourrait consister à faire travailler la personne comme préposée aux bénéficiaires durant trois jours puis comme externe durant deux jours. «Cela suffirait je crois à pouvoir payer cette personne au salaire le plus élevé.» 

Externat pas obligatoire
Du côté du ministère de la Santé et des Services sociaux, on indique que le taux horaire des externes en soins infirmiers «respecte une logique hiérarchique de rémunération entre les externes, les candidats à l’exercice de la profession et les techniciens (infirmiers) dûment formés.»

«Il est important de rappeler que l’externat en soins infirmiers n’est pas obligatoire», précise le Ministère. 

En 2023-2024, le réseau de la santé et des services sociaux comptait 1 390 externes en soins infirmiers.

Remise en question
Bien qu’elle affirme aimer la profession, Lucie admet qu’il lui est difficile de vouloir rester dans le réseau public avec un désavantage aussi important. «C’est bien frustrant, surtout en période de récession et avec une inflation aussi haute.» 

Elle craint aussi que cette baisse de salaire fasse en sorte de convaincre plusieurs préposées aux bénéficiaires de demeurer à leur poste plutôt que d’envisager l’externat.