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Travaux après un incendie : des locataires refusent de quitter leur logement

le mercredi 07 août 2024
Modifié à 13 h 59 min le 09 août 2024
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

L’incendie a endommagé une partie de l’immeuble. (Photo: Gracieuseté)

Un couple de Brossard ne croit pas son locateur qui soutient qu’il doit quitter son logement parce des travaux doivent être faits à l’ensemble de l’immeuble à la suite d’un incendie survenu le 11 mai. Ils se retrouvent maintenant devant le Tribunal administratif du logement à cet égard car ils sont retournés vivre dans leur logement en dépit de l’avis contraire du propriétaire. 

Le 11 mai dernier, un incendie éclate dans la partie est d’un immeuble à logements situé au 2475, rue Aubert, à Brossard. Un couple de septuagénaires, Yeven et Svitlana Demianenko, habite un logement au demi-sous-sol de cet immeuble, côté ouest. En raison de la guerre avec la Russie, les Demianenko ont pu quitter l’Ukraine en 2022.

«Mes beaux-parents ne parlent pas français, mais mon beau-père Yeven parle anglais, indique Alex Lyapin au Courrier du Sud. Le loyer de 800 $ leur convenait. Yeven a trouvé du travail dans une épicerie et il y a une banque alimentaire à proximité.»

Après l’incendie, M. Lyapin a hébergé temporairement ses beaux-parents. «Ils se sont fait dire par la concierge qu’ils devaient quitter l’immeuble en raison des travaux à venir. Mais nous sommes repassés devant l’immeuble quelques jours plus tard et des locataires y habitaient toujours», raconte M. Lyapin.

L’incendie s’est déclaré dans la partie est de l’immeuble. Le couple Demianenko habite du côté ouest. (Photo: Gracieuseté) 

Demande de remboursement et réaction du locateur
Le 4 juin, quelques jours avant de réintégrer leur appartement, les Demianenko font parvenir une lettre au gestionnaire de l’immeuble, Les Immeubles Bermont / Gestion 1984 Inc., situé à Saint-Lambert, dans laquelle ils dénoncent le manque de communication et demandent le remboursement d’une partie du loyer du mois de mai. 

En guise de réponse, le 12 juin, le locateur informe les Demianenko qu'au total 11 logements ainsi que la cage d'escalier ont été touchés et contaminés. 

«Le service des incendies de la ville nous a informé que l'immeuble devait être évacué en totalité durant les travaux puisque selon le règlement municipal, aucun locataire ne peut habiter l'immeuble durant les travaux qui empêchent l'usage de la cage d'escalier (sortie de secours obligatoire)», dit la lettre.

Une semaine plus tard, le 19 juin, nouvelle lettre du locateur qui affirme que l’immeuble devra être complètement vide pendant les travaux. «Par conséquent, tous les habitants de l'immeuble, sans exception, doivent avoir quitté leur logement au plus tard le 1er juillet 2024.» 

On ajoute : «À partir de la date de début des travaux toute personne résidant sur place se trouvera en infraction. Les conséquences de cette infraction se traduiront par des procédures d'éviction ainsi que des amandes [sic.] pour lesquelles les locataires fautifs pourraient être tenus responsables.»

Présence d’amiante 
Le 9 juillet, les Demianenko reçoivent par huissier une lettre d’un cabinet d’avocats embauché par le locateur les avisant cette fois de la présence d’amiante dans l’immeuble.

«Lors des vérifications ayant été entreprises par l’assureur de notre cliente, Desjardins Assurance, les évaluateurs ont effectué des ouvertures aléatoires et exploratoires dans les plafonds et les murs, le tout afin de constater l'ampleur des dommages, indique le document. Or, lors de ces constatations, l'assureur a découvert la présence d'amiante dans les composants des matériaux garnissant l'immeuble. Ainsi, des travaux de décontamination devront être effectués.»

Droit des locataires
Interpellé par cette situation, le Comité logement Rive-Sud a distribué aux locataires de l’immeuble un document les informant qu’ils peuvent demeurer dans leur logement, malgré la lettre par huissier. 

«Le propriétaire doit demander au Tribunal administratif du logement avant d'effectuer les travaux puisque ceux-ci ne sont pas urgents, indique-t-on. Vous avez le droit de retourner dans votre logement à la fin des travaux. Votre propriétaire devra vous avertir lorsque les travaux seront terminés.»

Des travaux ont déjà été entamés sur l’immeuble incendié. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Sylvain Daignault)

«Proportions hors contexte»
Dans une réponse envoyée au Courrier du Sud, André Langevin, du cabinet d’expertise en règlement de sinistres Lead, indique que cette affaire prend «des proportions hors contexte quand on considère que l'éviction du bâtiment est nécessaire et directement en lien avec la protection et la prévention de la santé des occupants.»

M. Langevin revient aussi sur la présence d'amiante et sur le fait qu'une sortie de secours doit être condamnée pendant les travaux de démolition et de reconstruction, ce qui est «impossible à faire avec la présence des locataires».

L’expert en sinistre affirme que tous les locataires ont quitté les lieux, «sauf peut-être deux ou trois», principalement parce qu’ils n’avaient pas d’assurance, mais qu’ils «quitteront quand même sous peu».

«L'avocate au dossier a clairement expliqué à tous les locataires les motifs raisonnables et sensés de cette éviction», ajoute-t-il.

Selon lui, en raison des devis de réparations qui doivent être complétés et présentés aux architectes, la soumission à l’assureur pour approbation des travaux et la demande de permis à la Ville de Brossard, les travaux prendront plusieurs mois.

Aucune date d’audience n’a encore été prévue dans ce dossier, indique Denis Miron, du Service des communications du Tribunal administratif du logement.